mercredi 26 août 2020

Le mariage du roi - La présentation des époux




Renart prend congé de sa femme,
C


ongié prent Renart a s'amie
ajoutant qu’il ne laissera personne
l’empêcher d’acquitter sa mission
auprès du roi au plus vite.
Il part à la cour,
empruntant routes et chemins,
et la trouve sans difficulté
dans la forêt de Brocéliande.
Le roi est impatient de le revoir,
craignant d’avoir été trompé.
Mais, Renart arrive bel et bien,
s’assurant d’être vu de tous,
et apportant la bonne nouvelle
pour le plaisir des imbéciles.
Le roi est de fort bonne humeur.
Renart s’adresse à lui comme il faut :
« Roi, que la vie vous préserve !
J’ai pris beaucoup de peine pour vous,
et traversé maintes contrées,
mais j’ai fini par trouver !
Non content d’avoir réussi ma mission,
j’ai aussi prouvé ma valeur. »
Bien sûr, habitué à tromper son monde,
Renart se joue de lui.
« Il est roi d'Arcadie et de Celadon.
Nombreux sont ceux qui lui paient tribut
jusqu'aux frontières
du royaume d’Arthur, d’après lui.
Il offre tout cela en cadeau
à qui mariera sa fille,
faisant de lui son héritier.
Il souhaite vous la donner pour épouse,
car il se sent vieux et incapable de guerroyer.
— Renart, répond le roi, où est-elle donc ?
— Sire, elle arrive avec toute sa suite.
Je la précède pour vous l’annoncer.
Convoquez maintenant tous vos sujets
pour la recevoir en grande pompe.
Faites-lui un accueil
digne d’un roi,
pour en tirer gloire.
— Renart, fait le roi, à la bonne heure !
Retourne chercher la dame,
et je ferai venir dans la semaine
tous mes sujets dans ma grand-salle
où je tiendrai ma cour. »
Là-dessus, Renart s'en retourne,
tandis que le roi fait ses préparatifs,
et demande aux siens, grands et petits,
de venir lui faire honneur.
Tous accourent sans se faire prier,
sans prendre ni route ni chemin,
mais en coupant à travers champs,
pour assister au prodige de Renart.
La cour est pleine à craquer.
Ils viennent d’ici et d’ailleurs
tout le long de la semaine,
plus d’un cheval arrive épuisé.
Le roi prend les choses en main,
car il veut de grandes noces.
Il y a foison de gibier
et de volaille de toute sorte.
Impossible de tout énumérer !
Il veut parfaire son œuvre.
Il rassemble ses serviteurs
et donne ses directives à chacun.
Il met Ronel à la cuisine
pour préparer les mets, sans relâche,
et demande à Tibert de le seconder.
Brun l’ours confirme
que Tibert sait bien assaisonner les plats,
qui s’y met sans perdre de temps.
Il ordonne à Plateau de s’occuper du pain
et d’en distribuer largement.
Il fait de Brichemer son échanson,
et le charge de préparer le vin.
Enfin, il demande à Brun de s’occuper des plats
et de les servir à table.
« Ysengrin, vous découperez la viande
et remplirez la coupe
de madame votre reine. »
Ysengrin s’incline profondément.
Tandis que le roi termine les préparatifs,
Renart observe tout cela de loin,
satisfait de ce qui se passe à la cour,
mais il doit se préparer à son tour.
Il fait ses invocations
et ses conjurations,
et offre un chat aux diables
pour parfaire l’enchantement.
Il crée une multitude de bêtes avec sa magie,
certaines avec une vingtaine de têtes,
et d’autres plus encore.
Dieu n’en a jamais créé de telles,
de formes aussi diverses et variées,
même sans queue ni tête.
Renart les ensorcelle
pour qu’elles crachent des flammes violentes
par la bouche et le nez,
comme pour la fin du monde.
Il peut aussi les calmer à volonté
pour qu’elles ne fassent aucun bruit.
Renart se pointe tout joyeux à la fête,
et fait une arrivée en fanfare.
Pas étonnant que des bêtes
avec autant de têtes fassent autant de bruit !
Le vacarme est prodigieux,
car sous l’emprise de Renart,
elles hurlent, sonnent et trompettent.
Ceux qui l’entendent, croyant
que les diables arrivent,
ont du mal à contenir leur peur.
Renart amène au roi sa promise
qui a toute l’apparence d’une lionne.
Le roi accourt
à leur rencontre.
« Renart, soyez le bienvenu.
Bien que tu sois blanchi par les ans,
il n’y a pas de jeune sur mes terres
qui sache mieux que toi s’occuper de mes intérêts.
Est-ce donc là ma femme que tu m’amènes,
que tu as retrouvée à grand-peine ?
— Oui sire, répond Renart.
Je vous la confie avec tout son empire.
— Tous mes remerciements. » Le roi la prend dans ses bras,
et lui met la queue sur son gourdin.
« Madame, soyez la bienvenue. »
Sur un signe de seigneur Renart,
elle garde le silence
mais s’incline profondément.
Noble se met à la caresser
en se pourléchant les babines,
puis saute de joie.
Il se retient à grande peine,
de la saillir sous les yeux de tous.
Il est pris d’un accès de frénésie
tellement il la trouve belle.
Mais seigneur Renart, expert en la matière,
conduit tout le monde au palais
après avoir imposé le calme.
Chacun s'assoit à table.
Vous allez maintenant en entendre une belle.


