mercredi 11 septembre 2019

La mort de Renart - Le sermon de Bernard




Renart, qui vient de trépasser,
R


enart qui la vie a finee,
a mené l’essentiel du temps
une vie de martyr et d'apôtre.
Espérons que nous mènerons tous
une vie de repentir aussi bonne que lui,
car je n’ai aucun doute
que l’issue soit la bonne pour lui.
Il n’a jamais été tenté
par la méchanceté ou la folie,
et a toujours vécu sans perfidie,
ni malice, ni orgueil.
Jamais personne n’a vu
de prince de sa trempe.
Et s’il a volontiers baisé,
il ne faut pas en faire une histoire.
Il n'y a pas en ce monde de roi ou de comte
qui n'a jamais baisé ou qui ne baise plus,
ça ne fait aucun doute.
Il convient, à mon humble avis, de baiser,
car je vous le dis à tous,
baiser n’a jamais été défendu,
c’est pour cela que le con est fendu.
Je recommande à chacun, ici même,
lorsque sa verge est dure et raide,
de trouver un con disponible
et de le baiser, car il sera pardonné
et rien ne lui sera reproché.
Quand la verge est bien séparée des couilles,
baiser n'est pas un péché,
pas plus que de faire des andouilles,
boyaux après boyaux.
Tout le monde joue avec ce jouet,
et Renart a baisé de bon gré.
Son cœur a été tout entier
pour dame Fière,
et je n’ai pas peur qu’il me frappe
de le dire ici puisqu’il est mort.
Mon cher roi, au nom de Dieu,
faites crier dans tout votre empire
que ceux qui baisent ne sont pas les pires.
Je pardonnerai leurs péchés,
et si je pouvais les récompenser
avec de l’argent, je le ferais volontiers
tout en les pardonnant.
Ce n’est pas une promesse en vain,
car ici même et devant Dieu,
je leur pardonne de baiser.
Ils auront pour pénitence,
de manger de la viande
à volonté pendant une semaine.
Ceux qui ignorent mon commandement,
hommes, femmes ou bêtes,
et qui ne baisent pas de plein gré,
seront couverts de chaînes en fer
de la tête aux pieds
dans les tourments de l'enfer !
Alors que ceux qui m’écoutent
iront au paradis avec Dieu. »
Une fois le sermon
terminé,
le bon archiprêtre Bernard
continue la cérémonie,
par un confiteor
puis prononce l’oraison funèbre de Renart :
« Ah, Renart, mon ami, fait-il,
vous avez visité tant d’endroits,
bois, forêts, plaines,
pour remplir votre ventre
et apporter à Hermeline,
votre femme, un coq, une poule,
un chapon, une oie ou un oison gras.
Ils tombaient toujours à point
quand vous pouviez en attraper.
Mais vos actes de bravoure
et vos bonnes actions
n’auront plus lieu.
Jamais plus de tel prince ne verra le jour !
Seigneur Renart, Hermeline
va se sentir bien seule.
Elle n’aura plus de bon traitement,
comme vous saviez bien lui donner.
Elle devra maintenant se contenter
de se frotter le bas-ventre avec les mains :
elle allait au mieux, maintenant elle ira mal.
Une queue de cerise n’y changerait rien
puisqu'elle a perdu votre soutien. »
Après que Bernard, à sa façon,
a bien terminé son oraison
et captivé son auditoire,
Brichemer commence l'épître haut et fort
pour que tous et toutes l’entendent bien :
« Renart, fait-il, vous avez effrayé
sans aucun doute
bien des poules et des oies
dans leurs granges ou leurs abbayes,
puis joué de la mâchoire sur elles
tout autant.
Vous avez aussi reçu de nombreux coups
sur le dos et la croupe.
Vous avez trompé les moines blancs,
qui ont dû se coucher tard et se lever tôt,
pour vous guetter en cachette,
ce qui leur a été très pénible.
Tu leur as volé en traître
nombre de poules et de poussins,
mais nous te pardonnons
pour tout ce que tu leur as pris.
Renart, reçois l’absolution !
Je prends tes péchés sur moi,
et ainsi, je t’absous mon ami. »
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Si a a son tens demenee
Vie de martir et d'apostre.
Einssi feïssent tuit li nostre,
Et aussi bonne repentance,
Qar de lui ne sui en doutance
Qu'il ne soit a bone fin pris.
Onques nul jor ne fu espris
De mauvestié ne de folie.
Il a esté sanz vilanie
Et sanz malice et sanz orgoil.
Onques nul jor ne virent oil
Prince qui fust de sa vertu.
Se il a volentiers foutu,
L'en n'en doit tenir plet ne conte.
Il n'a el monde roi ne conte
Qui n'ait foutu ou qui ne foute,
De ce ne sui je pas en doute.
Foutre covient, si con moi semble,
Por ce vos di a touz ensemble
Que foutre n'ert ja desfendu.
Por foutre sont li con fendu.
Je conmant a touz orendroit ;
Qui avra le vit dur et roit,
S'il a le con abandonné,
Le foutre li soit pardonné,
Ja ne li sera reprouchié,
Qar de foutre n'est pas pechié,
Puis que vit soit partiz de coille,
Ne que il est de fere andoille
Qui vet de bouel en bouel.
Tuit se gieuent de cest jouel.
Renart a foutu volentiers.
A Renart a esté entiers
Ses cuers et a ma dame Fiere,
Mort est, n'ai peor qu'il me fiere
Por chose que je racont ci.
Biau sire rois, por Dieu merci,
Faites crïer par vostre empire
Que qui foutra ja n'en soit pire.
Le pechié lor voil pardonner,
Et se lor pouoie donner
Rentes, volentiers lor donroie,
Et le pechié lor pardonroie.
Ne lor pramet pas en pardon
Ci et devant Dieu lor pardon
Quant que a foutre mesprandront.
Tele penitance enprandront
Que il mengeront a estraingne
Char toute longue la semaingne,
Et qui de mon conmant istra
Et qui volentiers ne foutra,
Soit home, soit fame, soit beste,
Et piez et mains et cors et teste
Li soit de cheennes de fer
Lïez el grant torment d'enfer.
Et cil qui mon conmant feront
En paradis o Dieu seront. »
 Quant l'arceprestre ot finé
Son sermon et determiné,
De son servise s'avança.
Son confiteor conmença
Le bon arceprestre Bernart,
Puis dist l'oroison por Renart :
« Haï, dist il, Renart, amis,
En maint pertuis vos estes mis
En bois, en forest et en plain
Por avoir vostre ventre plain,
Et por porter a Hermeline
Vostre fame coc ou geline,
Chapon ou oue ou cras maton ;
Tot jors estoient en saison,
Qant vos les pouiez tenir.
Or estuet a noient venir
Les granz hardemenz c'avez fait
Et les biens dont estes retrait.
Ja mes tel prince ne morra.
Sire Renart, or demorra
Hermeline mout esgaree,
Ja mes n'avra de bien denree.
Bien le saviez procurer,
Or li covient metre tremper
Son ventre oveques ses mains :
Du plus estoit, or est du mains.
N'avra mes vaillant une alie,
Puis qu'ele a perdu vostre aïe. »
Quant Bernart ot en sa reson
Bien definee s'oroison
Et aproprié son chapistre,
Brichemer conmença l'espistre,
Que bien l'oïrent toz et toutes :
« Renart, fait il, sanz nule doutes
Por vos ont esté esbaïes
En granches et en abaïes
Mainte geline et mainte oe.
Mainte foiz vos en est la joe
Remuee et touz les os
Maint coup en avez sor le dos
Et sus le crepon receü.
Maint blanc moine avez deceü
Et fait, dont mout lor doit grever,
Tart couchier et matin lever
Por agaitier en larrecin.
Mainte geline et maint poucin
Leur as emblé conme felon,
Mes de tout ice t'asolon.
De quant que tu lor as tolu,
Renart, soies tu asolu.
Li pechiez en soit sor moi mis,
Einssi asou ge mes amis. »
Comment Renart fut empereur Ce est la branche Renart coment il fu Empereres (30)
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