et se tirer d'affaire grâce à son baratin. Il connaît tant de tours et tant de ruses, je peux vous l'assurer, que Ronel va se faire attraper et humilier aux yeux de tous. Renart finit par lui faire perdre raison, et l'autre se dirige vers le piège, prenant pour vérité tout ce que Renart lui fait croire. L'appât du piège est du fromage d'automne, et le collet est tendu entre deux piquets fendus. La corde a été mise habilement, de sorte que si Ronel arrive par-derrière ou par-devant, et qu'il approche son museau du fromage, il pourrait bien lui arriver des ennuis. Ronel s'avance, mais prend peur quand il voit la chose. Il préfère faire demi-tour, car il a peur qu'il lui arrive des misères. Il sort de la vigne à reculons, mais Renart, habitué à tromper le monde, l'encourage à revenir vers des reliques. Il lui dit : « Seigneur, vous ne craignez rien, allez-y d'un pas assuré, penchez-vous donc, et embrassez les reliques. » À ces mots, il se baisse et met les genoux à terre pour implorer les reliques. En s'abaissant, il aperçoit alors le fromage qui va lui causer bien des ennuis. Il a très envie de le prendre, car il le trouve jaune et tendre à point. Il y enfonce les dents, sans hésiter, pour le happer, mais, sans prendre garde au piège qui se détend, et à la corde qui descend sur son cou. Le collet l'emporte alors vers le haut. Sachez qu'à son grand désespoir, il a le cou tellement serré qu'il est à deux doigts de se briser. Ronel se met à crier : « Ah ! mon Dieu, fait-il, que faire ? Me voici bien malchanceux pour me retrouver ainsi pendu par le cou, j'ai le visage tout entier qui gonfle. Maudites soient ces reliques pour faire danser de la sorte ceux qui viennent les vénérer ! Je croyais pourtant, c'est la vérité, être à l’abri d'une telle punition. Comme dit le proverbe : quiconque cherche à soulager sa misère, trouve les ennuis et l'humiliation. » Renart répond : « C'est à cause des péchés dont vous êtes souillé, que tous ces désagréments vous arrivent. Les reliques sont fâchées, car vous avez voulu les dérober. Tout le monde l'a vu quand vous vous êtes jeté dessus pour y mettre les dents. Mais, elles vous en ont empêché, vous ne méritez que ce qui vous arrive. Voler n'amène jamais rien de bon, et n'est jamais bien vu. Je me rends compte maintenant que vous avez voulu me tromper, en me laissant croire, comme si c'était la vérité, que seigneur Noble vous a envoyé me chercher, tout ça dans le but de m'éloigner de mes terres. Nous sommes donc partis, pourtant seigneur Noble le lion n'aurait jamais choisi un voleur comme messager, car je sais qu'il est sage et honnête. Les reliques m'ont vengé de vous, c'est leur pouvoir qui vous étrangle maintenant. Quiconque veut du mal à autrui, voit, à juste titre, le malheur lui retomber dessus. Je vais donc m'en aller, et vous laisser ici garder les vignes, ce n'est que justice. » | 19296 19300 19304 19308 19312 19316 19320 19324 19328 19332 19336 19340 19344 19348 19352 19356 19360 19364 19368 19372 19376 19380 | Et soi par parole escuser, Mout set de tors, mout set de guilles, Vanter m'en puis a maintes viles. Roonel sera atrapez Et a grant honte regardez. Tant fet que a force l'afole Et va pres de la ceonnole, Et tient bien la parole a voire Que Renart li a fait acroire. Li morsiax qui fu en l'enging Fu de fromage de gaaing, Et li laz estoit estenduz Par deseur .II. pessons fenduz. Mout estoit bien la corde mise Par tel enging par tel devise Que se Roonel vient avant, Ou par deriere ou par devant, Et il tent le groing au fromage, Bien l'en porra venir domage. Rooniax a passé la voie, Quant voit l'engin, mout s'en esmaie. Reculer velt, car il se doute Que il ne tiegne male route. Reculant s'en va de la vingne, Mes cil qui tout le mont engingne Le reconforte et met en voie Et au saintuaire l'envoie Et dist : « Sire, ne doutez pas, Mes alez belement le pas, Besiez les sains, si vos plessiez. » A cest mot s'est il abessiez, A genoillons se met a terre Por le saintuaire requerre. A l'abessier vit le fromage Dont il ot puis honte et domage. Entalentez fu mout de prandre Por ce qu'il le vit jaune et tendre, Jete les denz, point ne se tarde, Haper le volt, mes ne se garde, Quant la çooignole destent Et desor le col li descent. Et le laz tout a mont l'emporte. Sachiez que mout se desconforte, Que en tel maniere l'estraint Que a poi le col ne li fraint. Rooniax conmença a braire : « Hé Diex, fait il, que porrai faire ? A mal ostel sui descenduz Quant je par le col sui penduz. Trestout m'enfle ja li viaires, Mal dahez ait tel saintuaires Qui en tel guise fet baler Ceus qui le veulent aourer ! Je me cuidoie, c'est la cure, Mout bien garder de tel mesure. Por ce dit l'en en reprovier Que tel cuide son duel vengier Mout bien qui son anui porchace Et sa honte quiert et porchace. » Renart respont : « Por les pechiez Dont vos estïez entechiez, Vos est venuz icist contraires. Corouciez est li saintuaires, Car vos le voliez embler, Bien i parut a l'assembler Quant vos li getastes les denz. Mestre le volïez dedenz, Por ce vos a il retenu, A bon droit vos est avenu. Ja voir d'enbler bien ne vendra, Ne ja a bon chief ne tendra. Or me puis bien apercevoir Que me volïez decevoir, Que entendre me fesïez Et tout por voir me disïez Por mener hors de ceste terre Que dant Nobles m'enveoit querre, Orains quant nos en alions. Mais ainz dant Noble li lions Ne fist de larron son mesage, Tant le sai a preuz et a sage. De vos m'ont vengié li cors saint Et la vertu qui vos destraint. Droiz est qui mau velt a autrui Que li max s'en viegne par lui. Je m'en iré, vos remaindrez ; Gardez les vignes, bien est droiz. » |
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