27200



27204



27208



27212



27216



27220



27224



27228



27232



27236



27240



27244



27248



27252



27256



27260



27264



27268



27272



27276



27280



27284



27288



27292



27296



27300



27304



27308



27312



27316



27320



27324



27328



27332



27336

Et dist qu'il ne lessera mie
Qu'au roi ne se voise aquitier ;
James n'en quiert jor respitier.
Renart vet a la cort le roi
Par chauciees et par perroi
En la forest Broceliande,
Illec le trova sanz demande.
Por Renart ert en grant abé,
Cremoit qu'il ne l'eüst guabé.
A tant ez vos Renart en place,
Que il velt bien que on l'i sache
Que il aporte tel novele
Qui as musarz essera bele.
Li rois estoit bauz et hetiez.
Renart parla con afetiez :
« Rois, toz jorz soies tu sauvez !
Mout ai esté por vos grevez.
Passé en ai mainte contree,
Bone aventure en ai trovee.
Bien ai esploitié mon travail
Et s'ai prové combien je vail. »
Or le sert bien de la treslue
Renart qui tot le mont argüe.
« Rois est d'Arcade et de Celdone.
Meint riches hon treü li done.
Jusqu'as bones qu'Artus les fit
Est il sire, si con il dist.
Tot vos donne son heritage
Ovec sa fille en mariage,
Si fait de vos son eritier ;
Viex est, ne puet mes ostoier,
A fame vos done sa fille.
— Renart, fet li rois, ou est ille ?
— Sire, ele vient a grant empire.
Avant le vos sui venuz dire.
Or mandez tote vostre gent,
Sel recevez honestement.
Et apareilliez tel conroi
Tel con convient a noble roi
Et que nos i aions honneur.
— Renart, fet li rois, a beneur !
Va por la dame, si l'amoine
Et je dedenz ceste semaine
Ferai ma gent toute venir
En ma sale por cort tenir. »
 A tant Renart s'en est tornez,
Et li rois s'est bien atornez,
Mande ses genz granz et menors
Que tuit viegnent a ses honors.
Tuit i aqueurent volentiers,
N'i quierent voies ne sentiers,
Mes par broces et par essart,
Veoir les merveilles Renart.
Tant en i vient, la cort fu plaine ;
Ne finerent d'une semaine
De venir d'amont et d'aval.
Estanchié i ont meint cheval.
Li rois atorne son afaire,
Que granz noces vodra il faire.
De venoison i a mout prise
Et volille de mainte guise.
Du tot me penasse a nomer,
Mes ceste oevre vueil achever.
Li rois ses menestreus assist
Et a chascun son mestier dist.
Roonel met a la cuisine
Qui de l'apareillier ne fine,
Et dit Tybert qu'il li aïst.
Bruns li ors a loé et dist
Bien set mengier asavorer.
Tybert i va sanz demorer.
Platiaus conmande pain livrer
Et mout largement delivrer.
De Brichemer fet bouteillier,
Le vin li rueve apareillier.
Et Brun preingne garde des mes,
A la table les face pres.
« Ysengrin, pensez de taillier
Et de la coupe apareillier
Devant vo dame la roïne. »
Ysengrin parfont l'en encline.
 Li rois a bien tot devisé
Et Renart a tot avisé
Qui ert en aise de la cort.
Or le convient qu'i se ratort.
Il fet ses ynvocations
Et ses forz conjurations ;
As mauvez fet d'un chat present
Por bien fere l'enchantement.
Par enchant a fet meintes bestes ;
De tex i a qui ont .XX. testes,
Et plus assez de tex i a.
Bestes fet q'ainz Dex ne cria,
Et mout de diverse maniere
Et ausi çou devant derriere.
Puis que Renart les a charmez,
Gietent par bouches et par nes
Feu et flambe par tel ravine,
Avis est que tot le mont fine.
Et quant il velt, si les racoise
Que ja ne feront point de noise.
Renart vient a joie et a feste,
Mes mout demoine grant tempeste.
N'est merveille, se noise font
Bestes qui tant de testes ont.
La noise iert a merveille grande
Puis que danz Renart le conmande,
Ullent et cornent et buisinent.
Cil qui l'oent, s'en adevinent
Que ce sont deable qui vienent,
A peines de poor se tienent.
En guise d'une lionnesse
Anmaine au roi sa promesse.
Ainsi s'en vint Renart a cort,
Noble encontre lui acort.
« Renart, bien soiez vos venuz.
Por ce se tu es viex chanuz,
N'a il bachelier en ma terre
Qui mex i sache mon preu querre.
Est ce ma fame que m'amaines,
Dont tu as eü si granz paines ?
— Oïl, ce dit Renart, biau sire.
Je la vos rent a tot l'empire.
— Vostre merci. » Li rois l'embrace,
La keue li met sor la mace.
« Dame, bien soiez vos venue. »
Cele a sa parole tenue,
Que dant Renart li a fet signe,
Mes parfondement li encline.
Noble la va mout atouchant,
Sa barbe en va delechant,
Et saut en piez, tel joie maine
Qu'il est tenuz a mout grant paine
Que voiant toz ne l'a saillie ;
Si espris fu de la folie,
Por ce que si bele la voit.
Mes dant Renart qui mout savoit
Toz les enmaine el palés
Et si fet fere mout grant pes.
Chascuns s'est assis a la table.
Or poez oïr bele fable.
Le mariage que Renart fit au roi Noble le lion Ci conmance le mariage que Renart fist au roi Noble le lyon (M24)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire