après s'être bien débarrassé de l'autre qui reste dans la vigne. Renart s'en va comme un fuyard vers son château, en piquant de l'éperon. Il aperçoit d'abord son rocher au loin, puis arrive, et descend au pied du pont-levis. Il exhorte les ouvriers, en train de faire des mantelets, à travailler encore plus vite, pour consolider les portes, et réparer les fossés, car il sait bien qu'il est fichu si le roi arrive maintenant avec son armée. Mais, il n'a pas peur qu'il lui fasse la guerre, au contraire, il lui donnera du fil à retordre. Tel un forcené, il s'emploie à faire des fossés et des tranchées tout autour, à cinq portées d'arc. Il fait creuser un fossé profond, qui, rempli d'eau, ne peut être franchi sans s'y noyer, puis un pont-levis par-dessus, et devant, une palissade. Sur la tour, on installe des balistes pour jeter des blocs de pierre, quiconque s'en prendrait une, n'en sortirait vivant. On fait des meurtrières et des créneaux, d'où on tirera les carreaux pour endommager l'armée du roi. Renart se prépare en toute hâte pour se défendre contre le roi. Sur chaque tour, il place une sentinelle pour faire le guet, ce qui sera bien utile. Renart se prépare très sérieusement, le tout est complètement entouré d'eau, la palissade est bien solide, à l'extérieur des murs d'enceinte, il fait installer des barbacanes pour renforcer les défenses de son château. Puis, il recrute des mercenaires à travers la région, des fantassins et des cavaliers, pour faire la guerre avec lui. Il en arrive tellement qu'un vallon tout entier en est couvert, à la grande joie de Renart, qui les poste aussitôt aux barbacanes pour assurer la défense. Personne ne sait vraiment ce qu'il a en tête, mais Renart s'est bien débrouillé pour se faire aider par ses amis, car il est persuadé qu'il ne peut éviter de se faire assiéger dans sa tour. Il le craint, il en a grand-peur, mais sachez qu'il se défendra, et si quelqu'un vient l'attaquer, il ne repartira pas sans devoir se battre. Mais, laissons là Renart, et parlons plutôt du cas de Ronel, qui est toujours pendu au collet. Ça va très mal pour lui, il n'arrête pas de grogner ou de brailler, rien ne pourrait améliorer son sort, même si on lui donnait un esterlin. Celui qui l'a fait attraper est vraiment une sale bête. Il n'arrête pas de se débattre pour s'échapper, mais ça ne sert à rien du tout, car il est solidement retenu par le lacet qui lui serre le cou. Il est très en colère, il s'agite et aboie. Le vigneron, qui a la garde des vignes, l'entend, il arrive sans tarder, voit qu'il est pendu, il le regarde étonné. Avec son compagnon, il se rapproche rapidement du mâtin, avec la ferme intention de lui faire du mal. Ronel ne sait plus quoi faire, quand il les voit arriver sur lui. Son sang se glace, il se dit qu'il va passer un sale moment, car il sait bien qu'ils vont l'attaquer. Les paysans lui bondissent dessus, lui par-derrière, l'autre-devant, l'un le frappe, l'autre le martèle. Le mâtin braille salement, redoutant de mourir, ou de devoir y laisser un bras ou une jambe. Il est salement amoché, à mon avis, il n'y prend aucun plaisir, et n'apprécie pas du tout ce divertissement. Ils redoublent leurs coups, car il ne vaut pas cher à leurs yeux, et lui tombent dessus pour l'esquinter encore plus. Sachez qu'ils vont lui faire vraiment mal. L'un lève une massue, et l'autre lui dit : « Frappe-le, tue-le ! honte à toi s'il en réchappe. » L'autre n'est pas un empoté, au contraire, il le frappe en travers des reins avec une grosse massue, des deux mains, comme s'il rassemblait un tas de paille. Ronel est en bien mauvaise compagnie, alors qu'il ne l'avait pas cherchée. Il le tire et le secoue dans tous les sens en lui frappant le dos, si bien que le collet, qui le retenait pendu par le cou, finit par se briser. Ils l'ont tellement battu, qu'il est devenu tout mou, il s'affale par terre, pattes écartées, dents serrées, à côté du fossé, et se met à