malgré toute l’amitié que vous avez pour moi, si vous n’y voyez pas d’inconvénient, j’irai quand même à la cour chercher réparation, c’est mon droit. — Ma foi, dit Renart, il serait normal que j’y aille aussi si vous êtes d’accord. » Sur ce, Renart et Couard se lèvent, tout contents, et se mettent aussitôt en route d’une seule traite jusqu’aux portes du palais, Couard transportant son pelletier. Les deux barons arrivent chez Noble le lion, sans encombre ni empêchement Suite aux remarques précédentes de Renart, Couard ajoute : « Mon cher ami, ce paysan que j’emmène, m'a causé beaucoup de tracas. Que tout le malheur s’abatte sur lui là où Dieu l’enverra ! Nous verrons bien ce que le roi et ses barons diront lors du jugement, et par quel supplice nous mettrons ce paysan à mort. » Renart répond : « Je ne désire rien d’autre que vous soyez vengé de lui. » Les deux barons montent alors à l’étage en toute hâte, et trouvent le roi dans la grand-salle, entouré de nombreuses bêtes. Ils fêtent l’anniversaire de la disparition d'une grande et noble dame, la sœur de Pinte, dame Coupée, tuée par traîtrise. Le roi Noble et ses barons sont tous rassemblés pour assister au service. Nombreux sont les princes et les barons de grande renommée, tous vêtus de vair, sachez-le bien. Le roi tient cour plénière, avec dame Fière à ses côtés, tous deux entourés de leurs barons. Voici alors nos deux compères, Renart et Couard, poussant le paysan par la porte d’entrée. Messire Renart s’avance et salue le roi aussitôt, comme il a bien appris, puis s’agenouille devant lui. Le roi, qui l’a en grande affection, le relève et lui dit : « Soyez le bienvenu ! Mon ami, vous faites bien de venir me voir, cela faisait longtemps depuis que nous avons conclu la paix avec vous et vos compères. Je suis vraiment content de votre visite, je le jure sur l'âme de mon père, sachez que je vous en sais gré. » Renart, loin d’être troublé, lui répond aussitôt : « Sire, que Dieu, qui jamais ne nous fait défaut, exhausse au moins la moitié de vos vœux, car je sais en vérité que vous avez de l’amitié pour moi, foi que je dois à saint Germain. Mon ami Couard et moi-même avons besoin de vos lumières sur une affaire. — Que Dieu m’aide, seigneur Renart, fait le roi, mais que dites-vous là ? Avec l’aide du Saint-Esprit, je vous donnerai volontiers conseil. Mais dites-moi donc, mon cher ami, pour quoi vous sollicitez mon avis. — Sire, fait-il, je vais vous le dire. » | 24228 24232 24236 24240 24244 24248 24252 24256 24260 24264 24268 24272 24276 24280 24284 24288 24292 24296 24300 24304 | Or sai de voir que vos m'amez ; Mes s'il vos estoit a plaisir, A cort iroie pour oïr Le jugement dont sui destroiz. — Par foi, dist Renart, il est droiz Que i voise quant le volez. » A tant est en estant levez Renart et Couart a grant joie, Si se metent tost a la voie, Ne finerent jusques a la porte, Et Coart son peletier porte. A sire Noble le lyon, Andui i viengnent li baron Sanz desfense et sanz contredit. Renart si a a Coart dit. Coart li dist : « Biax douz amis, Le vilain que je port m'a mis En grant travail et en grant painne. Diex le mete en male semainne Qui en avant le portera ! Or verrons que li rois dira Et li baron del jugement, A quel que paine a quel torment Feromes le vilain morir. » Respont Renart : « Mout le desir Que l'en vos ait de lui vengié. » Maintenant montent le planchié Li dui baron par grant desroi, En la sale trovent le roi, Et ot entor lui mainte beste. Cel jor celebroit une feste D'une haute dame honoree, La suer Pinte, dame Coupee, Qui fu en traïson ocise. Le jor en fesoient servise Li rois Noble et son barné Qui la estoient assemblé. Maint prince i ot et maint baron Qui mout furent de haut renon ; Tant estoient, se vos plevis, Vestuz et de ver et de gris. Li rois qui tenoit cort pleniere Seoit delez ma dame Fiere, Et li baron environ eus. Es vos les compaingnons entre eus Renart et Coart qui aporte Le vilain tres par mi la porte. Mesire Renart vint devant, Le roi salue maintenant, Con cil qui bien fu ensaigniez, S'est devant lui agenoilliez ; Et li rois qui mout chier l'avoit, L'a redrecié quant il le voit, Et dist : « Bien soiez vos venuz ! Amis, bien vos estes tenuz De moi veoir ; ne vos vimes Des que nos feïsmes la pes De vos et de vostre compere. Foi que je doi l'ame mon pere, Or serai je joianz et liez, Des qu'a moi estes repairiez ; Sachiez que bon gré vos en sai. » Renart ne fu pas en esmai De respondre, si dist itant : « Sire rois, cil Dieu qui ne ment Vos otroit de vostre voloir La moitié, quar je sai de voir Que vos m'amez de cuer certain, Par la foi que doi saint Germain. Mes d'une afere vos requier Conseil, qar bien en ai mestier Moi et mon compaingnon Coart. — Diex aïde, sire Renart, Fait li rois, qu'est ce que vos dites ? Issi m'ait saint Esperites, Conseil vos donré volentiers. Mes or me dites, amis chiers, De quoi vos demandez conseil. — Sire, fait il, dire vos voil. » |
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