vendredi 1 mars 2019

Renart médecin - La mort de Malebranche




Quand Renart voit le roi s’approcher,
Q


uant Renart vit li rois venir,
il éperonne rageusement son cheval
pour le lancer aussi vite que possible.
Leurs lances se brisent lors du choc,
mais chacun
continue son chemin à toute allure
sans se faire plus de mal.
Ysengrin, sur un cheval
d’au moins cent besants d'or,
se précipite vers Bruyant le taureau
la lance pointée droit devant lui.
Bruyant arrive à sa rencontre à toute vitesse.
Dès qu’ils le peuvent,
ils se donnent un grand coup de lance
aux pointes bien tranchantes.
Ysengrin, le plus valeureux des deux,
le frappe avec une telle force
que sa lance lui transperce le corps,
et le fer ressort de l’autre côté
d’une bonne main.
Bruyant tombe de son cheval
en poussant un hurlement
qui fait frémir toute l’armée.
Quand le roi Noble entend ça,
il fonce aussitôt de ce côté,
et trouve Bruyant étendu
de tout son long au milieu de l’herbe,
sans un souffle de vie.
Le roi ne peut plus rien faire pour lui :
« Hélas ! fait-il, si seulement j’avais été là !
Que reste-t-il à faire sinon venger mon baron
de ce traître de félon ?
Il est inutile d’attendre davantage.
Il m’aimait et tenait beaucoup à moi. »
Il éperonne alors son destrier de Castille,
la lance dressée,
la bannière flottant au vent.
Il passe devant les siens à toute allure,
fou de rage.
Mais un chevalier se détache des rangs
et vient rapidement à sa rencontre.
Le roi lui donne un coup si fort
que sa lance lui transperce le corps,
et le fer ressort de l’autre côté
d’une bonne demi-toise.
Quand sa lance fléchit,
il le laisse tomber mort au milieu du pré.
Malebranche l’interpelle
en voyant ça,
et se dirige vers lui,
furieux
de voir son homme mort.
Il est plein de colère et de peine.
Il s’élance alors contre le roi.
Mais le roi l’a repéré,
et court aussitôt à sa rencontre
en éperonnant son destrier,
bien calé dans ses étriers.
Malebranche s’élance de son côté
à travers un essart.
À l’approche du roi,
il serre son bouclier fermement contre lui.
Il est plein de rage et de colère.
Le roi l’est tout autant.
Ils se heurtent sans hésiter.
Malebranche brise sa lance,
car le roi le frappe sans retenue.
Sa lance lui transperce le corps
jusqu’à la bannière,
et le fait tomber raide mort de son destrier.
Renart arrive à la rescousse,
mais il est trop tard.
Tous les siens arrivent à sa suite,
mais ça ne sert plus à rien,
il est bel et bien mort.
« Je ne m’en consolerai jamais, dit Renart,
mais qui m’aime me suive
pour aller le venger sur-le-champ.
— Seigneur, lui disent ses barons,
nous vous aiderons de ce pas. »
Ils se jettent alors dans la mêlée.
Nombre de coups d’épée sont donnés,
nombre de bêtes tombent mortes.
Personne ne peut résister
contre l'épée de Renart,
mais Ferrant arrive sur lui
avec une compagnie de deux mille soldats
pour venir en aide au roi.
La bataille fait rage,
mais les hommes de Renart tombent,
impossible d’en faire le compte !
Renart n’est pas d’humeur à plaisanter.
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Contre lui broche par aïr
Quant que cheval puet randonner.
Lor lances bruisent au joster,
Ambedui tout conmunement
Outre s'en passent vistement,
L'un a l'autre plus ne forfist.
Ysengrin sor .I. cheval sist
Qui bien valoit .C. besanz d'or.
Il broche vers Bruiant le tor
La lance droite randonnant,
Bruiant revint esperonant.
Si tost con il porent venir,
Granz cox se vont entreferir
Des lances o les fers tranchanz.
Ysengrin qui mout fu vaillanz
Le feri de si grant vigor
Que de la lance travers dor
Li mist el cors et le fer tout,
D'autre part en voit on le bout.
Du destrier a terre le met,
Au trebuchier jeta .I. bret
Si grant que tot l'ost en fremi.
Et li rois Noble l'entendi,
Cele part vint esperonant,
Si a trové Bruiant gisant
Tout estendu en mi la pree ;
L'ame li est du cors sevree.
Quant li rois le voit estendu :
« Alas ! fet il, c'ai atendu,
Que ne vois vengier mon baron
Del traïtor et du felon ?
Qu'atent, que ne le vois vengier ?
Il m'amoit tant et tenoit chier. »
Lors point le destrier de Castele,
La lance o le penon ventele
A desploiee maintenant.
Devant sa gent s'en va poingnant
Tot hors du sens, toz esragiez.
.I. chevalier s'est desrengiez
Qui encontre lui esperonne.
Mes li rois si grant cop li donne
De la lance par mi le cors
Que le fer en parut dehors ;
Je cuit plus de demie toise.
A ce que la lance pantoise,
L'a trebuchié mort enz el pré.
Malebranche en a apelé
Qui l'ot esgardé et veü,
Si est icele part venu.
 Malebranche fu aïré
Quant son home vit mort jeté ;
Mout en fu dolent et iriez.
Envers le roi s'est eslessiez,
Et li rois qui bien l'aparçut
Maintenant cele part corut,
Qant que il pot point le destrier.
Bien fu afichié en l'estrier ;
Et Malebranche d'autre part
S'eslaisse par mi .I. essart.
Si tost con a veü le roi,
L'escu enbrace par desroi,
D'ire et de mautalent espris.
Et li rois fu mautalentis,
Si se fierent sanz demorance.
Malebranche brise sa lance,
Et li rois le fiert a bandon,
Que la lance jusque au panon
Li fist par mi le cors glacier,
Mort l'a abatu du destrier.
Por lui rescorre vint Renart,
Mes il i est venuz trop tart ;
Il et sa gent i sont venu,
Mes malement l'ont secoru,
Car il l'ont trové trestot mort.
« Ci n'a, dist Renart nul confort,
Mes or verrai qui m'avra chier,
Qar je le voil aler vengier.
— Sire, ce dient li baron,
Volentiers vos aïderon. »
Adonc conmença la mellee.
Maint coup i ot feru d'espee,
Mout veïssiez bestes morir,
Onques nus ne se pot tenir
Encontre l'espee Renart,
Quant Ferrant s'en vint cele part
Tiex .XXM. en sa compaingnie
Qui au roi feront grant aïe.
En l'estor se fierent errant,
Des genz Renart ont ocis tant
Que je n'en sai le conte dire ;
Lors n'ot Renart talent de rire.
Comment Renart fut empereur Ce est la branche Renart coment il fu Empereres (30)
Notes de traduction (afficher)

2 commentaires:

  1. L23827 : comme c'est Ysengrin qui tue Bruyant, je pense qu'il faudrait mettre : Il le fait tomber de son cheval (sous entendu Ysengrin)

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    1. Exact, en fait c'est une coquille, c'est bien Bruyant qui tombe de son cheval.

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