lundi 15 octobre 2018

Renart médecin - L’ennemi est repoussé




C’est alors que plus de dix mille scorpions
Q


uant d'un val se sont desbuchié
sortent d’un vallon.
Chantecler et tous ses barons
les attaquent à revers.
On entend alors les cris et les hurlements
des hommes à terre.
Nombreux sont les blessés,
les mutilés et les morts.
Chantecler, impétueux,
fait preuve de vaillance
et d’un grand courage,
on ne peut que louer ses efforts.
Impossible de trouver son pareil
dans toute l’armée !
On se demande vraiment
comment
un animal aussi jeune
peut avoir une telle fougue,
être si courageux
et si rapide,
et se donner corps et âme.
Il se bat dans la mêlée avec ardeur,
et veut s’en prendre
à un buffle qui fait des ravages.
Il a tué plus de sept des nôtres
à lui seul, semble-t-il.
Chantecler, désolé
de voir ses hommes malmenés,
décide de s’opposer à lui.
Il éperonne son destrier,
bien calé dans ses étriers,
la lance contre son feutre.
Ils se jettent alors l’un contre l’autre.
Le buffle arrive à toute vitesse,
et percute Chantecler durement
avec sa lance, le choc est tel
qu'il lui perce son bouclier.
Mais son haubert, très résistant,
l’empêche de pénétrer,
et la fait voler en éclats.
Chantecler, très adroit,
lui donne un méchant coup de lance,
tellement fort
qu’elle lui passe à travers le corps,
la pointe ressort de l’autre côté.
Il tombe raide mort de son cheval,
inutile de s’acharner sur lui.
Chantecler tire alors son épée,
et se jette dans la mêlée
comme un fou avec tous ses hommes.
Ils font tant de morts et de blessés
qu’on ne peut les compter,
y compris les contes et les rois.
Quand l’ennemi voit leur seigneur mort,
la plupart sont révoltés,
et se jettent sur Chantecler,
avec rage.
Plus de vingt-sept d’entre eux,
bien décidés à faire mal,
tombent d’un seul bloc
sur Chantecler et ses hommes.
Beaucoup se font blesser ou tuer,
et c’est là que Chantecler trouve la mort.
Ils se font battre à plate couture,
mais monseigneur Épineux passe à l’attaque
avec Baucent et Ronel.
Ils se jettent à toute allure
au cœur de la bataille
dans un fracas de lances.
Messire Épineux fonce
là où la bataille est la plus rude,
et se retrouve nez à nez avec le dromadaire
momentanément séparé des autres.
Il lui donne un tel coup d'épée
qu’il l’abat sur place
en lui tranchant la tête.
Puis Épineux, fort et courageux,
serre son bouclier contre lui,
et repart à l’attaque.
Il écrase et tue
tous ceux qu’il croise
avec ses hommes
qui l’aident courageusement
Il en arrive de tous les côtés,
beaucoup de chiens se font tuer,
mais le malheur s’abat sur eux,
car Épineux se fait tuer.
Le roi est furieux,
ses barons se mettent en colère.
Ils vont être mis en déroute
mais Frobert le grillon attaque
avec le gros de sa troupe,
L’ennemi est malmené,
plus de vingt mille se font tuer.
Ceux-là ne reverront jamais leur pays !
Les serpents, pris de panique, s’enfuient
sous la pression des grillons
qui les mettent en déroute.
Vient alors le bataillon du roi
conduit par Percehaie.
Quand le chameau les voit,
il dit à ses hommes : « Seigneurs,
nous ne pourrons pas leur résister.
Battez en retraite maintenant,
sauvez votre peau ! »
Là-dessus, ils s'enfuient sans retenue,
talonnés de près
par tous les grillons.
Les voyant fuir, Noble
s'écrie : « Tous sur eux, vite ! »
Frobert les suit de près
avec toute sa troupe.
La lance calée sur son feutre,
il les poursuit avec ardeur
et les repousse jusqu’à la mer.
Ils montent dans leurs bateaux, lèvent les voiles,
et s’en vont, mais sans le chameau.
Celui-ci n’a pas pris la mer, mais s’est enfui
par la terre, poursuivi
par messire Frobert, qui parvient à le saisir
par la bride, le ramène au roi,
et lui dit : « Seigneur, grâce à Dieu,
tous vos ennemis sont vaincus,
je vous remets leur chef comme il se doit.
— Tous mes remerciements », lui répond le roi.

