Renart est le meilleur d’entre nous, autant que je sache, c’est lui qu’il faut choisir, faites-moi confiance. Il est audacieux, courageux, et de grande vaillance. Il a aussi un bon pedigree. » Le roi répond : « C'est vrai, puisque vous le jugez ainsi, alors il sera le nouveau porte-étendard comme vous le souhaitez, au nom de Dieu. » Renart n’est pas chagriné d’entendre ça, bien au contraire, sachez-le. Il se jette aussitôt à ses pieds, car il connaît les bonnes manières, et lui baise les pieds, tellement il est content. Puis, il dit à messire Noble : « Sire, mes enfants ici présents sont grands et beaux, grâce à Dieu, je vous prie, pour l’amour de Dieu, de les faire chevaliers demain. » Le roi lui répond en souriant : « Renart, je l'accepte volontiers, ils seront faits chevaliers demain, d’ailleurs leur aide nous sera utile. » Ils terminent la discussion là-dessus, et passent la nuit dans l’église à prier. Le lendemain, le roi leur ceint l’épée de chevalier de ses propres mains, puis leur donne l’accolade. Une fois faits chevaliers, sans perdre de temps, le roi appelle Renart et lui dit : « Renart, fait-il, avec l’aide de Dieu, nous allons partir au plus tôt. Mais je vous prie, par saint Martin, de rester ici pour veiller sur mes terres, avec Rouvel et Malebranche. Percehaie, lui, fera partie de l’expédition, et portera l’étendard et notre bannière de soie immaculée. Je veux l’emmener avec moi, tandis que tous trois resterez ici avec plusieurs autres barons qui vous jureront allégeance. Soyez certain que Tibert le chat vous tiendra compagnie, ainsi qu’Ysengrin avec sa grande et respectable famille. Tous vous jureront fidélité devant moi, que ça plaise ou non. Prenez soin aussi de la reine, je vous en prie. Je ne puis rester davantage avec vous, je la confie à Dieu et à vous. — Sire, fait-il, avec plaisir, je le ferai quoi qu’il arrive, mais j’ai besoin de l’entière loyauté de vos barons, ce qui est bien normal. » Le roi répond : « Vous l'aurez tout de suite. » Là-dessus, il appelle Ysengrin et Tibert, et dit sans les quitter du regard : « Seigneurs, avancez ici avec vos familles, et faites le serment de demeurer au côté de Renart sans jamais quitter ce pays, car Renart doit rester ici pour assurer la paix sur mes terres. Faites-lui le serment de l’aider en toutes circonstances, avec loyauté, et du mieux possible, au cas où la guerre arriverait ici. » Là-dessus, ils jurent fidélité devant le roi sans discuter. Le roi veut partir maintenant, alors il fait remplir les chariots, et charger armes et deniers, pavillons et tentes, sur les charrettes et les bêtes de somme. Ils prennent congé, et partent le mardi suivant à l’aube. Ils sont plus de deux cent mille à chevaucher à travers la campagne. Percehaie porte l’étendard qui flotte au vent, mais il a le cœur triste, car il est malheureux d’être séparé de son père. Renart, toujours aussi mal intentionné, reste avec la reine, qu'il aime d’un amour entier depuis bien longtemps. Elle est d’ailleurs réjouie et heureuse d’être avec lui. Elle apprécie beaucoup les nombreux baisers de Renart, et ne fait aucune difficulté, bien au contraire, tout cela lui plaît beaucoup. Renart profite bien de sa dame qu'il a pour lui seul. Il a garni son château du mieux qu’il peut de provisions, de peur qu'on l'attaque. | 22608 22612 22616 22620 22624 22628 22632 22636 22640 22644 22648 22652 22656 22660 22664 22668 22672 22676 22680 22684 22688 22692 22696 22700 22704 22708 22712 | Tout le mieudre que je i voi Et que sache eslire entre nos, Ce est Renart, foi que doi vos. Hardiz est et de fier corage, Et mout a en lui vasselage, Et si est bien emparentez. » Li rois respont : « C'est veritez ; Puis que vos l'avez esgardé, Gonfanonnier soit de par Dé, Puis que il vos vient a talent. » Renart n'ot pas le cuer dolent, Ainz en est mout liez, ce sachiez. Tantost li est chaüz as piez Conme cil qui est afaitiez, Li a an .II. les piez baisiez Pour la grant joie que il a. Mesire Noble apela Et dist : « Biau sire, mi enfant Sont, Diex les sauve, bel et grant ; Si vos pri por Deu et requier Que demain soient chevalier. » Li rois li respont liement : « Renart, je l'otroi doucement ; Le matin chevalier seront, A cest besoing nos aideront. » A tant lessierent le plaidier ; La nuit veillierent au mostier. Et quant ce vint a l'endemain, Li rois meïsmes de sa main A a chascun çainte l'espee, Et si lor donne la colee. Quant il furent fait chevalier, Li rois qui ne volt delaier, Renart apele, si li dist : « Renart, fait il, se Diex m'aït, Movoir nos covient le matin. Mes je vos pri por saint Martin Que vos ici vos remanez, Ma terre et mon païs gardez, Rovel o vos et Malebranche ; Le panon et l'ensaigne blanche Qui est toute pure de soie Portera en l'ost Percehaie. Celui voil ge mener o moi, Et ici remaindroiz tuit .III. Et autres barons a plenté Qui vos jureront feüté. Tyberz li chas, n'en doutez mie, Sera o vos en compaingnie Et Ysengrin et sa mesnie Qui mout ert bele et alingnie. Foiauté vos jureront tuit Devant moi, a qui qu'il anuit. Et la roïne tout ausi, Gardez la bien, je vos em pri. Ne puis plus demorer o vos, A Dieu la conmant et a vos. — Sire, fait il, vostre plaisir Ferai, que m'en doie avenir. Mes la feueté des barons Vodré je, qar il est raisons. » Li rois respont : « Vos l'avrez ja. » A tant Ysengrin apela Et Tybert, tout ses eulz voiant : « Seignors, fait il, venez avant, S'amenez toute vostre gent, Si jurerez le serement Que oveques Renart tout dis Demorrez toz en cest païs. Qar Renart est ici remés Por garder ma terre en pes, Mes .I. serement li ferez Que vos partout li aiderez Loiaument a vostre pooir, Se veïez guerre movoir. » A tant ont le serement fait Devant le roi sanz plus de plait. Adonc s'en volt li rois partir, Mes ainz a fait les chars emplir, Et armes trosser et deniers Sor charetes et sor somiers ; Paveillons et tentes trosserent. Congié pranent, si s'en alerent A .I. mardi a l'ainsjorner. Furent plus de .IIC. millier, Si chevauchent par la champaingne. Percehaie porte l'ensaingne Qui baloie contre le vent, Mes le cuer ot tristre et dolent Por Renart dont il fu sevrez. Renart qui fu mout mal senez Fu remés ovec la roïne Qu'il amoit d'amor enterine Et longuement l'avoit amee. Or est avec lui demoree Lie et joiant et envoisie ; Mout sovente foiz est baisie De Renart, quant aise en estoit, N'ele pas nel contredisoit, Ançois li plest mout et agree. Renart a grant joie menee Por sa dame qu'il ot o lui. Mout a bien le chastel garni Au miex que il puet de vitaille, Car peor a qu'en ne l'asaille. |
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