vendredi 26 mai 2017

Renart médecin - Noble demande conseil




Pendant ce temps, le roi se divertit
L


i rois s'estoit alez esbatre,
avec quatre de ses barons :
Brichemer le cerf, Ysengrin,
Grimbert le blaireau, et Belin.
Ces quatre-là sont bien vus du roi,
car il n'y a aucune mésentente entre eux,
ils ont prouvé leur loyauté depuis longtemps,
ils sont bons chrétiens
tous les quatre, et ont une excellente réputation.
Ils prennent du bon temps
avec seigneur Noble le lion,
sans se soucier de quoi que ce soit,
et s'amusent dans la bonne humeur,
sans se préoccuper qu'on les entende.
Les barons partent ensemble
dans la forêt à toute vitesse,
tous les cinq, sans personne d'autre.
Chacun tient sa lance en position de combat,
en cas d'attaque contre le roi
qui n'est pas apprécié de tous,
et se tiennent en ordre serré.
Le roi s'adresse alors à eux :
« Seigneurs, fait-il, vous êtes ici,
car vous êtes tous valeureux et honnêtes,
et j'ai pour vous une grande affection.
Sachez qu'il y a peu de barons à la cour
en qui j'ai autant confiance,
non, vraiment, croyez-moi, ni aucun
aussi éminent, autant que je sache.
Seigneurs, je vais vous dire
pourquoi j'ai rassemblé mes troupes.
Personne d'autre que moi
n'en connaît la véritable raison,
mais comme vous êtes, à mon avis,
honnêtes et avisés tous les quatre,
je vais vous dire le fond de ma pensée,
car je tiens à agir dans le respect du droit.
Vous voyez bien, par saint Léonard,
que Renart n'a aucune estime pour moi,
et ne lèverait même pas le petit doigt.
Comme vous le savez aussi, il ne veut pas venir
à ma cour pour y être entendu,
au contraire, il fait tout pour m'éviter
en trompant mes messagers un par un,
il ne me cause que honte et désagrément.
Vous savez que tout cela m'importe beaucoup,
c'est pour cette raison que je vous le dis en privé,
car je ne veux qu'en aucune manière
la chose se sache,
avant qu'on l'apprenne de moi-même.
Il va devoir ravaler son orgueil
sinon j'irai assiéger son château.
C'est pour cela que j'ai rassemblé tout le monde,
afin de l'amener de gré ou de force à la cour.
Je lui ai déjà envoyé des messagers,
au moins cinq ou six, je ne les compte plus,
je l'ai convoqué à maintes reprises,
mais il n'en fait rien
quoi que je lui ordonne,
tout cela m'affecte et m'horripile.
— Sire, sire, dit Ysengrin,
le mâtin doit revenir demain
comme vous lui avez demandé,
et le ramener avec lui.
Mais, s'il n'est pas avec lui,
alors faites-moi confiance
et suivez mon conseil :
détruisez son château,
et jetez-le en prison.
— Seigneur, répond le blaireau,
comment pouvez-vous décider cela ?
Le roi, qui administre tout l'empire,
n'agira pas selon votre conseil.
Croyez-vous vraiment, au nom de Dieu,
que si Renart en avait reçu l'ordre,
il ne viendrait pas promptement
à la cour pour entendre la requête
que le roi veut lui faire ?
Si Ronel revient sans lui,
c'est que Renart n'a pas eu le message,
car je suis sûr que s'il l'avait eu,
il accourrait dès le premier mot
sans jamais demander de délai,
voilà ce que j'en pense. »
Ils terminent leur discussion là-dessus,
et le roi, Grimbert, Ysengrin,
et Belin le mouton,
prennent ensemble le chemin du retour,
silencieusement et
sans s'arrêter
jusqu'à la cour.
Ronel arrive au même moment
au beau milieu de la cour.
Tous se précipitent à sa rencontre,
et lui demandent si Renart a l'intention de venir,
ou quelle raison le retient une fois de plus.
Ronel ne veut pas leur répondre,
et se met à soupirer, puis à pleurer
tellement il a mal au dos et à l'échine.
Il se traîne péniblement à travers la cour,
à cause de sa patte droite blessée.
Ils font tous une moue de mépris,
et s'écrient ensemble :
« Seigneur Ronel, on dirait
que vous revenez de la chasse aux loups.
Renart s'est bien moqué de vous
pour avoir réussi à vous faire marcher de travers.
Il a dû vous tirer dessus en long,
en large, et sur tous les côtés.
— Bonne chance à Renart !
font tous ceux qui voient le chien.
Regardez, on dirait
qu'il vient de se lever,
voilà comment il livre les messages. »


