il la trouve fort intéressante. Renart a tout juste terminé, qu’il en saute de joie. Il prend la parole, tout à son aise, que cela plaise ou non. « Seigneurs, dit le roi Noble, il est bien sûr raisonnable et judicieux que tout sujet, grand ou petit, cherche à m'honorer. Suite à ce que Renart vient de dire, je vais devoir m'en acquitter dans l'année. Honte à moi, si je n'arrive pas à l'obtenir. Sachant que les jours de Renart sont comptés, puisque je ne veux pas me parjurer, lequel d'entre-vous portera le message à Yvoris au sujet du mariage ? Qui lui demandera de ma part la main de sa fille ? » Malheur à celui qui se porterait volontaire pour porter le message, car ils ne savent rien sur Yvoris, ni où sont ses terres. Je ne vois pas comment ils le sauraient, ni quel démon aurait pu leur dire, car Renart ne le sait pas lui-même. Il a trompé le roi, il a inventé cette histoire de toutes pièces, rien n’est vrai dedans ! Il cherche juste à l’embobiner pour pouvoir s’en tirer. « Seigneurs, fait Noble, écoutez-moi, je vous ai demandé, prié même, de porter ce message, mais je n'en vois pas un, assez futé, pour le faire, quitte à s’en flatter ensuite. Et vous Chantecler, qu’avez-vous à dire ? Si vous me tuez Renart, le seul sur lequel je peux compter, le porterez-vous vous même ce message ? — Mon Dieu, sire, vous plaisantez ? Mais je ne sais pas où vit cet Yvoris. C’est encore Renart, qui, loin d’être idiot, cherche à vous faire croire ce qui l’arrange comme à son habitude. » Renart voit son histoire mise en doute, il pourrait en rester là, mais préfère prendre les devants. « Sire, fait-il, vous pouvez me croire en toute confiance. Qu’on le veuille ou non, je ferai en sorte que vous soyez roi d’outre-mer comme vous l’êtes déjà ici. Vous aurez en plus une femme noble, et belle comme aucune autre jusqu’en Sicile. Si je n’y arrive pas d’ici la fin de l’année, et que je suis toujours vivant, je consens à être exécuté sans discuter, et sans autre forme de procès. » Grimbert ajoute : « Il a raison, sire, vous ne pouvez pas lui refuser. Je m’en porte garant, sinon privez-moi de pain, et retirez-moi mes terres et mes fiefs. Quoi qu’il arrive, tenez-moi pour responsable si Renart ne tient pas sa promesse. Faites une croix sur son crime, et peu importe ce qu’on pense de vous, car vous ne trouverez jamais personne pour vous reprocher ce parjure. » Le roi avait besoin d’entendre ce conseil, ma foi, fort raisonnable. « Chantecler, mon ami, fait-il, je vous demande, je vous prie en ami, de me pardonner au sujet de ce meurtre, afin d’être couronné de la gloire que je cherche. Mais sachez pour sûr, que s’il manque à sa parole, même l’armée de Dieu ne pourra le sauver. » Chantecler entend bien la demande insistante du roi et ne sait comment lui refuser. Pourtant l’attente de réparation est forte, mais le roi le veut absolument, alors il devra en supporter les conséquences. Il se range à sa volonté, mais cela va faire des déçus. Quoi qu’il en soit, tout cela convient parfaitement à Renart et aussi à seigneur Cointereau le singe. Mais Pinte est malheureuse, et Ysengrin se lamente. Le roi remercie Chantecler pour son consentement. « Je vous suis redevable, dit-il. Quant à vous Renart, tout est réglé, vous échappez à la mort, vous êtes acquitté, alors tâchez de mener à bien votre affaire. » Renart répond : « Voilà qui est parfait ! Mais, il me faut une lettre avec votre sceau, et, rien ne me détournera de ma quête, si Dieu me prête vie. » Le roi fait rédiger une lettre sur un vélin, avec tout ce qu’il souhaite y mettre. Renart la charge sur sa selle, tandis que le roi lui fait ses recommandations. Renart lui accorde tout ce qu’il veut, content de pouvoir partir là où on l’envoie, sans toutefois avoir la moindre idée du chemin ! Il a enfin réussi à s’en tirer. Il fera en sorte de ne plus se faire piéger par la cour du roi, jusqu'au jour où il prendra le dessus, en trouvant quelque chose pour se venger