dimanche 4 juin 2017

Renart médecin - Le conseil de Belin




Il termine son discours là-dessus.
A


tant sa parole a fenie,
Le roi l'a bien écouté,
il en est chagriné et furieux.
« Chers seigneurs, conseillez-moi donc,
fait-il, je vous demande à tous de me dire
ce que je dois faire de ce démon,
de ce diable, de ce mécréant,
qui m'a trompé tant de fois
avec ses ruses, à m'en faire perdre raison.
J'accepterai bien volontiers tout conseil
pour le lui faire regretter »
Ysengrin, l'un de ses guerriers
qui hait mortellement Renart,
prend la parole avec colère :
« Seigneurs, fait-il, écoutez-moi donc,
et jugeons-le sur cette affaire.
Quiconque a un bon conseil à donner
se doit de le partager
pour venir en aide à son suzerain,
car on n'a jamais humilié de la sorte
un prince sur ses propres terres.
On est en droit de déclarer la guerre à Renart,
et on ne doit lui accorder aucune indulgence
pour le délai qu'il n'a pas respecté,
sans offrir la moindre excuse, ni prévenir.
Il n'a même pas daigné demander
un jour de délai ou un report.
Faites-moi confiance, tout cela n'est que mépris.
Si j'étais juge,
je déciderais que ce dépravé,
ce scélérat, cet arrogant,
soit pendu puis traîné par terre,
pour avoir causé de tels ennuis
par pure ruse et par méchanceté,
à Ronel le messager
alors qu'il représentait le roi.
Il faut qu'il soit bien puni. »
Belin, après avoir entendu de tels propos,
se lève d'un bond.
« Ysengrin, fait-il, taisez-vous maintenant,
car vous en avez trop dit.
Nous savons tous très bien
que vous haïssez Renart si fort
que vous voudriez le voir mort.
Je vous prie donc de ne pas en rajouter,
sinon on vous reprochera votre méchanceté
pour de tels propos et un tel jugement.
Si mon seigneur le roi en prend la décision,
et l'ordonne,
alors qu'on aille le chercher pour le pendre.
Mais, plaise à Dieu en qui je crois,
le roi mérite qu'on lui donne
de meilleurs conseils.
Si seigneur Ronel le mâtin
n'a pas fait ce qu'on lui a demandé,
le roi peut, à mon avis, envoyer quelqu'un d'autre
qui fera mieux que lui.
Mais, que personne n'ose
condamner sans juger,
sous peine d'être sévèrement réprimandé.
Je recommande que l'on envoie
demain matin au plus tard,
un messager qui sache mieux s'exprimer,
et parle le français et le latin. »
Le roi répond sur-le-champ :
« Belin, vous méritez l'estime de tous,
car je sais que vous avez beaucoup de sagesse.
Par la foi que je dois à saint Pierre de Rome,
vous parlez toujours avec justesse,
mais, dites-moi donc
qui pourrait être notre messager,
je suis impatient de l'apprendre,
car je n'en ai pas la moindre idée.
— Sire, Brichemer sera parfait,
il est courtois et valeureux,
et je ne pense pas qu'il y ait
quelqu'un qui s'exprime mieux que lui ici.
Avec votre permission,
il se mettra en route tout de suite.
— Belin, allez donc le chercher,
et dites-lui que je lui demande
de venir me voir immédiatement. »
Brichemer, qui a tout entendu,
se dresse sur ses pattes, et répond :
« Sire, je suis prêt à faire maintenant
tout ce que vous désirez.
Si vous décidez de m'y envoyer,
alors je partirai aussitôt,
et si je le trouve, sachez quoi qu'il arrive,
que je le ramènerai à la cour.
— Brichemer, lui dit le roi,
vous êtes toujours aussi courageux et serviable,
et vous connaissez aussi beaucoup de langues,
ce qui vous rend plus avisé encore.
Allez de ma part
au château de Renart,
et dites-lui sans détour
de venir apprendre les bonnes manières de la cour,
sans chercher ni ruse ni prétexte.
