vendredi 4 octobre 2019

La mort de Renart - Le réveil du mort




Ainsi que le roi l’a ordonné,
E


inssi conme le roi conmande
chacun s’exécute sans discuter.
Ils transportent le corps en grande pompe
après lui avoir découvert le visage.
Brun l'ours creuse la fosse
avec ses grosses pattes,
comme il sait bien le faire.
Ils déposent le corps à côté,
puis ils retirent le linceul vert
qui le recouvre.
Brichemer le prend par la tête
comme Bernard lui a appris,
car il en a déjà enterré beaucoup.
Il demande à Belin, qui se trouve devant lui,
de prendre Renart par les pieds.
Ensuite, ils le déposent dans la fosse
et l’étendent délicatement.
L'archiprêtre jette prestement
de l'eau bénite sur le corps
pour que rien de maléfique
n’en prenne possession.
Quand arrive le moment pour Brun
de le recouvrir de terre,
Renart se met à ouvrir les yeux.
Il ne comprend pas ce qui lui arrive,
et prend peur de se faire
enterrer vivant.
Ce n’est vraiment pas le moment
de fermer les yeux !
Il se dit qu’il a dû rester longtemps évanoui,
sans savoir ce qu’on a fait de lui,
et croit qu’on l’a ensorcelé.
À la vue du roi et ses barons,
alors qu’il se sent bel et bien guéri,
il prend son courage à deux mains,
et saute hors de la fosse à pieds joints.
Il saisit Chantecler au passage, à pleines dents,
alors qu’il est en train de l’encenser,
puis part à toute vitesse
et s’enfonce dans un enclos.
Le roi pique une rage
quand il se rend compte
que Renart l’a trompé,
et il dit :
« Tous après lui, mes nobles et braves sujets !
car s’il s’éloigne d’une demi-lieue,
je vais perdre mon baron.
Celui qui parviendra à attraper ce larron
aura ma reconnaissance éternelle. »
Ils s’élancent aussitôt
tous ensemble au grand galop
après Renart, qui emporte
Chantecler en toute hâte.
Jamais il n’avait dû tant courir pour s’enfuir,
avant de s’enfoncer dans un enclos.
« Ah ! pauvre misérable, pourquoi fuis-tu ?
fait Chantecler, quelle honte !
Dis-leur que tu emportes un gage
pour tout le tort qu'on t'a fait à la cour.
Ils ne te serrent pas de si près
pour que tu ne puisses pas leur dire
ouvertement
que tu m’emporteras malgré eux
et que tu feras ce que tu veux
malgré leur grand nombre.
Ils me font grand tort
à vouloir me délivrer ainsi.
Aucun d’eux ne pourrait t’apprendre à courir,
même s’il est vif avec ses pattes.
Dis-leur donc, ne leur cache surtout pas,
de ne pas courir pour rien. »
Renart se méfie
du discours de Chantecler
qui l’a berné par le passé
grâce à une ruse.
Il hésite beaucoup à lui répondre,
et préfère ne pas ouvrir la bouche cette fois.
Les autres le suivent de très près,
et ne le laisseront pas partir
tant qu’il ne leur rendra pas Chantecler,
ils le feront galoper bien au contraire.
« Tous ces cris doivent certainement
te contrarier, ajoute Chantecler.
Dis-leur donc
de s’en retourner sur-le-champ,
et que tu iras à la cour faire réparation
pour tout ce qu’on te demandera,
et que tu feras de plein gré
tout ce que le roi t’ordonnera
comme tout fidèle sujet.
Tu les feras ainsi abandonner,
puis tu rentreras chez toi
où tu pourras te distraire
en m’emportant avec toi.
Tu auras un bon repas ce soir,
et si ta femme est en couche,
tu auras de quoi la nourrir. »


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Le font, nul respit ne demande.
Le cors aportent a grant feste
Qui descouverte avoit la teste.
Brun l'ours qui la poe avoit grosse,
Ot apareilliee la fosse,
Qui mout bien i ot entendu.
Le cors ont iluec descendu
Qui couvert iert d'un paile vert ;
Et quant il l'orent descouvert,
Brichemer par le chief le prist
Ainsi con Bernarz li aprist
Que maint mis en terre en avoit.
A Belin que devant lui voit
A fet Renart par lez piez prandre.
En la fosse sanz plus attendre
L'ont mis et couchié doucement,
Et l'arceprestre isnelement
Geta sus l'eve beneoite
Por ce que chose maleoite
Ne se peüst au cors bouter.
Quant vint a la terre giter
De coi Brun l'ours le voult couvrir,
Renart prist les iex a ouvrir.
Merveilla soi que ce estoit,
Paour ot et si se doutoit
Qu'en la terre ne fust enclos.
Il ne tint mie les iex clos,
Que tens n'en estoit ne seson.
Mout ot jeü en pamoison,
Ne sot ou il avoit esté,
Mout cuida bien estre enchanté.
Quant vit le roi et le bernage,
Cuer prist en soi et vaselage,
Au garir mist et cuer et cors,
De la fosse joins piez saut hors.
Chantecler qui tint l'encensier
Prist as denz, ne le volt lessier,
A tout s'en vet tout eslessié
Et se feri en .I. plessié.
Quant li rois a aparceü
Que Renart l'avoit deceü,
Corouciez en fu et plain d'ire,
Tot maintenant a pris a dire :
« Or aprés, franche gent loee,
Se loing ert demie louee,
J'aroie perdu mon baron.
Qui porra prendre le larron,
A touz jourz mes avra m'amour. »
Adont s'eslescent sanz demour
Tretuit a grant esperonnee
Aprés Renart de randonnee
Qui Chantecler en va portant.
Ja ot erré et fouï tant
Qu'el plessié se fu embatu.
« Vi chetis, laz ! pour coi fuis tu ?
Fet Chantecler, c'est grant outrage.
Di leur que tu emportes gage
Du tort que l'en t'a fet a court.
Il ne te tiennent pas si court
Que tu ne lor puisses moustrer
Et tout apertemant conter
Que mau gré eulz m'enporteras
Et de moi ton vouloir feras
Mau gré toute la compaignie.
Me font ore grant vilanie
Quant ainssi me veullent rescorre.
Nus d'eulz ne t'aprendroit a corre,
Tant seüst bien du pié aler.
Di lor, ne lor dois pas celer,
Que por noiant vont acoranz. »
Renart qui fu apercevanz
De Chantecler ot la parole
Que par enging et par parole
L'avoit autre foiz engignié,
A mout icel dit resoingnié.
Ne volt mot dire cele foiz,
Que cil le sievent mout destroiz
Qui ne le lairont pas itant,
Se il Chantecler ne lor rent,
Ainz li feront les piez lever.
« Certes, mout te deüst grever,
Fait Chantecler, ceste huee.
Di lor sanz nule demoree
Qu'il s'en retornent orendroit.
En iras a cort fere droit
De ce qu'en te demandera.
Que que li rois conmandera
Feras de gré et volantiers
Conme cil qui est siens entiers.
Ainssi les feras remanoir,
Puis t'en iras a ton manoir
Ou tu te porras deporter,
Et moi avecques toi porter ;
A anuit a bonne cuisine,
Se ta fame fust en gesine,
Si eüsses tu pour vitaille. »
Comment Renart fut empereur Ce est la branche Renart coment il fu Empereres (30)
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