ajoutant qu’il ne laissera personne l’empêcher d’acquitter sa mission auprès du roi au plus vite. Il part à la cour, empruntant routes et chemins, et la trouve sans difficulté dans la forêt de Brocéliande. Le roi est impatient de le revoir, craignant d’avoir été trompé. Mais, Renart arrive bel et bien, s’assurant d’être vu de tous, et apportant la bonne nouvelle pour le plaisir des imbéciles. Le roi est de fort bonne humeur. Renart s’adresse à lui comme il faut : « Roi, que la vie vous préserve ! J’ai pris beaucoup de peine pour vous, et traversé maintes contrées, mais j’ai fini par trouver ! Non content d’avoir réussi ma mission, j’ai aussi prouvé ma valeur. » Bien sûr, habitué à tromper son monde, Renart se joue de lui. « Il est roi d'Arcadie et de Celadon. Nombreux sont ceux qui lui paient tribut jusqu'aux frontières du royaume d’Arthur, d’après lui. Il offre tout cela en cadeau à qui mariera sa fille, faisant de lui son héritier. Il souhaite vous la donner pour épouse, car il se sent vieux et incapable de guerroyer. — Renart, répond le roi, où est-elle donc ? — Sire, elle arrive avec toute sa suite. Je la précède pour vous l’annoncer. Convoquez maintenant tous vos sujets pour la recevoir en grande pompe. Faites-lui un accueil digne d’un roi, pour en tirer gloire. — Renart, fait le roi, à la bonne heure ! Retourne chercher la dame, et je ferai venir dans la semaine tous mes sujets dans ma grand-salle où je tiendrai ma cour. » Là-dessus, Renart s'en retourne, tandis que le roi fait ses préparatifs, et demande aux siens, grands et petits, de venir lui faire honneur. Tous accourent sans se faire prier, sans prendre ni route ni chemin, mais en coupant à travers champs, pour assister au prodige de Renart. La cour est pleine à craquer. Ils viennent d’ici et d’ailleurs tout le long de la semaine, plus d’un cheval arrive épuisé. Le roi prend les choses en main, car il veut de grandes noces. Il y a foison de gibier et de volaille de toute sorte. Impossible de tout énumérer ! Il veut parfaire son œuvre. Il rassemble ses serviteurs et donne ses directives à chacun. Il met Ronel à la cuisine pour préparer les mets, sans relâche, et demande à Tibert de le seconder. Brun l’ours confirme que Tibert sait bien assaisonner les plats, qui s’y met sans perdre de temps. Il ordonne à Plateau de s’occuper du pain et d’en distribuer largement. Il fait de Brichemer son échanson, et le charge de préparer le vin. Enfin, il demande à Brun de s’occuper des plats et de les servir à table. « Ysengrin, vous découperez la viande et remplirez la coupe de madame votre reine. » Ysengrin s’incline profondément. Tandis que le roi termine les préparatifs, Renart observe tout cela de loin, satisfait de ce qui se passe à la cour, mais il doit se préparer à son tour. Il fait ses invocations et ses conjurations, et offre un chat aux diables pour parfaire l’enchantement. Il crée une multitude de bêtes avec sa magie, certaines avec une vingtaine de têtes, et d’autres plus encore. Dieu n’en a jamais créé de telles, de formes aussi diverses et variées, même sans queue ni tête. Renart les ensorcelle pour qu’elles crachent des flammes violentes par la bouche et le nez, comme pour la fin du monde. Il peut aussi les calmer à volonté pour qu’elles ne fassent aucun bruit. Renart se pointe tout joyeux à la fête, et fait une arrivée en fanfare. Pas étonnant que des bêtes avec autant de têtes fassent autant de bruit ! Le vacarme est prodigieux, car sous l’emprise de Renart, elles hurlent, sonnent et trompettent. Ceux qui l’entendent, croyant que les diables arrivent, ont du mal à contenir leur peur. Renart amène au roi sa promise qui a toute l’apparence d’une lionne. Le roi accourt à leur rencontre. « Renart, soyez le bienvenu. Bien que tu sois blanchi par les ans, il n’y a pas de jeune sur mes terres qui sache mieux que toi s’occuper de mes intérêts. Est-ce donc là ma femme que tu m’amènes, que tu as retrouvée à grand-peine ? — Oui sire, répond Renart. Je vous la confie avec tout son empire. — Tous mes remerciements. » Le roi la prend dans ses bras, et lui met la queue sur son gourdin. « Madame, soyez la bienvenue. » Sur un signe de seigneur Renart, elle garde le silence mais s’incline profondément. Noble se met à la caresser en se pourléchant les babines, puis saute de joie. Il se retient à grande peine, de la saillir sous les yeux de tous. Il est pris d’un accès de frénésie tellement il la trouve belle. Mais seigneur Renart, expert en la matière, conduit tout le monde au palais après avoir imposé