Mais, par la foi que je dois à saint Gilles,
s'il veut me faire envoyer d'autres messagers,
je ferai détruire son château,
et lui-même sera honni.
Apportez-lui cette lettre écrite manuscrite
afin qu'il vous croie. »
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Et li rois l'a mout bien oïe,
Si en fu marriz et iriez.
« Biau seignors, qar me conseilliez,
Fait il, a vos touz conseil quer
Que ferai de cel aversier,
Cel deable, cel mescreü,
Qui tantes foiz m'a deceü
Par son engin et fet marrir.
Conseil de lui fere honnir
Prendroie mout tres volentiers. »
Ysengrin qui fu ses guerriers
Et qui le haoit mortelment
A respondu irieement :
« Seignors, fait il, or vos taisiez ;
Et seur cest afaire jugiez.
Cil qui set bon conseil donner,
Si ne le doit mie celer,
Ainz doit aïdier son seignor,
Qar onques mes honte grenor
Ne fist nus a prince de terre.
Bien est droiz que l'en sorde guerre,
Si n'en doit nus avoir pitié
Du terme qu'il a respitié
Par lui seus sanz contremander.
Onques ne daigna demander
.I. jor de terme ne respit.
Par mon chief ci a grant despit,
Et se je en fusse jugierres,
Je jujasse que li lechierres,
Li ribauz, li desmesurez,
Qu'il fust penduz et traïnez,
Que Rooniax li mesagier
A fet si forment domagier
Par son enging, par son desroi,
Qui estoit mesagier le roi.
On l'en doit mout bien fere honte. »
Belin qui ot oï le conte
Vistement en est sailliz sus.
« Ysengrin, or n'en dites plus,
Fait il, car trop en avez dit.
Nos savon bien sanz contredit
Que vos haez Renart si fort
Que le voudrïez avoir mort.
Or vos pri que n'en parlez mes,
On vos en tendroit a mauvés
De tel dit et de tel conmande.
Se mesires li rois conmande
Et il en son conseille truisse,
Qu'il soit penduz ou qu'en le truisse.
Mes se Diex plest en cui je croi,
Ja tiex conseil n'avra li rois
Que l'en li face se bien non.
Se dant Roonel le gaingnon
N'a fet ce qu'en li conmanda,
.I. autre qui miex le fera
I envoit li rois par mon los.
Ne ja mes n'i ait nus si os
Qui juge sanz conmandement ;
Blasmez en seroit durement.
.I. mesage qui miex parlast
Loe que l'en i envoiast
Sanz plus atargier le matin,
Qui parlast romanz et latin. »
Li rois respont sanz atargier :
« Belin, mout fetes a prisier.
Bien sai qu'en vos a mout sage honme.
Foi que doi saint Pere de Ronme,
Vos vos en alez par le droit.
Mes or me dites orendroit
Qui porroit fere le mesage,
Qar mout m'est tart que je le sache,
Ainz mes n'ai tel talent de rien.
— Sire, Brichemer ira bien,
Et si est cortois et vaillanz,
Et si sai bien que miex parlanz
N'en a pas .I. ceanz, ce croi,
Se il en a de vos l'otroi,
Maintenant le verrez movoir.
— Belin, qar i alez savoir
Et li dites que je li mant
Que a moi viengne maintenant. »
 Brichemer qui tot entendi
Em piez se dresce et respondi :
« Sire rois, je sui em present
Prest de fere vostre talent.
Se vos m'i volez envoier,
Tantost irai sanz delaier,
Et se gel truis, a coi que tort,
Sachiez je l'amenrai a cort.
— Brichemer, ce a dit li rois,
Mout par estes preuz et cortois
Et si savez de mains langages
Dont vos estes assez plus sages.
Vos irez de la moie part
Trestout droit au chastel Renart,
Si li dites sanz delaier
Qu'il viengne aprandre a cortoier
Sanz achoison ne querre guile,
Mes par la foi que doi saint Gile,
Se il m'i fait envoier plus,
Son chastel sera abatuz
Et il meïsmes ert honiz,
Mes mes letres et mes escriz
Porterez que miex vos en croie. »
Comment Renart fut magicien C'est la branche Renart si com il fu mires (29)
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