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Plus de .X. mil escorpions.
Chantecler a touz ses barons
S'i est de l'autre part feruz ;
La ot et granz criz et granz huz
Des abatuz et des plaiez,
Mout en i ot de mahaingniez,
De mort, d'abatuz, de navrez.
Chantecler qui fu desreez
I mostra mout bien sa proesce,
Conme cil qui est sanz paresce ;
De lui se paine d'aloser,
Nus ne pouoit mie trover
En trestoute l'ost son pareil.
Mes mout durement me merveil,
Par quel achoison ne conment
Il puet avoir tel hardement,
Beste de si petit aage,
Con il est de si fier corage,
Qui tant est et vistes et prouz
Que son cors abandonne a touz.
En l'estor se fiert par aïr,
Maintenant revet envaïr
Le bugle qui mout se desroie ;
Des nos a mors, — je qu'en diroie ? —
Plus de .VII. par lui seulement.
Chantecler en pesa forment
Por ce que voit sa gent mal metre,
Encontre lui se voudra metre.
Maintenant broche le destrier,
Bien fu afichié en l'estrier
Et mist la lance sor le fautre,
Si poingnent li .I. contre l'autre.
 Li bugles vient esperonant,
Chantecler fiert durement
De la lance par tel vertu
Qu'il li peçoie son escu.
Mes haubert ot fort et tenant,
Si ne pot aler en avant,
La lance vole en .II. moitiez.
Chantecler qui fu afaitiez
Le ra feru irieement ;
De la lance si roidement
Le feri si par mi le cors
Que le tronçon parut defors.
Mort l'a abatu du cheval,
Si ne li a fait autre mal.
Puis a maintenant tret l'espee,
Si se refiert en la mellee
Lui et sa gent touz aïrez.
La ot des mors et des navrez
Tant que n'en sai dire le conte ;
La ot et maint roi et maint conte.
Quant il trovent lor seignor mort,
Mout en mainnent grant desconfort.
Vers Chantecler en sont venu
Touz plains d'ire et irascu,
Plus de .VIIXX. tout a .I. fes
Qui de mal fere sont engrés.
Sor Chantecler et sor sa gent
Fierent mout aïreement ;
Mout i a des mors, des navrez,
La fu Chantecler mort ruez.
Desconfit fussent a cel point
Quant mesires Espinart point,
O lui Baucent et Roonel,
Mout i viengnent tost et isnel ;
En l'estor se fierent manois,
De lances i ot grant esfrois.
Mesire Espinart s'eslesse
Et se fiert en la grainnor presse ;
Le dromadaire a encontré,
Des autres l'a veü sevré.
Tel coup l'a feru de l'espee
Que la teste li a coupee ;
Mort l'abati en mi la place.
Et maintenant l'escu embrace,
Espinart est fort et hardi,
Ne fait pas semblant d'estordi.
De tiex a encontrez assez
Que il a mors et craventez,
Et si honme conmunement
Li aïdent hardiement.
Mout en vient d'une part et d'autre,
Maint chien i ot mort et maint viautre,
Mais seur eus en torna le pis.
Qant Espinart i fu ocis
Dont li rois ot le cuer irié,
S'en sont li baron coroucié.
 Desconfit fussent a cel saut,
Quant Frobert le gresillon saut,
Et de sa gent .I. grant tropé
Mout i fussent mal atrapé ;
Plus de .XXM. ocis en ont,
Ja mes en lor païs n'iront.
Serpens s'en vont mout esmaiant,
Gresillons les vont enpressant,
Mout les mainnent a grant desroi.
Estes vos l'eschiele lou roi
Que Percehaie conduisoit.
Si tost con li chameus les voit,
Sa gent apele et dist : « Seignor,
Ne poons pas garir as lor.
Or tost, ne vos puis maintenir,
Pensez de vos vies garantir ! »
A tant s'en fuient a bandon,
Ses enchaucent li gresillon
Tuit ensemble a grant esploit ;
Et quant Noble fouir les voit,
Si s'escrie : « Or tost aprés ! »
Vez con Frobert les suit de prés,
Et sa mesnie et tuit li autre.
Adonc ont mis lance sor fautre ;
Par force les ont pourseüz
Tant qu'en mer les ont embatuz ;
Es nes entrent, drecent lor voile,
Si s'en tornent sanz la chamoille.
N'i entra pas, ainz s'en fouï
Par terre ; si le consuï
Mesire Frobert, si le prent
Par mi le frain, au roi le rent
Et dist : « Sire, la Dieu merci,
Tuit sont vaincu vostre anemi,
Le seignor vos rent sanz mes droiz,
— Vostre merci », ce dist li rois.
Comment Renart fut empereur Ce est la branche Renart coment il fu Empereres (30)
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