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19692

De ses barons avec lui .IIII.,
Brichemer li cers, Ysengrin,
Grimbert li tesson et Belin.
Cil .IIII. furent bien du roi,
En euls n'avoit point de desroi,
Ainz furent preudonme ancïen,
Mout estoient bon crestïen
Tuit .IIII. et de mout grant renon.
Avec dant Noble le lion
Furent alé esbanoier,
N'avoient cure d'esmoier.
Entr'eus demenerent grant joie,
Il ne lor chalut qui les oie.
Ensemble s'en vont li baron
Par mi la forez de randon,
Il .V. sanz plus, qu'il n'i ot autre.
Chascun tenoit lance sor fautre
Que li rois ne fust envaïs
Qui estoit de plusors hahis,
Por ce erent ainssi serré ;
Et li rois a premier parlé :
« Seignors, fet il, vos qui ci estes,
Qui estes preudon et honestes,
Je vos aim mout en bonne foi.
Sachiez qu'a la cort a mout poi
En qui me fi tant con en vos
Des barons, non, foi que doi vos,
Nus tant soit haus, si con je soil.
Seignors, por ce dire vos voil
Por coi j'ai ma gent assemblee.
Nus n'en set verité provee,
Ne .I. ne autre fors que gie,
Et vos estes preudon et sage
Trestuit .IIII., si con je pens.
Por ce vos diré mon apens
Que je voil aler par esgart.
Bien veez par saint Lienart
Que Renart me prise mout pou,
Por moi ne fait le trou d'un chou.
Bien veez que ne velt venir
Dedenz ma cort por droit tenir,
Ainz se va tot jors defuiant
Et mes mesages conchiant
Dont il me fait anui et honte.
Et vos savez bien que ce monte,
Por ce le vos di a conseil
Qu'en nule maniere ne voil
Que ceste chose soit seüe,
Quant de moi sera conneüe.
Or va il abatre son revel ;
G'irai asegier son chastel,
Por ce ai fet ma gent assembler,
Sel feré a cort amener,
Car mesages ai ja tramis
A lui ne sai ou .V. ou sis.
Par mainte foiz l'ai fet mander,
Mes riens que sache conmander
Ne velt fere por nule riens,
Si en sui iriez et dolens.
 — Sire, sire, dist Ysengrins,
Demain revendra li mastins
Qui i ala par vostre gré,
Et se il ne l'a amené
Et il ne vient aveques soi,
Par cele foi que je vos doi,
Se mon conseil estoit creüz,
Son chastel seroit abatuz,
Et si seroit mis em prison.
— Sire, ce respont li taisson,
Prenez vos sor vos ceste mise ?
Li rois qui l'enpire justice
N'en fera pas a vostre esgart.
Cuidiez vos donc, se Dex vos gart,
Se Renart ot le mandement,
Qu'il ne viengne hastivement
A cort por oïr la demande
Que li rois no sires demande ?
Se Roonel revient sanz lui,
Il n'a pas le mesage oï,
Qar je sai bien que se il l'ot
Il i vendra au premier mot,
Ja n'i avra respit requis,
Tant ai de l'afere apris. »
A tant lessent le sarmoner,
Si s'en pranent a retorner
Trestout souavet le chemin
Li rois, Grimbert et Ysengrin
Et Belins li moutons ensemble.
Ne finerent, si con moi semble,
Si sont a la cort revenu.
Es vos Roonel descendu
Tantost el milieu de la cort.
A l'encontre chascun li cort
Et demandent se Renart vient,
Confaite essoine le detient.
Roonel no lor volt mot dire,
Ançois pleure mout et soupire,
Mout li deult le dos et l'eschine,
Par mi la cort ses rains traïne,
Bleciez fu en la destre poue,
Et chascun li a fet la moue,
Et s'escrierent tuit ensemble :
« Sire Roonel, il nos semble
Que vos avez chacié les lous.
Moquié vos a Renart li rous
Qui venir vos fet de travers.
Tenu vos a devers les ners
Et de lonc et de toutes pars.
— La bone aventure ait Renart !
Font tuit cil qui voient le chien,
Veez con il resemble bien
Home qui lieve de dormir ;
Mout set bien mesage fornir. »
Comment Renart fut magicien C'est la branche Renart si com il fu mires (29)
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