mardi 25 février 2020

Le mariage du roi - La défense de Renart




Renart répond : « Seigneur Ysengrin,
R


enart respont : « Ysengrin, sire,
nous avez-vous tout dit ou souhaitez-vous ajouter autre chose ? »
Ysengrin réplique : « J'en ai dit suffisamment,
et vous serez bien vite fatigué
avant de vous en dépêtrer.
Sachez que je n’ai pas bu aujourd’hui, je ne suis pas ivre. »
Renart répond : « Sire, entendez-moi,
puis décidez qui de nous deux a raison.
Je vais retourner toutes les accusations
qu’Yzengrin me met sur le dos.
Il est vrai que vous m’aviez convoqué
par l’intermédiaire de Grimbert,
pour me présenter devant Ronel
et m’en tenir à ce qu’il dirait.
Je me rappelle avoir lu de votre plume
quelque chose disant
que si je prêtais serment
devant tout le monde,
alors je serais quitte.
Après lecture de votre lettre,
je me suis préparé à faire ce serment
dont Ronel serait le garant.
Je suis donc venu à la cour prêt et dispos,
conformément à votre demande.
Mais je vais vous raconter maintenant
comment j’ai failli être mis à mal.
Quand je suis arrivé le jour dit,
sans retard ni contretemps,
Ysengrin m’a laissé entendre,
dans l’idée de me berner,
que Ronel s’était étouffé avec un os,
et qu’il était adossé à une tombe,
où il a trouvé la mort.
Ils avaient décidé, à tort ou à raison,
que je devais jurer sur la dent Ronel
pour m’acquitter de mon serment.
Sans chercher à fuir, malgré ma colère,
je me suis avancé,
bien décidé à prêter serment
à leurs conditions pour avoir la paix.
J’ai retroussé les manches, et me suis approché
de la dent, très énervé.
Mais si je ne m’étais aperçu de rien,
je me serais bien fait avoir.
J’ai vu Ronel lever la tête
peinant à retenir son souffle.
J’ai vite compris la supercherie
et qu’on allait me jouer un sale tour.
On ne peut pas m’en vouloir
d’avoir cherché à m’échapper
pour ne pas me retrouver entre leurs mains,
car ils auraient eu vite fait de m’estourbir.
Ronel, censé être mort,
n’a pas perdu de temps
pour se jeter à ma poursuite à toute vitesse
avec ses compagnons
et me faire bien des misères.
Il y avait au moins cinq cents mâtins
qui se démenaient méchamment
pour me dépouiller de ma pelisse.
Voilà, sire, comment j’ai été traité
et attaqué sur vos terres.
Malheur à moi mais honte à vous
à cause de ce traître de Ronel !
Il l’a fait par haine
à cause de ma femme, dame Hermeline,
qui a rejeté ses avances.
Des plaintes ont été déposées l'autre jour,
pour la honte qu’il vous a causée
en se couchant ici la langue pendante.
Vous devez rendre justice
et le pendre plus haut que n’importe quel larron.
Seigneur Frimaut le putois l’a bien vu,
tout comme mon ami Grimbert
et tous les barons qui étaient venus,
tous se sont comportés avec loyauté.
S’il plaît à Dieu, ils vous diront la vérité,
car jamais ils ne mentiraient à mon égard,
et tous savent bien que je dis vrai.
Cela dit, afin d’avoir la paix,
je prêterai serment
ici devant vous en toute sincérité.
Je n’ai rien à faire de la guerre,
et souhaite au contraire la paix sur terre.
Je suis prêt à jurer au plus petit d’entre tous
de lui faire grand honneur.
Si les barons prennent une décision juste,
alors je ne prendrai pas la peine de plaider.
Je suivrai volontiers leur décision
sans chercher à discuter.
— Écoutez, par les saints de Bethléem,
répond Noble en souriant,
Renart, si tu dis la vérité,
ils seront tous dépouillés de leurs biens,
car si tu as été trompé sur mes terres,
je suis moi aussi concerné.
Seigneurs, écoutez ce que dit Renart,
car cela requiert une grande attention.
Que les autres formulent leurs plaintes !
Écoutez-les bien, de grâce,
mettez-y tout votre talent
afin de rendre un jugement équitable. »


