et sort du fossé d'un bond. Il se sent léger, il a retrouvé toute sa force. Il se met aussitôt en route et arrive dans la forêt, puis il continue son chemin, confiant et tout guilleret, et arrive sur un coteau où il trouve un cerisier bien chargé de cerises. Il s'approche et se poste dessous. Jamais ce bandit de Renart n'a jamais été aussi content. Il regarde en haut et en bas, puis aperçoit au sommet un moineau qui s'amuse à sauter de branche en branche. Renart l'interpelle : « Drouin, tu as l'air d'être aux anges ! Tu as plus de cerises que tout autre oiseau pour te régaler. — Renart, je vous les laisse toutes, répond Drouin, car je ne sais plus où donner de la tête. Que le diable me débarrasse d'une telle distraction ! » Renart dit : « Comme je ne peux pas les attraper, donnez m'en donc deux pour voir si elles sont bonnes à manger. — Tu n'en as jamais mangé de telles de toute ta vie, répond Drouin. Si tu en as vraiment envie alors je t'en donnerai avec plaisir, même de quoi manger un seau si tu peux. — Mon cher ami, merci beaucoup de ne point me les refuser, fait Renart, une fois que je les aurais eues, je saurai vous récompenser en retour. » Puis, Renart se tait, pas besoin d'en rajouter. Drouin lui jette trois cerises d'un coup, qu'il avale aussitôt sans se faire prier. « Ah ! Drouin, donnez-m'en d'autres, lui dit Renart, car elles sont très bonnes. — Elles te plaisent donc vraiment ? demande Drouin. — Oh oui, je le jure sur ma tête. — Alors tu en auras plein, même si ça déplaît à certains. » Il lui en jette de quoi remplir un sac, et Renart en mange jusqu'à être complètement rassasié. Drouin lui demande : « Tu en veux encore ? — Non, répond-il, j'en ai assez, je n'en veux plus, merci beaucoup, impossible d'en manger une de plus, je vous l'affirme. — Renart, dit Drouin, alors écoutez-moi maintenant que j'ai fait mes preuves en vous donnant tout ce que vous m'avez demandé. Vous qui avez entrepris maintes choses, visité de nombreux endroits en hiver comme en été, voyagé dans beaucoup de pays, vécu maintes aventures dont vous avez beaucoup appris, vous pourriez en tirer bénéfice si vous en avez bien retenu les leçons. Je ne sais pas si tu aimes faire profiter les petites gens de ton savoir, mais enseigne-le-moi car j'en ai grand besoin, je te le demande avec insistance. » Renart répond : « Par saint Nicolas, je ne te donnerai pas de mauvais conseil, car tu as exaucé mes vœux. Dis-moi ce qui te préoccupe, et je saurai bien te conseiller, n'aie aucun doute là-dessus, car si je le peux, je le ferai, fais-moi confiance, je ferai tout ce que tu me demanderas sans délai, si c'est dans mes compétences et si ça ne me porte pas préjudice. Je vous dirai la vérité sans chercher à vous tromper, demande-moi ce que tu veux. » Drouin se pose sur une branche, et lui répond : « Renart, alors écoute-moi, je vais te le dire en quelques mots. J'ai ici avec moi neuf petits moineaux qui, crois-moi, tombent chaque jour à cause de la goutte. — Soit sans crainte, fait Renart, je vais les guérir, ne t'inquiète pas. Comme tu sais, il ne s'est pas passé plus de deux ans sans que j'aie été en Calabre, en Lombardie, en Toscane ou en Arménie. J'ai traversé la mer trois fois pour chercher un remède pour soigner monseigneur l'empereur Noble. J'ai été pour lui à Constantinople, et dans beaucoup d'autres contrées. J'ai traversé la mer d'Angleterre pour le roi deux ou trois fois, j'ai même été en Irlande, et à force de chercher partout, j'ai fini par trouver le remède qui a guéri le roi. Je suis d'ailleurs devenu l'un de ses châtelains. | 