qui s'était mis sur le côté tout en tenant le paysan. Il avance aussitôt vers le roi plein de rage et de colère. Renart saisit le paysan et le jette violemment à terre. Il a bien failli lui casser le cou tellement le sol est dur. Le paysan est fou de rage. Renart dit alors : « Mon cher sire, nous sollicitons votre avis pour savoir quoi faire de ce paysan, qui a attaqué votre baron et a essayé de le frapper, mais sans succès. — Sire, ajoute Couard, écoutez-moi, et corrigez-moi si je me trompe. Maintenant que j'ai capturé ce paysan, je viens ici pour chercher réparation. Je vous livre ce bandit, à vous maintenant de décider ce qu’on en fera. » Quand le paysan entend qu'il va être jugé, il est pris d’une grande frayeur, il bondit alors sur ses pieds et dit au roi : « Sire, pitié, laissez-moi partir d’ici. Sachez que je suis quelqu’un de loyal. Si vous le souhaitez, je peux appeler mes voisins les plus fidèles à venir témoigner que je suis l’un des plus loyaux honnêtes hommes sur cette terre. Envoyez les chercher. » Le roi lui répond : « Bien volontiers, ils nous seront grandement utiles. » Il les convoque sans plus attendre. Sur la trentaine de pelletiers fidèles au paysan, une douzaine vient témoigner à la cour de Noble. Le paysan est fou de joie de les voir arriver, il se redresse et dit au roi : « Voici mes témoins. — Sire, font-ils, il a raison. Si vous voulez savoir la vérité, nous allons vous la dire. Un jour, il avait gagné un œuf qu’il a bien voulu partager avec nous tous. Au nom de Dieu, autant qu’on le sache, cet homme est fiable et loyal. » Le roi se réjouit d’entendre cela, et dit alors au paysan qu’il peut partir sans crainte. Le paysan ne demande pas son reste et s’en retourne avec les autres. Le roi ne cache pas sa satisfaction, et tout le monde est content dans la salle. Renart est rouge de colère, mais il s’asseoit à côté du roi, sans laisser transparaître sa déception. Le roi demande aux valets de mettre la table, ce qui est fait sans délai. Tous s’installent pour manger, les comtes prennent place près du roi. Après avoir avalé de nombreux plats, ils se mettent à jouer au trictrac et aux dés. De l’autre côté de la salle, Ysengrin et Renart s’assoient devant un échiquier et installent les pièces. Renart demande à Ysengrin de mettre un marc d'or pur en jeu. Ysengrin le place aussitôt sur l’échiquier, et Renart fait de même. Ils vont jouer gros. Mais Ysengrin est très fort aux échecs, il prend une tour avec un pion, puis la reine. Ils jouent si longtemps qu’à trois heures du matin, Ysengrin a déjà gagné cent livres. Renart se demande ce qui lui arrive, car il n'a plus rien à miser. Il déclare au loup : « Ysengrin, fait-il, écoute-moi, avec tout le respect que je te dois, je n'ai plus de quoi renchérir à moins de mettre mes couilles et ma bite en jeu. Je veux bien jouer encore si tu continues de miser tes deniers. — Ma foi, pas de problème, répond l’autre. » Ils recommencent alors à jouer, mais Renart a vite fait d’y laisser ses attributs. Ysengrin est tout content de gagner à nouveau. Il va chercher un grand clou sans perdre de temps, et avec, lui plante les couilles sur l’échiquier. Puis, il s’en va en laissant seigneur Renart soupirer et hurler de douleur et de rage, tellement il souffre le martyre. Dame Fière l’entend crier, et se dirige aussitôt dans sa direction. Quand elle voit Renart dans cet état, elle l’aide aussitôt. Elle l’emmène discrètement dans sa chambre et le couche dans son lit. Mais, Renart n’y prend aucun plaisir cette fois, car la douleur est si vive qu'il s’évanouit plus de dix fois. La rage lui trouble le sang, il se sent mal et perd conscience. Il reste là évanoui si longtemps qu’elle le croit mort. Elle s’écrie alors : « Seigneur Renart, que se passe-t-il ? Voulez-vous donc me quitter ainsi ? » Elle pousse un long soupir. | 24308 24312 24316 24320 24324 24328 24332 24336 24340 24344 24348 24352 24356 24360 24364 24368 24372 24376 24380 24384 24388 