comme si c’était une curiosité. Rohart et Brune la corneille arrivent de ce pas devant le roi et lui disent : « Sire, laissez donc Renart à son sort, il va mourir sans aucun doute. Il est sorti trop vilainement amoché de ce combat. Il se retrouve maintenant dans ce fossé aussi mort qu’une souche, et on pourrait vous reprocher de vous en prendre encore à lui. D’ici demain, les bestioles auront fini de le dépecer et de le dévorer entièrement. Inutile donc, de s’attarder ici puisqu’il a été bel et bien vaincu ! » Le roi Noble rentre alors dans son palais, tandis que les barons retournent chez eux, et tous manifestent leur joie sans retenue. Renart est abandonné dans le fossé, la gueule ouverte, comme si son âme l’avait quitté, au grand plaisir de ses ennemis. Puis, le corbeau et dame Brune la corneille prennent congé du roi sans rien dire à personne. Ils arrivent au fossé en courant, où Renart, avec son oreille et son œil en moins, se meurt de faim. « Rohart, dit la corneille, je veux qu’on aille voir ce crève-la-faim de plus près. Par les saints de la Galice, nous allons lui arranger sa pelisse, car maintenant qu’il est mort, on ne craint plus rien. » Renart, blessé, les entend et les observe, tout en feignant d’être mort, et se retient de leur répondre. Il pensait rester là tranquillement jusqu’à la tombée de la nuit, mais ces deux-là, arrivant au pas de course, en ont décidé autrement, sans toutefois ne se douter de rien. Ils lui montent tous les deux dessus, puis Rohart se risque en premier, lève haut son bec, et lui plante dans la chair. Renart donne aussitôt un coup de dents, l’attrape par la cuisse et le tire à lui, comme le dit l’histoire. Il l’a bien trompé et lui brise la cuisse au ras du cul, le corbeau est salement amoché. Rohart réussit à s’envoler péniblement de l’autre côté du fossé, et la corneille se retrouvant seule sur Renart, saute pareillement sur le côté. Renart bondit sur ses pattes, prend la cuisse, et s’en va, laissant Rohart complètement désespéré. Il part en fuyant comme un fou sans perdre de temps, avec son œil crevé et son oreille coupée. Heureusement, la porte de sa forteresse est ouverte, et il se jette à l’intérieur, mais avec grand-peine. Hermeline n’aurait pas été plus joyeuse si on lui avait donné tout Choisy, quand elle l’entend arriver. Mais en voyant sa tête aussi vilainement arrangée, elle est prise d’une grande douleur, tout comme les renardeaux. Grands sont les pleurs et les cris ! Ils le couchent alors sur un lit. | 25512 25516 25520 25524 25528 25532 25536 25540 25544 25548 25552 25556 25560 25564 25568 25572 25576 25580 | Conme se il fust gent develle. Rohart et Brune la corneille Vindrent au roi tot pié estant Et li distrent : « Sire, a itant Lessiez Renart ; mors iert sanz faille. Mout li est de ceste bataille Hui vilainement mescheü. Or est en ce fossé cheü Tout mort aussi conme une çoche. Blasme i avrïez et reproche, Se l'en metoit plus seur li mein. Males choses l'aront demein Tout despecié et devouré, Et vous avez ci demouré Que son compaignon a outré. » Li rois Nobles vint a son tré Et li barnages s'en tourna En son hostel. Cil qui tourna S'en entra joie demenant. Renart lessierent remanant U fossé la gueule baee Si con l'ame s'en fu alee, Que ses anemis en fu bel. Du roi se depart le corbel Et la cornille dame Brune, C'onques nel sot beste nesune. U fossé s'en vindrent courant Ou Renart iert de fein mourant, Que l'orille ot perdue et l'ueil. « Rohart, fet la cornille, or veil Que nous aillons veoir Renart Encore anuit ce famelart. Par les sainz qu'en quiert en Galice, Li afaiterons sa pelice ; Mors est, nous n'avons de li garde. » Renart les ot et les regarde, Que blecié fu et se feingnoit, Ne a elz parler ne daignoit. Tant se cuidoit iluec tenir, Que il veïst la nuit venir. Mes cil souffrir nel voldrent pas Qui li vindrent plus que le pas, Que de noient ne se douterent. Ambedui desus lui monterent ; Rohart premerainz s'avança, Le bec avant primes hauça, En la char li embat dedenz ; Et Renart a geté les danz, Si le prist par la cuisse et tret A soi, si con l'escrit retret, Que cil li a lobee toute Et la cuisse emprés le cul route ; Vileinement l'a afolé. Rohart est d'autre part volé Seur le fossé mout angoisseus. La cornille vit Renart seus, Avecques li a tressailli, Et Renart est en piez sailli, La cuisse prant, a tout s'en torne, Et Rohart lessa tristre et morne. Aussi conme beste esperdue, Fuiant s'en va sanz atandue L'ueil crevé, l'oreille cospee. Il ne trouva pas estoupee La porte de sa forteresce, Ainz s'i feri a grant destresce. Quant Hermeline le choisi, Qui li donnast quite Choisi, N'eüst tel joie ne tel feste. Quant ele a aparceu la teste Qu'il avoit si mal atournee, Adonc a grant doulour menee ; Ausi firent les renardiax, Grant fu la crïee et li diax ; En .I. lit l'ont couchié et mis. |
Bonjour
RépondreSupprimerJ'aimerais vous feliciter pour le travail exceptionnel que vous faites! Merci!
Merci.
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