geindre et à pleurer. Alors qu'il essaye de se relever, les deux autres se jettent sur lui pour lui battre les flancs avec une grosse massue bien lourde, puis l'abandonnent, gisant là comme mort. | 19384 19388 19392 19396 19400 19404 19408 19412 19416 19420 19424 19428 19432 19436 19440 19444 19448 19452 19456 19460 19464 19468 19472 19476 19480 19484 19488 19492 19496 19500 | Renart, cil remest en la vingne, Mout par s'en est bien delivrez. Renart est en fuie tornez, Vers son chastel point tant et broche Que il en a veü la roche, Venuz est et descent au pont. Les ovriers qui les vingnes font Amoneste de tost ovrer Et des portes bien afremer Et de reparer ses fossez, Car bien set qu'il est confessez Se li rois vient sor lui a ost. Il n'a pas peor qu'il l'en ost, Ançois en seroit mout penez. Mout s'esforce li forcenez De fere fossez et trenchees, Tot entor lui a .V. archees, Fet .I. fossé d'eve parfont, Riens n'i puet entrer qui n'afont. Desor fu li ponz torneïz, Et par devant le rouleïz. Desor la tor son les perrieres Qui jeteront pierres plenieres. N'est nus hons qui en fust feruz, Que a sa fin ne fust venuz. Les archierres sont as carniax Par ou on trera les qarriax A domagier la gent le roi. Mout est Renart de grant desroi Qui si contre le roi s'afaite, Sor chascune tor une gaite A mise por eschauguetier, Qar il en avoit grant mestier. Mout fu bien d'eve avironné, Einssi s'est Renart afaitiez. Hordeïs ot et bon et bel, Par defors les murs du chastel Ses barbacanes fist drecier Por son chastel miex enforcier, Sodoiers mande par la terre Qu'il viengnent a lui por conquerre, Serjanz a pié et a cheval, Tant en i vint que tout .I. val En ot covert ; grant joie en ost Renart et maintenant les mist Es barbacanes por desfendre, Nus ne puet savoir ce qu'il pense. Mont s'est Renart bien entremis D'aïde faire a ses amis, Que bien cuide sanz nul retor Que assis soit dedenz sa tor. Grant crieme et grant peor en a, Mes sachiez qu'il se desfendra, Se il i vient nus qui l'asaille, Ne s'en partira sanz bataille. De lui me terai ore ci, Mes de Roonel qui pendi Dirai coment est sovenu. Malement li est avenu, Mout durement graint et baaille, Ne chanjast pas une maaille Qui li donnast .I. esterlin. Mout ot en celui mau voisin Qui illuec le fist atraper. Mout se debat por eschaper, Mes ne li vaut .I. ameçon, Qar mout tint bien par le laçon Qui l'a entor le col lacié, Le cuer en a mout couroucié, Illuec se debat et abaie. Et le vingneron sanz delaie Vint qui des vingnes estoit garde, Celui vit pendu, si l'esgarde. Entre lui et son compaingnon Viennent poingnant vers le gainnon, Bien entalentez de mal fere. Lors ne sot Roonel que fere Quant il les vit vers lui venir, Tout le sanc li prist a fremir, Que bien cuide estre malbailliz, Bien set qu'il sera asailliz. Li vilain saillent maintenant, Li .I. derier, l'autre devant, Li .I. le fiert, l'autre le maille. Le mastin durement baaille, Mout crient que morir ne l'estuisse, Ou qu'il n'i ait ou braz ou cuisse, Durement en est en malaise. Je ne cuit mie qu'il li plaise, Que tel deduit n'amoit il pas. Et cil viennent plus que le pas Qui tant ne quant ne l'orent chier, Maintenant por lui donmagier Saillirent avant ambedui. Sachiez ja li feront anui ; Li .I. lieve une maçue Et dist li autre : « Fier et tue ! S'il t'eschape, tu es honniz. » Et cil ne fu pas esbahiz, Ainz l'a feru par mi les rains D'une grant maçue a .II. mains, Mout li aunent bien ses buriaux. A mal parenz est Rooniaux Dont il n'avoit nul covoitié. Tant l'ont tiré et desachié Et tant li ont le dos batu Que il li ont le laz rompu A quoi il pendi par le col. Tant l'ont batu, tot l'ont fet mol. Maintenant chaï a la terre, Les piez estent et les dens serre, Lez .I. fossé se plaint et pleure, Et cil li corent andui seure La ou il se fu acoutez. Tant li ont batu les costez D'une grant maçue pesant Que por mort le laissent gisant. |
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