le calme. Chacun s'assoit à table. Vous allez maintenant en entendre une belle. | 27200 27204 27208 27212 27216 27220 27224 27228 27232 27236 27240 27244 27248 27252 27256 27260 27264 27268 27272 27276 27280 27284 27288 27292 27296 27300 27304 27308 27312 27316 27320 27324 27328 27332 27336 | Et dist qu'il ne lessera mie Qu'au roi ne se voise aquitier ; James n'en quiert jor respitier. Renart vet a la cort le roi Par chauciees et par perroi En la forest Broceliande, Illec le trova sanz demande. Por Renart ert en grant abé, Cremoit qu'il ne l'eüst guabé. A tant ez vos Renart en place, Que il velt bien que on l'i sache Que il aporte tel novele Qui as musarz essera bele. Li rois estoit bauz et hetiez. Renart parla con afetiez : « Rois, toz jorz soies tu sauvez ! Mout ai esté por vos grevez. Passé en ai mainte contree, Bone aventure en ai trovee. Bien ai esploitié mon travail Et s'ai prové combien je vail. » Or le sert bien de la treslue Renart qui tot le mont argüe. « Rois est d'Arcade et de Celdone. Meint riches hon treü li done. Jusqu'as bones qu'Artus les fit Est il sire, si con il dist. Tot vos donne son heritage Ovec sa fille en mariage, Si fait de vos son eritier ; Viex est, ne puet mes ostoier, A fame vos done sa fille. — Renart, fet li rois, ou est ille ? — Sire, ele vient a grant empire. Avant le vos sui venuz dire. Or mandez tote vostre gent, Sel recevez honestement. Et apareilliez tel conroi Tel con convient a noble roi Et que nos i aions honneur. — Renart, fet li rois, a beneur ! Va por la dame, si l'amoine Et je dedenz ceste semaine Ferai ma gent toute venir En ma sale por cort tenir. » A tant Renart s'en est tornez, Et li rois s'est bien atornez, Mande ses genz granz et menors Que tuit viegnent a ses honors. Tuit i aqueurent volentiers, N'i quierent voies ne sentiers, Mes par broces et par essart, Veoir les merveilles Renart. Tant en i vient, la cort fu plaine ; Ne finerent d'une semaine De venir d'amont et d'aval. Estanchié i ont meint cheval. Li rois atorne son afaire, Que granz noces vodra il faire. De venoison i a mout prise Et volille de mainte guise. Du tot me penasse a nomer, Mes ceste oevre vueil achever. Li rois ses menestreus assist Et a chascun son mestier dist. Roonel met a la cuisine Qui de l'apareillier ne fine, Et dit Tybert qu'il li aïst. Bruns li ors a loé et dist Bien set mengier asavorer. Tybert i va sanz demorer. Platiaus conmande pain livrer Et mout largement delivrer. De Brichemer fet bouteillier, Le vin li rueve apareillier. Et Brun preingne garde des mes, A la table les face pres. « Ysengrin, pensez de taillier Et de la coupe apareillier Devant vo dame la roïne. » Ysengrin parfont l'en encline. Li rois a bien tot devisé Et Renart a tot avisé Qui ert en aise de la cort. Or le convient qu'i se ratort. Il fet ses ynvocations Et ses forz conjurations ; As mauvez fet d'un chat present Por bien fere l'enchantement. Par enchant a fet meintes bestes ; De tex i a qui ont .XX. testes, Et plus assez de tex i a. Bestes fet q'ainz Dex ne cria, Et mout de diverse maniere Et ausi çou devant derriere. Puis que Renart les a charmez, Gietent par bouches et par nes Feu et flambe par tel ravine, Avis est que tot le mont fine. Et quant il velt, si les racoise Que ja ne feront point de noise. Renart vient a joie et a feste, Mes mout demoine grant tempeste. N'est merveille, se noise font Bestes qui tant de testes ont. La noise iert a merveille grande Puis que danz Renart le conmande, Ullent et cornent et buisinent. Cil qui l'oent, s'en adevinent Que ce sont deable qui vienent, A peines de poor se tienent. En guise d'une lionnesse Anmaine au roi sa promesse. Ainsi s'en vint Renart a cort, Noble encontre lui acort. « Renart, bien soiez vos venuz. Por ce se tu es viex chanuz, N'a il bachelier en ma terre Qui mex i sache mon preu querre. Est ce ma fame que m'amaines, Dont tu as eü si granz paines ? — Oïl, ce dit Renart, biau sire. Je la vos rent a tot l'empire. — Vostre merci. » Li rois l'embrace, La keue li met sor la mace. « Dame, bien soiez vos venue. » Cele a sa parole tenue, Que dant Renart li a fet signe, Mes parfondement li encline. Noble la va mout atouchant, Sa barbe en va delechant, Et saut en piez, tel joie maine Qu'il est tenuz a mout grant paine Que voiant toz ne l'a saillie ; Si espris fu de la folie, Por ce que si bele la voit. Mes dant Renart qui mout savoit Toz les enmaine el palés Et si fet fere mout grant pes. Chascuns s'est assis a la table. Or poez oïr bele fable. |
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