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Avez tot dit ? Volez plus dire ? »
Dist Ysengrin : « J'ai dit assez.
De tant serez vos toz lassez,
Ainz que vos en soiez delivres.
Je ne bui hui dont je soie ivres. »
Renart respont : « Sire, entendez.
Selonc l'un droit l'autre prenez.
De ce q'Ysengrin me met sus,
Le metrai ge du tot en sus.
Ce fu voirs que vos me mandastes
Et par Grimbert me conmandastes
Que devant Roonel venisse
Et a son los me deduisisse.
Aprés trovai en vostre escrit
Ce ne sai ge quel chose escrit,
Que por quanqu'a cest mont apent
En feïsse je serement ;
Por tant en devroie estre quites.
Et quant je oi les letres lites,
Pres fui de mon sairement faire
Et Roonel dut estre maire.
Je ving a cort pres et garniz
Par vo conmant, mes escharniz
I dui estre mout malement,
Et si vos conterai conment.
Quant je sui venuz a mon jor
Sanz contremant et sanz sejor,
Ysengrin me fist a entendre,
Con cil qui me voloit sorprendre,
Que Roonel iert enossez.
A .I. tombel ert adossez ;
Illec devoit il estre morz.
Esgarderent, fust droit ou torz,
Sor la dent Roonel jurasse
Et mon serement aquitasse.
Onc n'en foï, ainz m'avanchié,
Encor en fusse ge irié ;
Si voil fere mon serement
Por pes avoir a lor talent.
Je ving au dent toz rebraciez,
Mout en dui estre corrouciez ;
Se ne me fusse aparceüz,
J'eüsse esté mout deceüz.
Je li vi la teste lever
Et a s'alaine mout pener.
Bien aparçui la vilanie
Q'en i entendoit felonnie,
Et se ge quis ma guerison
Que ne cheïsse en lor prison,
De ce ne me doit nus blasmer,
Que tost m'eüssent fet pasmer.
Morz devoit estre Rooniaux,
Mes aprés moi fu toz isniaux.
Il me sivi grant aleüre
Et si me fist mainte laidure
Entre lui et ses compaignons.
Bien i avoit .VC. gaignons
Qui laidement me demenerent,
Mon peliçon me despanerent.
Sire, si fui ge maubailliz
Et en vo conduit assailliz.
Vostre est la honte et miens li maux
Par vo justisiers qui fu faux.
Ce fist Roonel par haïne
Por ma fame dame Hermeline
Qui nu volt aaisier d'amors.
L'autrier en furent les clamors
De la honte qu'il vos a faite,
Qu'il jut issi la langue traite.
Bien en devez justise prendre
Et plus haut qu'autre larron pendre.
Ce vit danz Frimaux li putois
Et Grimbert qui mout est cortois
Et tuit li baron qui la vindrent
Et mout loiaument se contindrent.
Se Diex plest, le voir en diront,
Que ja por moi n'en mentiront.
Bien sevent tuit que je di voir.
Et neporquant por pes avoir
Peroie je le serement
Ci devant vos mout loiaument.
Je n'avroie mestier de guere,
Que pes vodroie estre en la terre,
Si juroie tot le menor
Et porteroie grant honor.
S'en dient ces barons droiture,
N'averoie de plaider cure.
Mout volentiers sivrai lor dit,
Ja n'i meterai contredit.
 — Oz, por les sainz de Biauliant,
Respont Noble en sorriant,
Renart, se tu dis verité,
Dont sont il tout desherité.
S'en mon conduit fus deceüz,
Ge meïsme i sui receüz.
Seignors, oez que dit Renart,
Ci afiert .I. mout grant esgart ;
Facent li autre lor clamor.
Vos i entendez par amor,
Metez i vostre entendement
Por faire loial jugement. »
Le mariage que Renart fit au roi Noble le lion Ci conmance le mariage que Renart fist au roi Noble le lyon (M24)
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