21460 21464 21468 21472 21476 21480 21484 21488 21492 21496 21500 21504 21508 21512 21516 21520 21524 21528 21532 21536 21540 21544 21548 21552 21556 21560 21564 21568 | Outre le fossé fist .I. saut, Si se senti fort et legier. Maintenant se mist au frapier Tant qu'en la forest est venuz ; Ne fet pas semblant d'esperduz, Mes mout se vet esjoïssant Tant que trova vers .I. pendant .I. cerisier mout bien chargié. Estes le vos tant aprochié Que il est de desouz venu. Mes onques tel joie ne fu Con Renart fet li desloial, Si bee a mont et puis a val Tant qu'il choisi sor l'arbre en haut Le moisnel qui saut et tressaut De branche en branche si se joe. Et Renart si l'en araisonne : « Droïns, mout as de tes aviax, Plus en as que nus autres oisiax, Qui as cerises te delites. — Renart, jes vos claim toutes quites, Fet Droïns, c'anuiés en sui. Deables enportent tel deduit ! » Fet Renart : « Quant n'en puis avoir, Or m'en donnez .II. por savoir Queles eles sont a mengier. — Ainz ne mengas de tel mengier, Fet Droïns, en toute ta vie. Ne sai se tu en as envie, Mes je t'en donré volentiers, Se mengier en puez .I. setier. — Mout grant merciz, biax douz amis, Que n'estes pas a contredis, Fet Renart, quant je les tendrai, Grant guerredon vos en rendrai. » Renart se taist, si ne dist plus ; Et Droïn li a jeté jus .III. cerises en .I. tenant, Et cil les menja maintenant Mout volentiers et de bon grez. « Ha ! Droïns, donnez m'en assez, Fait soi Renart, car bones sont. — Par l'ame de toi, dont ne sont ? » Fait Droïns. « Oïl, par mon chief. — Tu'n avras, a cui que soit grief, A grant plenté et a foison. » Et lors l'en giete plain giron, Si en menja Renart assez Tant qu'il en fu touz saoulez. Et dist Droïns : « En vels tu mes ? — Nenil, fet il, j'en ai adés ; Je n'en voil plus, vostre merci. N'en puis plus mengier, jel vos di. — Renart, dist Droïns, entendez ! Je vos ai ci bien esprovez, Et tot ce que tu as requis. Vos avez mainte afere enquis ; En plusors leus avez esté. Et en yver et en esté As esté en maintes contrees ; Mainte aventure i as trovees De teles ou as mout apris Dont tu porras monter em pris, Se tu les as bien retenues. Je ne sai se voz genz menues Vodroies point de ton savoir Ensaignier ; fai moi dont savoir, Por ce que j'en ai grant mestier, Por ce te demant et requier. » Dist Renart : « Por saint Nicholas, Ne te mesconseilleré pas, Que tu m'as ma volenté faite. Or puez dire qant que te haite, Et je te conseilleré bien. Ne t'en estuet douter de rien ; Se ge puis, conseil i metrai, Que par la foi que je te doi, Ja riens ne savras demander Que ne face sanz demorer, Se tu diz chose que je sache Que je n'i doie avoir donmage. Tout maintenant sanz decevoir Vos en voudré dire le voir ; Mes di moi qant que il te siet. » Droïns qui sor l'arbre se siet, Li respont : « Renart, or entent Ce que je te dirai briément. J'ai ci illeques delez moi .IX. moisniax, foi que je te doi, Qui chascun jor chient de goute. — Or n'en soiez de rien en doute, Fait Renart, que bien les garrai, Or n'en soiez pas en esmai. Tu sez bien qu'il n'a pas passé Plus de .II. anz que j'ai esté En Calabre et en Lombardie, En Toscane et en Hermenie ; J'ai .III. foiz passee la mer Por mechine querre et trover Mon seignor l'empereor Noble. Por lui fui en Costentinoble, Si ai esté en mainte terre ; J'ai passé la mer d'Engleterre Por le roi .II. foiz, voire .III.. Je fui en la terre as Irois, Tant alai cerchant la contree Que j'oi la mecine trouvee Dont li rois fu gariz et sains ; De son païs sui chastelains. |
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