24392 24396 24400 24404 24408 24412 24416 24420 24424 24428 24432 | Qui s'estoit tret a une part, Et qui encor le vilain tint, Tot maintenant au roi en vint Mout aïrez et d'ire espris, Et Renart par la main l'a pris Et li fist jeter durement Le vilain sus le pavement Qui n'estoit mie granment mol. A poi ne li bruisa le col, Si en fu le vilain plain d'ire, Et Renart li a pris a dire : « Biau sire, conseil vos querons Que nos de cest vilain ferons Qui vostre baron asailli. Ferir le cuida, si failli. — Sire, dist Coart, entendez, Se je di mal, si m'amendez. J'ai cel vilain pris par ma guerre, Si en vien ci jugement querre. Je le vos rent conme larron, Esgardez que nos en feron. » Quant li vilain ot et entent Qu'il en velt avoir jugement, Si en est forment esbahiz. Maintenant est en piez sailliz Et dist au roi : « Sire, merci, Soufrez que m'en aille de ci. Sachiez que je sui loiaux hon, Quant vos plera, tesmoing avron De mes voisins des plus feaux Que je sui preudons et loiaux Des plus preudomes de la terre ; Si les faites envoier querre. » Li rois respont : « Mout volentiers, Qar il nos en est grant mestiers. » Mander les fist sanz plus atendre. .XXVIII. furent, mains de .XXX., Tuit loial home peletier. .XII. vindrent por tesmoingnier ; Sont a la cort Noble venuz. Quant li vilain les a veüz, Si ot grant joie et grant leece, Maintenant en estant se drece Et dist au roi por tesmoingnier : « Icil me viegnent tesmoingnier. — Sire, font il, vos dites voir. Se verité volez savoir, Par tens vos seroit ensaignié. Il avoit .I. oef gaaingnié Ou voloient moillier ensemble. En non Dieu, por ce si nos semble Que il est preudons et de foi. » Quant ce ot entendu le roi, Mout durement s'en esjoïst, Et maintenant au vilain dit Qu'il s'en alast, qu'il n'avoit garde. Et li vilain plus ne se tarde, Ainz s'en revet o ses vilains. Li rois remest de joie plains, Tuit firent joie par la sale. Renart n'ot pas la color pale, Dejoste le roi s'est assis, Ne fist pas chierre de pensis. Li rois a dit as connoistables Que il facent metre les tables, Et il si firent sanz targier. Lors asistrent tuit au mengier, Joste li rois sistrent li conte. Des mes qu'il orent ne faz conte, Mes quant mengié orent assez, Gieuent as tables et as dez. El chief du palés d'autre part Sistrent Ysengrin et Renart, Devant eus ot .I. eschequier. Leur gieu pranent a arengier, Et dist Renart a Ysengrin Qu'il mete au jeu .I. marc d'or fin ; Et Ysengrin tantost le fist, Mout tost sus l'eschequier le mist. .I. autre en i a mis Renart, Si jouerent par grant esgart. Ysengrin fu du jeu apris, Du paonnet a .I. roc pris ; Aprés le roc a pris la fierce, Tant jouerent que il fu tierce, Ysengrin gaaingna cent livres Dont Renart se tint bien por yvres, Car il n'ot mes que metre au jeu. Il en a apelé le leu : « Ysengrin, fait il, entent moi, Par cele foi que je vos doi, Je n'ai de quoi mon jeu envit Se n'i met ma coille et mon vit. Encor joerai volentiers, S'encontre vels metre deniers. — Si feré, fet il, par mon chief. » Lors reconmence de rechief Et a joé tout erroment. Perdi Renart son garnement ; Ysengrin qui ot gaanié En ot le cuer joiant et lié. Tantost sanz plus de demorer A fait .I. grant clou aporter, Par mi la coille li ficha Et a l'eschequier l'atacha, Puis s'en torne et si s'en vet ; Et dant Renart soupire et bret. Corouciez fu de duel et d'ire, Qar il soufroit mout grant martire. Ma dame Fiere oï le cri, Maintenant cele part guenchi. Quant voit Renart, si li aïe : De ce qu'il ot fu mout marrie. Tot coiement et en repost Dedenz sa chambre le repost Et le coucha dedenz son lit, Mes il n'i ot point de delit, Qar de dolor ert si destroiz Qu'il se pasma plus de .X. foiz. De couroz qu'il ot sanmella, Malades fu, si someilla. En pasmoisons jut longuement Si qu'ele cuidoit vraiement Que il fust mort, si s'escria : « Sire Renart, ce que sera, Nos volez vos ainsi guerpir ? » Adonques a fait .I. soupir. |
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