sortent d’un vallon. Chantecler et tous ses barons les attaquent à revers. On entend alors les cris et les hurlements des hommes à terre. Nombreux sont les blessés, les mutilés et les morts. Chantecler, impétueux, fait preuve de vaillance et d’un grand courage, on ne peut que louer ses efforts. Impossible de trouver son pareil dans toute l’armée ! On se demande vraiment comment un animal aussi jeune peut avoir une telle fougue, être si courageux et si rapide, et se donner corps et âme. Il se bat dans la mêlée avec ardeur, et veut s’en prendre à un buffle qui fait des ravages. Il a tué plus de sept des nôtres à lui seul, semble-t-il. Chantecler, désolé de voir ses hommes malmenés, décide de s’opposer à lui. Il éperonne son destrier, bien calé dans ses étriers, la lance contre son feutre. Ils se jettent alors l’un contre l’autre. Le buffle arrive à toute vitesse, et percute Chantecler durement avec sa lance, le choc est tel qu'il lui perce son bouclier. Mais son haubert, très résistant, l’empêche de pénétrer, et la fait voler en éclats. Chantecler, très adroit, lui donne un méchant coup de lance, tellement fort qu’elle lui passe à travers le corps, la pointe ressort de l’autre côté. Il tombe raide mort de son cheval, inutile de s’acharner sur lui. Chantecler tire alors son épée, et se jette dans la mêlée comme un fou avec tous ses hommes. Ils font tant de morts et de blessés qu’on ne peut les compter, y compris les contes et les rois. Quand l’ennemi voit leur seigneur mort, la plupart sont révoltés, et se jettent sur Chantecler, avec rage. Plus de vingt-sept d’entre eux, bien décidés à faire mal, tombent d’un seul bloc sur Chantecler et ses hommes. Beaucoup se font blesser ou tuer, et c’est là que Chantecler trouve la mort. Ils se font battre à plate couture, mais monseigneur Épineux passe à l’attaque avec Baucent et Ronel. Ils se jettent à toute allure au cœur de la bataille dans un fracas de lances. Messire Épineux fonce là où la bataille est la plus rude, et se retrouve nez à nez avec le dromadaire momentanément séparé des autres. Il lui donne un tel coup d'épée qu’il l’abat sur place en lui tranchant la tête. Puis Épineux, fort et courageux, serre son bouclier contre lui, et repart à l’attaque. Il écrase et tue tous ceux qu’il croise avec ses hommes qui l’aident courageusement Il en arrive de tous les côtés, beaucoup de chiens se font tuer, mais le malheur s’abat sur eux, car Épineux se fait tuer. Le roi est furieux, ses barons se mettent en colère. Ils vont être mis en déroute mais Frobert le grillon attaque avec le gros de sa troupe, L’ennemi est malmené, plus de vingt mille se font tuer. Ceux-là ne reverront jamais leur pays ! Les serpents, pris de panique, s’enfuient sous la pression des grillons qui les mettent en déroute. Vient alors le bataillon du roi conduit par Percehaie. Quand le chameau les voit, il dit à ses hommes : « Seigneurs, nous ne pourrons pas leur résister. Battez en retraite maintenant, sauvez votre peau ! » Là-dessus, ils s'enfuient sans retenue, talonnés de près par tous les grillons. Les voyant fuir, Noble s'écrie : « Tous sur eux, vite ! » Frobert les suit de près avec toute sa troupe. La lance calée sur son feutre, il les poursuit avec ardeur et les repousse jusqu’à la mer. Ils montent dans leurs bateaux, lèvent les voiles, et s’en vont, mais sans le chameau. Celui-ci n’a pas pris la mer, mais s’est enfui par la terre, poursuivi par messire Frobert, qui parvient à le saisir par la bride, le ramène au roi, et lui dit : « Seigneur, grâce à Dieu, tous vos ennemis sont vaincus, je vous remets leur chef comme il se doit. — Tous mes remerciements », lui répond le roi. | 22824 22828 22832 22836 22840 22844 22848 22852 22856 22860 22864 22868 22872 22876 22880 22884 22888 22892 22896 22900 22904 22908 22912 22916 