mais vous avez bien entendu dire que la truie commet souvent les méfaits dont les porcelets paient le prix. Ma foi, si j'en ai le pouvoir, on ne mettra pas un officier à mort aujourd'hui avec mon accord, alors qu'il est au service du roi, qu'il ait agi à tort ou à raison. Le roi ne le hait pas au point de vouloir sa mort, car il l'a toujours très bien servi. Il ne mérite pas d'être exécuté pour une telle affaire. Il faudrait d'autres faits. Vous devez prendre une autre décision que de condamner Renart à la pendaison. — Seigneurs, seigneurs, dit le léopard, tout cela mérite une plus grande attention, au lieu de vous opposer vivement, et de vous mettre en colère. Pour ma part, je n'ose pas blanchir Renart, ni pour autant le condamner à mort car c'est un officier du roi. Mais pour l’homicide, qui, je crois, a troublé la paix royale, je n'ose pas l'acquitter. Je vais vous dire ce qu'on peut faire : laissons au roi le soin de traiter cette affaire, de faire ce qu'il souhaite, et nous n’essuierons pas sa colère. Concernant Brun, qui se plaint de Renart, nous l'avons effectivement vu pâle et en sang. Il l'accuse de l'avoir trahi quand il l'a emmené au tronc où il lui est arrivé ses malheurs, mais il n'a pas de témoin. Renart n'a qu'à s'excuser en jurant sur les saints, pour qu'ils redeviennent amis comme avant. C'est ce que je vois de mieux à faire. Me suivrez-vous dans cette voie ? » Brichemer dit : « Nous sommes bien d'accord. Puisque nous ne pouvons pas régler cette affaire, seigneur léopard, allons voir le roi lui dire notre décision. » Ils retournent là où le roi tient sa cour de justice. Le léopard commence son discours au milieu de la salle : « Sire, fait-il, écoutez donc. Je vais annoncer, si vous êtes d'accord, les décisions que nous avons prises pour le rétablissement de la paix. » Le roi répond : « Bien sûr que je suis d'accord, je vous en conjure, je vous l'ordonne même. — Nous avons décidé, en toute sincérité, que Renart prononce son serment à l'intention d'Ysengrin comme il aurait dû le faire devant Ronel, qui en était le garant. Mais, afin de rassurer le roi, il faut d'abord qu'Ysengrin jure qu'il n'a jamais trahi Renart pour lui causer du mal. Ils sont des ennemis jurés, ils doivent dorénavant être amis. Seigneur Brun accuse Renart de l'avoir trahi, Renart doit jurer sur les saints qu'il ne savait pas dans quoi il l'attirait, afin qu'ils fassent la paix entre eux, et qu'on n'ait pas à revenir dessus. Concernant l'affaire de Chantecler, je dois dire que nous n'y voyons pas très clair. Sachez que nous n'osons pas condamner Renart à mort pour l’homicide qu'il a commis, puisque vous vous en portez garant. En revanche, nous ne pouvons pas l’acquitter car il a troublé la paix que vous avez promise. Voilà ce que nous avons à dire, faites ce que bon vous semble. |
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Mes vos avez bien oï dire La truie fet sovent les maus Dont les porcels ont le nouaus. Par mon haterel, se ge puis, N'en iert oan serjanz destruiz, Par mon dit ne par mon otroi, Qui soit ou servise le roi, Tant i face ne droit ne tort. Li rois nel het mie de mort, Qui l'a toz jorz mout bien servi. Ne doit mie avoir deservi C'on le destruie por tel fet. Autres afaires i estuet, Autre conseil vos convient prendre Que de Renart jugier a pendre. — Seignor, seignor, dist li lieparz, Ci affiert auques grant esgarz. Mout vos ai oï estriver Et va mautalanz aviver. N'ose Renart sauver de bout N'a mort jugier du tot en tout, Por ce qu'il est serjanz le roi. Et por l'omicide, ge croi, Qui a la pais le roi despite, Ne l'ose fere du tot quite, Si vos dirai c'on en puet faire : Metons sor le roi cest afaire. Qu'il en face le sien talant, Si n'avrons pas son mautalant. De Brun, qui de Renart se plaint, Mout le veïsmes pale et taint. Il li met sus qu'il le trahi Au tronc, quant il li mescheï Ou sire Renart le mena. Por ce que il tesmoinz n'en a, Renart li escondie as sainz, Si soient ami conme ainz. Ce est li miex que ge i voie. Sivrez me vos de ceste voie ? » Dist Brichemer : « Nos le loons, Puis qu'amender ne le poons. Alons avant, sire liepart, Devant le roi dites l'esgart. » Repairié sont ou mandement Ou li rois tient son jugement. Li liparz en mi la meson A conmenciee sa reson : « Sire rois, fet il, or oiez, Je dirai, se vos l'otroiez, Les esgarz que nos avons faiz Au confermement de la pais. » Respont li rois : « Jel vos otroi ; Bien le voil et conment et proi. — Esgardé avons voirement Renart face le serement Ysengrin si con il dut faire Conme Roonel en fu maire. Mes por le roi asseürer Convient ainz Ysengrin jurer La traïson ne fist ne seut Dont Renart male aventure eut. De maufaire sont arrami, D'ore en avant soient ami. Et de Renart que dans Bruns rete Et traïson sor lui degiete, Renart as sainz escondira Qu'il ne le sot ne atira, Si soit d'ans .II. faite la pais Qu'el ne renouvele ja mais. Mes de l'afaire Chantecler Vos di, ne veons mie cler Ne n'osons dire, ce sachiez, Que Renart soit a mort jugiez De l'omicide qu'il a fait, Por ce qu'a garant vos en trait. D'autre part ne poons trover Sa delivrance ne prover Por la pes que il a faussee, Qu'avez plevie et affïee. A tant nos en volons taisir Et vos en faites vo plaisir. |
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