de ses ennemis, et réduire la cour au silence, tout en faisant plaisir au roi. | 26832 26836 26840 26844 26848 26852 26856 26860 26864 26868 26872 26876 26880 26884 26888 26892 26896 26900 26904 26908 26912 26916 26920 26924 26928 26932 26936 26940 26944 26948 26952 | Sachiez que auques li fu bele. De tant seulement qu'il oï, Mout durement s'en esjoï. Or parlera, s'il en a aise, Qui que soit let ne cui il plaise. « Seignors, ce dist Noble li rois, Bien esseroit resons et drois Que li plus grant et li menor Par tot porchasacent m'onor. Tel chose m'a Renart ci dite, S'en cest an la puis avoir quite. Et se ge n'ai ce qu'il m'a dit, Dont pris ge m'anor mout petit. Or set Renart ne puet durer, Que je ne m'en vueil parjurer. Quel de vos fera le mesage A Yvoris du mariage, De par moi die la novele Qu'a moillier me doint la pucele ? » Mal de celui qui ainc deïst Du mesage qu'il le feïst ! Que Yvori ne connoissoient, De sa terre point ne savoient. Ne sai conment il la seüssent Ne quel malfé dit lor eüssent. Renart meïsmes nu savoit, Mes li rois amusé avoit ; Tel chose li faisoit acroire Qui ne pooit pas estre voire. Mes si le voloit enivrer Que il se peüst delivrer. « Seignors, fet Noble, or oiez, Mout vos ai semons et proiez Que me feïssiez cest mesage. Mes n'en i voi .I. seul tant sage Qui du fere s'en fist vanter. Et vos que direz, Chantecler ? Se vos Renart me destruiez, Ou mes conseulz est apuiez, Cest mesage ferez le vos ? — Por Dieu, sire, gabez me vos ? Ainc ne soi ou mest Yvoris. Mes Renart qui n'est esbahis Vos fet acroire ce qu'il veult Issi faitement con il seult. » Renart a son conte abessié. Le parler eüst ja lessié, Mes nel lera sifaitement. « Sire, fait il, sanz doutement Creez ce que je vos ai dit, Que ge ferai sanz contredit, Que rois serez dela la mer Si con vos estes deça mer, Et si avroiz fame nobile ; N'a tant bele jusqu'a Sezille. S'ainsi nel faz, se ge ai vie, Dedenz cest an sanz felonnie, Ostroi que je soie desfez ; Ja mar en ert jugemenz fez. » Ce dist Grimbert : « Il dit bien, sire, Ja ne le devez escondire. Je le preing bien por lui en main : Mar me lerez mie de pain Ne fiez ne terre a tenir. Que que je doie devenir, Moi meïsmes metez avant, Se Renart ne vos tient covant. Prenez sor vos sa forfaiture. Que chaut, s'en vos tient a parjure ? Que ja ne porrïez trover Qui le vos doie reprover. » Li rois ot le besoing estroit, Que li rois li conseille a droit. « Chantecler, fet il, je conmant Et si vos pri con mon amant Que ceste mort me pardonez, Tant que je soie coronez De tel honor con je porchace. Mes une chose por voir sache : Se mes de riens vos desdisoit, Touz li os Dieu nel gueriroit. » Chantecler ot la conmandie, Ne set conment il escondie Ce que li rois prie et conmande, Que l'amendise est mout grande, Puis que li rois le velt a certes, Et souffrir li convient ses pertes. Otrïé li a son talant, Mes tel i a qui sont dolent. Qui que fu lait, Renart fu bel Et le singe dant Cointerel. Mes Pinte en fu tote dolente, Et Ysengrin mout se demente. Mes li rois Chantecler mercie, Quant il a sa parole aïe. « Grez et merciz, ce dist li rois, Renart, Renart, or est bien droiz : Quant de mort estes aquitez, Vos et vostre piege aquitez, Si porchaciez bien vostre afaire. » Ce dist Renart : « Bien est a faire. Mes va letres m'estuet avoir Et va seel, que por avoir Nel lerai ge que je n'en quiere, Se Diex done que je ne muere. » Li rois fet ses letres escrire Et fait metre quanqu'il vuelt dire En .I. parchemin de veel. Renart les charge a son seel, De sa besoigne mout li prie. Renart quanqu'il veult li otrie, Bien alast la ou l'en l'envoie. Mes il n'en set ne champ ne voie, Tant a fait qu'il est eschapez. S'il puet, il n'iert mes atrapez En cort a roi jusqu'a cele eure Que il iert auques au deseure Et qu'il porra chose trover Dont ses anemis puist grever Et en la cort faire tesanz Si que il soit au roi plesanz. |
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