comment vous compter guérir mes enfants. — Drouin, répond-il, par saint Omer, tu dois les faire baptiser, et aussitôt qu'ils auront reçu le baptême, la maladie ne les fera plus jamais tomber. » Drouin dit : « Fort bien, mais où vais-je trouver un prêtre ? — Un prêtre ? dit Renart, mais voyons, je suis prêtre moi-même. » Drouin répond : « Par l'âme de mon père, je l'avais oublié, mon cher frère. Alors, je vous demande, je vous supplie même de les baptiser. — Bien volontiers, que Dieu me guide, l’aîné s'appellera Léonard, et nous verrons ensuite pour les autres. » Drouin ajoute : « Très bien. » Drouin entre alors dans son nid, prend son fils aîné, et lui jette sans hésitation. Renart tend son giron, le réceptionne sans difficulté, et l'emprisonne à sa façon. Drouin les jette un par un, et Renart se charge de les baptiser. Drouin ajoute : « Baptisez-les bien. — Ne vous inquiétez pas, aucun mal ne les fera plus jamais tomber. » Drouin regarde alors vers le bas, mais ne voit plus ses petits, il se rend compte qu'il a été trahi. « Renart, fait-il, où sont mes enfants ? je crois que vous les avez tués. — Mais non, ils sont là en bas. — Ah ! sale traître, fait Drouin, tu les as mangés. — Pas du tout, répond Renart, sachez-le. — Si ! vous l'avez fait, dit Drouin, c'est sûr, voilà comment vous me récompensez après tout ce que j'ai fait pour vous. — Tu es fou, ils se sont envolés. — Envolés ? c'est faux ! — Mais si, je te le jure. — Mentirais-tu contre ta foi ? — Ma foi, oui, si je veux. — Que la maudite goutte te crève l'œil, répond Drouin. — À toi aussi. — Je t'amocherai bien le visage si je te tenais, crois-moi. — Tu le ferais ? Alors viens donc me frapper. — Non, je ne le ferai pas, je ne peux pas. — Vraiment ? Tu te caches, pourtant je ne mords pas. — Dis-moi plutôt, sale traître, ce que tu as fait de mes oisillons. — Je vais te dire ce que j'en ai fait : je les ai mangés en mon âme et conscience. — Mangés ! Malheureux ! — C'est la vérité, je le jure, tu ne les reverras plus jamais, et par tous les saints du monde, ils ne tomberont plus jamais à cause de ce mal, et quoi qu'il advienne, j'aimerais bien te tenir aussi. » À ces mots, Renart s'en retourne car il n'a plus rien à faire ici. Drouin commence alors son deuil, il s'en veut énormément et se dit à lui-même : « Malheureux, misérable que je suis, mes enfants, je vous ai donné la mort, et je m'en repens. Vous avez été tués à cause de moi, personne d'autre que moi n'est responsable. Je vous ai tous livrés à la mort, tous les torts sont sur moi, / Là-dessus, il se laisse tomber à terre, où il s'évanouit. Puis, il s'en prend à lui-même, se traite de misérable et de fou, et se donne de grands coups de bec. Il se frappe si durement qu'il ne reste plus beaucoup de plumes qui ne soient pas arrachées. Il souffre un vrai martyr. Après s'être longtemps frappé et débattu avec lui-même, après s'être traité de tous les noms, il envisage de mettre fin à ses jours pour abréger la douleur qui le ronge, car il ne peut plus le supporter. Puis, il repense à Renart, la cause de son malheur, et réfléchit comment se venger de lui, car ça lui ferait beaucoup de bien. Voilà ce qu'il va faire, se dit-il, il va chercher dans tout le pays s'il peut trouver quelqu'un pour le venger de Renart. | 21572 21576 21580 21584 21588 21592 21596 21600 21604 21608 21612 21616 21620 21624 21628 21632 21636 21640 21644 21648 21652 21656 21660 21664 | Conment mes enfanz guarirez. — Droïn, fait il, par saint Osmer, Tu les feras crestïenner. Si tost con baptisié seront, Ja mes de tel mal ne cherront. » Et dist Droïn : « Ce puet bien estre, Mes ou troveroie je prestre ? — Prestre ? dist Renart, par ma foi Ja sui je prestre de la loi. » Dist Droïn : « Par l'ame mon pere Je l'avoie oublié, biau frere. Mes or vos pri ge et requier Que vos les venez bautisier. — Mout volentiers, se Diex me gart, L'ainnez avra non Lienart, Et des autres penseron bien. » Ce dist Droïns : « Vos dites bien. » Es vos Droïn el ni entré, Si avoit pris son filz l'ainné Si li a jeté sanz tençon. Et Renart tendi son giron, Si l'a receü sanz dangier, En son cors le fist prisonnier. .I. et .I. les li a jetez, Renart les a crestïennez. Dist Droïn : « Baptisiez les bien. — Ja ne vos en doutez de rien, Que ja mes chient de mal mal. » Droïn regarde contre val, N'a ses filz veüz ne choisiz ; Si s'aparçut qu'il ert traïz. « Renart, fait il, ou sont mi fil ? Je cuit fait m'en avez essil. — Non ai, ançois sont ça a val. — Haï ! traïtre desloial, Fet Droïn, tu les as mengiez. — Non ai, fet Renart, ce sachiez. — Si avez, fait Droïn, par certes Rendu m'avez males desertes De ce que je servi vos é. — Tu es fox, il s'en sont volé. — Volé ? non sont. — Si sont, par foi. — Mentiroies ent tu ta foi ? — Par ma foi, ouïl, se je voil. — La male goute te criet l'ail, Fet Droïn. — Mes a toi si face. — Je te donroie les la face, Se je te tenoie, je cuit. — Tu me ferras ? Vien moi ferir. — Non feré voir, car je ne puis. — Tu ne puez ? Tes toi, je ne ruis. — Mes or me di, traïtres faus, Que tu as fet de mes oisiaus. — Que j'en ai fet, dirai le toi : Jes ai mengiez en moie foi. — Mengiez, las ! — Voire, par mon chief, Tu n'en vendras ja mes a chief, Et par trestoz les sains del mont Ja mes de cel mal ne cherront, Et que qu'en deüst avenir, Je te vodroie aussi tenir. » A icest mot s'en est tornez Renart, que plus n'est sejornez. Et Droïn son duel en conmence, Tout seul a lui meïsmes tence Et dist : « Las ! dolent, mi enfant, Je vos ai mort, or m'en repent. Receü avez mort par moi, Nus n'i a coupes fors que moi. Trestoz vos ai livrez a mort, Sor moi doit estre tot li tort, Et je ne quier mes vivre plus. » A tant se laisse chaoir jus A la terre trestouz pasmez. Mout durement s'est meheingniez, Si se clainme chaitis et fox, De son bec se donne granz cox ; Si durement se fiert et plume Que sor lui lesse poi de plume Que il ne l'ait toute esrachie ; Mout en a soufert grant hachie. Quant il se fu tant combatuz, A soi meïsmes debatuz, A laidengier et a malmetre, Pense conment porra fin metre A lessier le duel que demainne, Que mout i a soufert grant painne. Tantost a porpenser se prist De Renart qui tant li mesfist, Conment il s'en porra vengier, Qar la venjance aroit mout chier. Lors se porpense qu'il fera ; Trestot le païs cerchera S'il puet trover de nule part Qui le puist vengier de Renart. |
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