le roi et ses compagnons arrivent. Le roi descend de son cheval devant la grand-salle, et Ronel tombe aussitôt à ses pieds. « Sire, fait-il, grâce à Dieu, je suis revenu, mais au prix de grandes souffrances. J'ai fait tout ce que vous m'avez demandé, j'ai été là où vous m'avez envoyé, j'ai donné votre lettre à Renart, et je lui ai dit de votre part qu'il se présente à vous aujourd'hui même sans plus attendre. Il m'a répondu aussitôt de manière enjouée qu'il viendrait sans délai. Alors, nous nous sommes mis en route sur-le-champ dans la bonne humeur. Je lui ai demandé de trotter pour accélérer l'allure, mais le traître m'a répondu qu'il ne pouvait pas aller plus vite. En fait, il cherchait à me tromper, et m'a répondu avec complaisance et courtoisie, qu'avancer tranquillement au pas nous épargnerait de la fatigue. J'ai cédé à sa requête, et nous avons continué notre route. Alors que nous marchions, le traître que j'amenais, m'a trompé avec son discours, en me faisant croire qu'un piège, sur le chemin, était en fait la relique de saint Hilaire, et qu'il fallait que je l'embrasse avant de continuer. Je pensais qu'il disait la vérité, et que ça ne pouvait pas me faire de mal, alors j'y suis allé aussitôt afin de vénérer la relique. Mais, j'ai été bien bête, car je me suis retrouvé pendu par le cou, et j'ai bien cru que mes yeux allaient sortir de leurs orbites. Il a trahi ma confiance, ce traître, ce parjure, ce perfide, ce tricheur, ce faux témoin, ce déloyal, ce malhonnête, qui ne cesse d'abuser et de tromper le monde. Il m'a laissé pendu là dans la vigne, en ajoutant de bien la garder sans m'en éloigner. Après m'avoir dit cela, il s'en est retourné, en me laissant seul à mon sort. Deux paysans sont arrivés peu après, chacun avec une massue à la main, et m'ont tellement roué de coups que j'en ai les flancs en compote. Que puis-je dire d'autre sinon vous décrire mes misères ? Chacun m'a battu à son tour jusqu'à m'en briser le crâne. Sire, si ce que je dis n'est pas vrai, alors faites-moi pendre ou noyez-moi, je ne m'y opposerai pas, mais si Renart veut nier les faits, je suis prêt à le combattre et à le vaincre ici même dans cette cour. Sire, il est temps de se venger, car il ne nous cause que des malheurs. Vengez cette humiliation, qui est aussi la vôtre, que Renart m'a fait subir en chemin. » | 19696 19700 19704 19708 19712 19716 19720 19724 19728 19732 19736 19740 19744 19748 19752 19756 19760 19764 | Li rois vint et si compaingnon, Devant la sale descendié, Et cil li est chaü au pié. « Sire, fait il, por Dieu merci, A grant dolor sui venuz ci. Bien fis ce que me conmandastes Et le mesage ou m'envoiastes. Vos letres porté a Renart Et si li dis de vostre part Que devant vos fust hui cest jor, Qu'il n'i avoit plus de sejor. Et il me respondi errant Et si me dist joieusement Que il viendroit sanz delaie. Puis nos meïsmes a la voie Liez et joianz sanz demorer, Et je le semons de troter Por plus tost aler .I. petit, Et li traïtres si me dit Que ne pouoit plus tost aler. Por ce qu'il me voloit lober, Me respondi que belement Alisons et cortoisement Tout souavet et tot le pas Por ce que ne fussons trop las. Je li otroiai son plaisir, Lors conmençames a venir. Endementieres que venoie, Li traïtres que j'amenoie M'abriconna de sa parole Qu'il me fist d'une çooingnole Acroire que c'ert saintuaire Et que la gisoit saint Ylaire, Et si me dist que le baisasse Ançois que je outrepassasse. Je cuidai que voir me deïst Et que nul mal ne me feïst, Cele part ving sanz demorer Por le saintuaire aourer. Au derreain me ting por fol, Qar g'i fui penduz par le col Si que a poi li oil du front Ne me volerent contre mont. Ce me fist en ma compaingnie Li traïtres, le foimentie, Li traïtres et li tricherres, Li faux, desloiax et li lerres, Qui le monde abete et engingne, Pendant me lessa en la vingne Et dist que la vingne gardasse Et de la ne me remuasse. Quant il ot ce dit, si s'en torne, Si me lessa pensis et morne. Tantost me vindrent dui vilain, Chascun sa maçue en sa main Qui tant me donerent de coux Que touz les costez en ai moux. Que vos iroie je disant, Ne mon domage devisant ? Chascun me bati sa foiaie Tant que la teste ai peçoiaie. Rois, s'i n'est si con vos ai dit, Je vos otroi sanz contredit Que me faciez pendre ou noier, Et se Renart le velt noier, Pres sui que vers lui me combate Et que en nostre cort le mate. Rois, or en prenez la venjance, Que mout a ci grant mescheance. Vengiez vostre honte et la moie Que Renart m'a fait en la voie. » |
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