quant à Renart, il reste, non-mécontent de la façon dont il a fait payer ceux qu'on lui a envoyés avec une missive du roi, mais, qu'il le veuille ou non, il devra s'en justifier. Le lendemain matin, avant de quitter son enceinte, il rassemble tous les siens, et leur commande de bien garder le château, d'empêcher quiconque d'y faire des dégâts, de ne laisser personne y mettre les pieds pour les espionner, car ce serait dangereux. « Seigneur, lui répond le sénéchal, n'ayez aucune crainte, nous ne laisserons entrer ni homme ni femme sous aucun prétexte. » Une fois la porte refermée, ils remontent sur la tour, tandis que Renart part sans plus attendre au galop à travers la lande. Il supplie Dieu ardemment de lui donner, par pitié, quelque chose pour aider le roi à retrouver la santé. Tout le long du chemin, Renart implore Dieu et saint Martin de lui envoyer de quoi guérir seigneur Noble, car il en a grand-besoin. Malgré ça, il voyage toute la journée sans rien trouver qui puisse faire l'affaire. Il finit par entrer dans un pré, la faim au ventre après avoir tant erré, il est complètement découragé par la journée qu'il vient de passer. Quand il voit que la nuit approche, il s'installe dans le pré plutôt que de continuer. Puis, la nuit tombe sur la prairie, et il dort jusqu'aux lueurs de l'aube. Il se lève à la pointe du jour, toujours aussi embêté, croyez-le bien, de n'avoir pu trouver quelque chose à apporter au roi pour le guérir. Il prie à maintes reprises au cours de la journée. Après avoir marché toute la matinée, il approche d'un jardin où il voit des herbes de toutes sortes, aussi appréciées que renommées, car elles sont bonnes pour guérir tous les maux. Il tourne de ce côté-là, abandonne son cheval dans le champ en aval, et entre dans le verger. Il retourne aussitôt attacher son cheval à un arbre par la bride, et le laisse manger de l'herbe et du foin. Ensuite, Renart se met en quête dans le verger, et arrache des herbes qui se trouvent là en grand nombre. Il sait bien reconnaître les bonnes, mieux que je ne saurais dire, et en récolte l'équivalent d'un bon sceau. Après les avoir arrachées, il les rince dans l'eau qui court à travers le verger et la cour. Il les nettoie bien, les broie entre deux tuilettes, et remplit complètement le barillet qu'il avait emmené avec lui. Puis, il s'en retourne, attache son barillet bien solidement à son arçon, et enfourche son cheval sans plus attendre. Il s'éloigne du verger, tout content de lui. Renart se met au galop tel un noble baron. Il entre dans une lande sans demander son chemin, car il les connaît tous, il ne redoute rien. Il passe de la lande à la forêt, son terrain favori, et trouve sous un pin un pèlerin en train de dormir. Il est allongé là, avec une belle aumônière attachée à sa ceinture. Renart descend aussitôt de son cheval bien harnaché, au beau milieu du chemin, et détache l'aumônière sans que l'autre ne s'en aperçoive. Après l'avoir subtilisé, Renart l'ouvre, et trouve à l'intérieur une herbe bonne pour soigner les dents, et suffisamment d'autres pour guérir le roi. Il y trouve aussi de l’ellébore, que beaucoup utilisent, car elle est bonne pour revigorer et faire tomber la fièvre. Renart repère, sous la tête du pèlerin, son esclavine qui lui plaît beaucoup, alors, il la prend sans autre forme de procès, et l'enfile aussitôt. Il retourne vers son cheval, le monte, part à l'amble, et traverse la forêt à grande allure. Après avoir bien galopé, il finit par arriver à la cour. | 20132 20136 20140 20144 20148 20152 20156 20160 20164 20168 20172 20176 20180 20184 20188 20192 20196 20200 20204 20208 20212 20216 20220 20224 20228 20232 20236 20240 20244 | Renart remest qui fu sanz ire De ce qu'il a si bien paiez Ceus qui li furent envoiez De par le roi a tout les briés, Mes qui soit bel ne qui soit griés, Il s'en escondira, s'il puet. A l'endemain par matin muet De sa cort, mes ançois il mande Sa mesniee, si lor conmande Qu'il gardent son chastel tres bien Que nus n'i mesface de rien. N'i lessent hons metre le pié Que il ne soient espïé D'aucun honme, ce seroit max. « Sire, ce dist li seneschaus, De ce ne vos estuet douter, Que ja home ne fame entrer N'i lesseront por nule chose. » Maintenant ont la porte close, Si s'en monterent en la tor, Et Renart s'en va sanz demor Par mi la lande esperonnant. Durement va Dieu reclamant Que il li dont par sa pité Chose dont li rois ait santé. Renart s'en vet tout son chemin, Mout prie Dieu et saint Martin Que tele chose li envoit De quoi dant Noble guariz soit Que mout en a grant desirrer. Toute jor prent a cheminer, Ne puet nule chose trover Ou il se puist de riens fïer. Tant a erré qu'en .I. pré entre, De l'errer li doloit le ventre, Et d'autre part mout se deshaite De la jornee qu'il a faite. Vit la nuit qui de pres le suit, Es prez descent, avant ne fuit. La nuit jut en la praierie Tant que l'aube fu esclarcie. Quant le jor parut, si se lieve, Et bien sachiez que mout li grieve Quant il ne pot chose trover Qu'avec lui en peüst porter Por donner au roi garison. Le jor en fist mainte oroison. Tant erra Renart cel matin Qu'il s'adreça vers .I. jardin Ou il ot herbes de manieres Qui sont precïeuses et chieres Et bones por touz max saner. Cele part se prent a torner, La resne abandonne au cheval Par mi la costure d'un val, Et est entrez enz el vergier. Son cheval corut atachier A .I. arbre par mi le frain, Illuec prist de l'erbe et du fain, Et Renart conmença a querre Par le vergier et tret de terre Herbes dont il i ot assez. De bonnes en connut assez Que je dire ne vos savroie, Plus en quelt de plainne jaloie. Quant assez en ot esrachies, Si les a .I. petit moillies En une fontaingne qui cort Par le vergier et par la cort, Si les a faites mout tres netes, Puis les bat entre .II. tilletes, Puis en empli .I. barillet C'avec lui ot mout petitet. Tantost s'est arier repairié, Si a son barillet lïé A son arçon mout fierement Et monta que plus n'i atent. Du vergier issi si s'en vet, Mout durement grant joie fet. Renart s'en vet a esperon, Mout ot en lui noble baron. Entrez s'en est en une lande, Voie ne sentier ne demande, Qar il les savoir mout tres bien ; Ne l'en estut douter de rien. De la lande en une forest Entra qui assez miex li plest. En la forest desoz .I. pin Trova dormant .I. pelerin. Cil pelerins qui la gisoit Une riche aumosniere avoit Qui ert lacie en sa corroie. Renart descent en mi la voie Mout tost de la mule afeutree, Si li a l'aumosniere ostee Si c'onques ne s'en aparçut. Renart qui ainssi le deçut L'ovre, si a trové dedenz Une herbe qui est bonne as denz, Et herbes i trouva assez Dont li rois sera respassez. Aliborum i a trouvé Que plusors genz ont esprové Qui est bone por eschaufer Et pour fievre de cors oster. Sachiez que mout plot a Renart L'esclavine de l'autre part Que il avoit desouz son chief. Il la prent a cui que soit grief, Si l'afubla sanz arester Et va sor son cheval monter, Puis si se met en l'ambleüre Par la forest grant aleüre. Tant a a aler entendu Qu'il est a la cort descendu. |
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