22920 22924 22928 22932 22936 22940 22944 | Plus de .X. mil escorpions. Chantecler a touz ses barons S'i est de l'autre part feruz ; La ot et granz criz et granz huz Des abatuz et des plaiez, Mout en i ot de mahaingniez, De mort, d'abatuz, de navrez. Chantecler qui fu desreez I mostra mout bien sa proesce, Conme cil qui est sanz paresce ; De lui se paine d'aloser, Nus ne pouoit mie trover En trestoute l'ost son pareil. Mes mout durement me merveil, Par quel achoison ne conment Il puet avoir tel hardement, Beste de si petit aage, Con il est de si fier corage, Qui tant est et vistes et prouz Que son cors abandonne a touz. En l'estor se fiert par aïr, Maintenant revet envaïr Le bugle qui mout se desroie ; Des nos a mors, — je qu'en diroie ? — Plus de .VII. par lui seulement. Chantecler en pesa forment Por ce que voit sa gent mal metre, Encontre lui se voudra metre. Maintenant broche le destrier, Bien fu afichié en l'estrier Et mist la lance sor le fautre, Si poingnent li .I. contre l'autre. Li bugles vient esperonant, Chantecler fiert durement De la lance par tel vertu Qu'il li peçoie son escu. Mes haubert ot fort et tenant, Si ne pot aler en avant, La lance vole en .II. moitiez. Chantecler qui fu afaitiez Le ra feru irieement ; De la lance si roidement Le feri si par mi le cors Que le tronçon parut defors. Mort l'a abatu du cheval, Si ne li a fait autre mal. Puis a maintenant tret l'espee, Si se refiert en la mellee Lui et sa gent touz aïrez. La ot des mors et des navrez Tant que n'en sai dire le conte ; La ot et maint roi et maint conte. Quant il trovent lor seignor mort, Mout en mainnent grant desconfort. Vers Chantecler en sont venu Touz plains d'ire et irascu, Plus de .VIIXX. tout a .I. fes Qui de mal fere sont engrés. Sor Chantecler et sor sa gent Fierent mout aïreement ; Mout i a des mors, des navrez, La fu Chantecler mort ruez. Desconfit fussent a cel point Quant mesires Espinart point, O lui Baucent et Roonel, Mout i viengnent tost et isnel ; En l'estor se fierent manois, De lances i ot grant esfrois. Mesire Espinart s'eslesse Et se fiert en la grainnor presse ; Le dromadaire a encontré, Des autres l'a veü sevré. Tel coup l'a feru de l'espee Que la teste li a coupee ; Mort l'abati en mi la place. Et maintenant l'escu embrace, Espinart est fort et hardi, Ne fait pas semblant d'estordi. De tiex a encontrez assez Que il a mors et craventez, Et si honme conmunement Li aïdent hardiement. Mout en vient d'une part et d'autre, Maint chien i ot mort et maint viautre, Mais seur eus en torna le pis. Qant Espinart i fu ocis Dont li rois ot le cuer irié, S'en sont li baron coroucié. Desconfit fussent a cel saut, Quant Frobert le gresillon saut, Et de sa gent .I. grant tropé Mout i fussent mal atrapé ; Plus de .XXM. ocis en ont, Ja mes en lor païs n'iront. Serpens s'en vont mout esmaiant, Gresillons les vont enpressant, Mout les mainnent a grant desroi. Estes vos l'eschiele lou roi Que Percehaie conduisoit. Si tost con li chameus les voit, Sa gent apele et dist : « Seignor, Ne poons pas garir as lor. Or tost, ne vos puis maintenir, Pensez de vos vies garantir ! » A tant s'en fuient a bandon, Ses enchaucent li gresillon Tuit ensemble a grant esploit ; Et quant Noble fouir les voit, Si s'escrie : « Or tost aprés ! » Vez con Frobert les suit de prés, Et sa mesnie et tuit li autre. Adonc ont mis lance sor fautre ; Par force les ont pourseüz Tant qu'en mer les ont embatuz ; Es nes entrent, drecent lor voile, Si s'en tornent sanz la chamoille. N'i entra pas, ainz s'en fouï Par terre ; si le consuï Mesire Frobert, si le prent Par mi le frain, au roi le rent Et dist : « Sire, la Dieu merci, Tuit sont vaincu vostre anemi, Le seignor vos rent sanz mes droiz, — Vostre merci », ce dist li rois. |
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