après l'avoir salement amoché, le mâtin, lui, reste sur place. Il a reçu tellement de coups, qu'il a perdu tout envie de rire. Il va devoir trouver un bon médecin s'il veut réchapper de cette volée. Il n'a pas été bien malin pour se faire avoir de la sorte, et se retrouver pris dans un collet. Il a raison d'avoir honte de lui pour avoir laissé Renart le tromper ainsi, et le jeter dans ce traquenard, où il s'est fait rouer de coups, il ne s'en remettra jamais. Ronel se lamente, donc, il s'en prend à lui-même, et n'arrête pas de se blâmer pour s'être fait attraper de la sorte. Que dire d'autre ? Il est vrai que ça s'est mal passé pour lui, et il faut bien reconnaître que le destin lui a joué un sale tour. Il reste étendu là jusqu'au lendemain, puis, se fait violence pour se lever. Il arrive à peine à ouvrir les yeux, mais quand il voit l'aube percer, il se met en route. Il quitte les lieux tant bien que mal, et se dirige vers la cour, sans tarder, il sort de la vigne, puis s'éloigne. Mais, il a failli à sa mission, il n'a pas agi en bon messager du roi, car Renart connaît trop de tours. Que voulez-vous ? Les choses sont ainsi, mais il espère bien se venger un jour. Il dit tout haut avec colère en regardant le piège : « Renart, que Dieu t'anéantisse ! Tu m'as causé de sérieux ennuis, tu m'as trahi, tu m'as fait pendre et vilainement allonger le cou. Mais, je te le ferai payer cher, et tu n'arriveras pas à te défendre, car je vais te faire une guerre sans merci. » Puis, il arrête les menaces, et tire la bride en direction de la cour, tout en continuant de se parler à lui-même, décidant qu'il ne sera satisfait que le jour où il se sera vengé. Ainsi se lamente le mâtin, sur Renart, son maudit compagnon, qui est la cause de tous ses maux. Il s'en va par le fond d'un vallon, en se traînant avec grande difficulté. Il se dirige vers la cour avec toute la peine du monde, et doit souvent s'arrêter pour se reposer. Dorénavant, il aura du mal à se vanter d'être un brave et bon messager. Ils vont tous se moquer de lui à son arrivée à la cour. Ils ne manqueront pas de le harceler s'ils le peuvent, d'ailleurs, ils le feront. Je crois que parmi ceux qui apprécie Renart quelque peu, aucun ne se privera de lui faire remarquer. Ronel marche toute la matinée, et arrive à la cour du roi peu avant midi. Mais, il est rudement fatigué, surtout à cause des coups, et de la branlée qu'il a reçue dans les vignes, il ne lui reste plus un os à casser. Il parvient à peine à se soutenir, il est dans un tel état de détresse, qu'il est tombé une bonne quinzaine de fois en chemin, il est complètement abattu. Malgré tout, cahin-caha, Ronel finit par arriver à la cour. | 19504 19508 19512 19516 19520 19524 19528 19532 19536 19540 19544 19548 19552 19556 19560 19564 19568 19572 19576 19580 | Quant il l'orent si atorné, Et li mastin illec remaint Qui des cox ot receüz maint, Ne cuit qu'il ait talent de rire. Or li estuet avoir bon mire, Se de la bateüre eschape. Illeques sot mout poi de frape, Quant il ainssi fu pris au laz Par tel enging, par tel baraz. Mout se tint por vil si a droit Pour Renart qui si l'a destroit Et qui en tel prison l'empaint Ou il fu bouté et enpaint, Dont ja mes ne sera loiax. Einssi se complaint Rooniax, Tot seus a soi meïsme tence. Sovent a blasmer se conmence, Quant il fu pris en tel mesure. Que vos diroie ? C'est la pure, Malement est sa chose alee. Ja est ce verité prouvee, Hasart geta ariere main. Illuec jut jusqu'a l'endemain. Lors s'est levez et se demaine, Les eulz ovri a quelque peinne, Et quant il vit l'aube crever, Si conmença a cheminer. Au miex que puet d'ilec s'en torne, A la cort va, plus ne sejorne, De la vingne ist et s'en esloingne, Mes n'a pas bien fet la besoigne Ne le mesage le roi fait, Car trop savoit Renart de plait. Que voulez vos ? Ainsi est ore, Vengier se cuide bien encore. Irieement a soi parole Et regarde la çooingnole. « Renart, fait il, Diex te destruie ! Chose m'as fait qui mout m'anuie, Par traïson m'as or fet pendre Et laidement le col estendre. Mes encor le te cuit chier vendre, Ja si ne t'i savras desfendre, Por guerre vers toi porchacier. » A tant lesse le menacier Et vers la cort torne sa resne. A soi meïsmes se desraisne Et dist que ja mes n'ert haitiez Jusque a l'eure qu'il soit vengiez. Einsi se complaint le gaingnon De Renart, son bon compaingnon, Qui tant li a fait traire mal. Tout maintenant le fonz d'un val Se vet traïnant a grant painne, D'aler a cort forment se painne, Mes sovent l'estut reposer. Malement s'estut aloser Qu'il soit bon mesage ne prouz. Il en sera gabez de touz A la cort quant il i vendra. Dahez ait qu'il ne l'assaudra, Se il puent, si feront il. Je ne cuit pas qu'il i ait cil Qui aint Renart de nule rien, Qui ne li die mal ou bien. Tant ala Rooniax le jor Qu'il vint a la cort son seignor Ançois que midis fust passez, Mes mout fu durement lassez Que des cox, que du brandeler Qu'il ot pris as vignes garder, Qu'il n'i remest os a brisier. Tant qu'a paines se pot aidier Ne soutenir, tant fu destroiz Qu'il chaï bien .XIIII. foiz En la voie que il ot faite, Dont mout durement se deshaite. Toutevoies conment qu'il tort, Est Roonel venuz a cort. |
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