tous deux se mettent en route à travers des champs en labour. Mais, Renart se gratte la tête, car il est très préoccupé. Tandis que Ronel passe devant, tout en le poussant à trotter, Renart traîne des pieds, et avance tranquillement derrière, en se demandant de quelle manière il va tromper Ronel pour s'en débarrasser. Après avoir bien chevauché, les deux vassaux arrivent au fond d'un val, devant une ferme en pleine campagne. Derrière la ferme, sur la droite, il y a des vignes, si je me rappelle bien, et on est début septembre. Renart se dirige vers les vignes, très irrité à cause de Ronel qui le harcèle. Il aperçoit dans une haie, une corde qui pend, que le paysan, qui a la garde des vignes, a attachée là. Il reconnaît bien ce que c'est, et après examen, il voit l'appât sur la corde. Mais, il ne va surtout pas y mordre, et se dit plutôt qu'il va le faire prendre par son compagnon, qui se fera attraper s'il n'y prend pas garde. Il a déjà trahi maintes fois, et il va le faire une fois de plus, pour le meilleur ou pour le pire. Mais savez-vous comment il va le tromper ? Dès qu'il voit le piège, Renart se met à genoux devant la corde, les bras étendus, en criant grâce au Créateur, et en l'implorant de le protéger des mains du mâtin, seigneur Ronel son compagnon. Ronel le voit faire : « Renart, fait-il, pourquoi tardez-vous alors que vous devez avancer ? Que faites-vous donc à rester là ? Levez-vous donc, et venez, au lieu de faire l'idiot. Soyez raisonnable, à quoi bon chercher un prétexte pour nous retarder et aller à la cour à reculons ? — Malédiction, mon ami, lui répond Renart, vous ne savez donc pas ce que je fais ? Je fais mes prières devant ces précieuses reliques reconnues pour leur pouvoir miraculeux, et vénérées de tous. Vous n'êtes qu'un fou furieux pour ignorer de telles reliques. — Comment ça, Renart, dit Ronel, s'agit-il de nouvelles reliques ? — Oui, cher seigneur, lui dit Renart, et savez-vous ce qu'on en dit ? Je ne crois pas qu'il y ait ailleurs en France, de reliques avec un tel pouvoir, où il arrive de tels miracles, même dans les eaux de saint Remacle. Je vous le dis, c'est la vérité, quiconque, atteint de telle ou telle maladie, qui s'approche des reliques, n'en souffrira plus jamais. Toute bête, qui met sa bouche ou ses yeux, en contact avec les reliques, ne sera plus jamais malade. » | 19220 19224 19228 19232 19236 19240 19244 19248 19252 19256 19260 19264 19268 19272 19276 19280 19284 19288 19292 | Cil qui onques ne s'entramerent, Si se metent par uns arez. Or est Renart mout esgarez, Si va mout ses temples gratant, Et Roonel s'en va devant Qui l'amoneste de troter, Et Renart se prent a froter Et va tout belement derriere, Et se porpense en quel maniere De Roonel se partira Et conment il l'engingnera. Tant chevauchierent li vassal Qu'il sont venuz el fonz d'un val Devant une vile champestre. Par devers la vile a main destre Avoit vignes, que bien m'en membre, Et fu a l'entrer d'un setembre. Vers les vingnes est adreciez Renart qui mout ert corouciez Por Roonel qui si l'esmoie, Garde et vit en une haie Une corgie estendue Que .I. vilain i ot pendue Qui des vignes avoit la garde. Bien la connut et bien l'esgarde Et vit le morsel en la corde, Mes n'a talent que il i morde, Ainz dit que il i fera pendre Son compaignon et entreprendre, Se il mout tres bien ne se gaite. Mainte traïson avra faite, Encor en voil fere a cestui Ou tort a bien ou a anui. Savez conment l'a deceü ? Quant l'enging a aparceü, Devant le laz qui est tenduz S'est mis Renart touz estenduz A genoillons, merci li crie Au criator et si li prie Qu'il le gart des mains au gainnon Dant Roonel son compaingnon. Lors s'est Roonel regardez. « Renart, fait il, por qoi tardez Quant vos devez venir avant ? Por qoi alez vos demorant ? Levez d'ilec, si en venez, Vos n'estes mie bien senez. Rendre vos covendra raison : Por qoi querez vos achoison ? Por qoi alez vos delaiant, Ne de la cort si retraiant ? — En mal eür, ce dist Renart, Compains, ne savez que je faz ? Je faz ci illuec mes prïeres A ces reliques qui sont chierres Et de granz vertuz esprovees, Mout sont ci illuec honorees. Mes vos estes tant fox et gains Que vos n'avez cure des sains. — Conment, Renart, dist Roonel, Est ce saintuaire novel ? — Oïl, ce dist Renart, biau sire, Et savez que je vos puis dire ? Je ne cuit pas qu'en tote France Ait reliques de tel puissance, Ne ou aviengne tel miracle, Neïs as poisons saint Romacle. Si vos di bien de verité Que nul n'a tele enfermeté, Se il aprouche au saintuaire, Que ja mes jor ait puis contraire. N'est nule beste, si la touche Ne a ses eulz ne a sa bouche, Qui ja mes soit envenimé, Puis que il l'avra aprimé. » |
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