après avoir recommandé Drouin à Dieu, s'en retourne alors chez lui. Drouin, content de la tournure des événements, ne part pas encore, mais se dirige vers Renart en courant, car il lui tarde de lui dire ses quatre vérités, tellement il en a envie. Il arrive à lui par petits bons et lui demande de ses nouvelles : « Comment allez-vous, seigneur Renart ? Votre ruse ne vous a pas servi à grand-chose, à voir l'état dans lequel vous êtes. Votre pelisse est bien abîmée, il manque des morceaux, votre peau a dû faire des heureux. Mais si le temps se couvre, il vous faudra une autre pelisse, ou vous mourrez de froid, c'est sûr, à moins qu'Hermeline ne vous prenne sous sa chemise contre sa peau. Enfin, ne croyez pas que je me moque de vous en vous disant tout cela. » Renart ne répond rien, il l'entend parfaitement, mais il lui est impossible de remuer le moindre membre. Drouin prend bien du plaisir à le railler, et quand il a fini, il prend congé trop content de s'être bien vengé de Renart. Renart reste là, tellement écorché par les coups de dent du chien qu'il ne peut ni avancer ni reculer, comme s'il avait eu les pattes coupées. Il reste sur place, furieux et incapable de bouger d'ici d'une manière ou d'une autre, il ne sent même plus son cœur battre. Voici qu'arrive dame Hersent, sa commère qui l'aime tant et le porte dans son cœur, accompagnée d'Ysengrin. Quand ils aperçoivent Renart ainsi arrangé, ils accourent vers lui affligés et en colère à la fois. « Malheureuse que je suis ! fait Hersent, je vois là mon compère étendu mort. Misère, qui pourra me réconforter ? Ah ! pauvre malheureuse de moi, je suis vraiment née sous une mauvaise étoile ! » Ysengrin dit : « Malheur à moi, comme la vie va être triste après la perte de mon compère qui m'a tant aidé par le passé. Je pouvais compter sur lui en cas de besoin, et maintenant il est mort, je suis effondré. Pauvre de moi ! Qui a donc fait ça ? C'est comme si on me l'avait fait. Aidez-moi mon Dieu, car si je le savais, je me vengerai furieusement sur lui. Si je pouvais le tenir entre mes mains, j'aurais vite fait de le tuer, j'en fais le serment devant Dieu, car je n'accepterai rien en échange. Mais à quoi bon ? Tout cela ne sert à rien. Mon compère est mal tombé, je suis furieux. Ah ! misère, que faisait-il donc par là ? Et pour quelle raison était-il parti de chez moi ? Ah ! quel grand malheur de s'être fait piéger ainsi. Mais je le vois là bel et bien mort, ça devait être son heure. » | 22048 22052 22056 22060 22064 22068 22072 22076 22080 22084 22088 22092 22096 22100 22104 22108 22112 22116 22120 | Droïn a Damedieu conmande, A icest mot s'en est tornez. Droïn qui ne fu pas irez, Remest, s'est venu a Renart Corant, que mout li estoit tart Que il eüst dist son plaisir, Que mout en avoit grant desir. Les sauz menuz vers lui s'en vient, Demande li con se contient : « Conment vos est, sire Renart ? Ci endroit vaut petit vostre art, Or estes vos trop malbailliz. Vostre peliçon est failliz, Pieces i faut et paletiax ; Mout sont desirrees vos piax. Se li tens .I. petit se tient, Autre peliçon vos covient, Ou vos morroiz de froit sanz dote Se Hermeline ne vos boute Entre sa chemise et sa char. Or nel tenez mie a eschar, Se ce vos ai amenteü. » Renart n'a nul mot respondu ; Si l'ot il bien, mes n'a pooir De nul de ses membres movoir. Quant Droïn l'ot assez gabé Tant con li plot et vint a gré, De lui se part et si s'en vet Et durement grant joie fet De Renart dont il s'est vengiez. Renart remest toz detranchiez Des denz au chien en tel maniere Que il n'alast avant n'ariere, Qui li deüst couper les piez. Illec remest toz corouciez Con cil qui ne se pot movoir D'ileques pour nul estovoir, Que de noient son cuer ne sent. A tant es vos dame Hersent Sa conmere qui tant l'amot, En son cuer amis le clamot, Et Ysengrin aveques lui. Quant il orent Renart choisi Et l'ont veü si atorné, Adonc en son a lui alé Mout corouciez et mout dolent. « Lasse chaitive ! fet Hersent, Je voi ci mon compere mort. Dolente, ou prandré ge confort ? Ha ! chaitive maleüree, Con je fui de forte heure nee ! » Dist Ysengrin : « Dolent chaitis, Mout me poise que je sui vis, Quant je mon compere ai perdu Qui m'avoit tant secoreü ; Au grant besoing me portoit foi Et or est mort, ce poise moi. Las chaitif ! Qui a or ce fet ? Durement s'est vers moi mesfet. Si m'aït Diex, se jel savoie, Mout durement l'en vengeroie. Se le pouoie as poins tenir, Mout tost le covendroit fenir, Si me face Diex vrai pardon, Que ja n'en aroit raençon. Mes que vaut ce ? Ce est du mains. Mout a esté en males mains Mes comperes, dont sui iriez. Ha ! las, dont est il repairiez ? Por coi et par quel achoison Se departi de ma maison ? Haï ! con grant maleürré En male prison a esté. Mes bien voi sa mort i gesoit, En avant aler ne pouoit. » |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire