en courant, fort affecté. Il dit à sa femme : « Si vous pensez aussi que c'est la meilleure chose à faire, on va devoir tuer nos trois chiens pour que Renart nous laisse en paix. Je lui donnerai aussi Blanchart et les dix poulets, comme je viens de lui dire dans la forêt, où il attend mon retour. Cela nous coûtera toujours moins qu'il nous en coûterait, s'il allait raconter au comte que j'ai pris son gibier dans le bois. Celui-ci me condamnerait aussitôt, et je serais brûlé vif ou pendu, sans pouvoir me défendre, ni avec de l'argent ou quoi que ce soit, nous serions tous persécutés, et mis à mort jusqu'au dernier. » Brunmatin lui répond sans oser le contredire : « Il faut le faire à tout prix. Exaucez tous ses vœux, si vous tenez à votre salut, à vos biens, et à votre vie que vous devez privilégier avant tout le reste. — Ma chère amie, vous avez raison. — Prenez Blanchart et les poulets, et amenez-lui les trois mâtins ! » Liétart se remet aussitôt en route. Il emmène le coq et les poulets, et le valet tient les chiens en laisse. Renart, tout malin qu'il est, se dirige vers la demeure du paysan, car il redoute une embuscade, et une attaque des chiens. Il jure entre ses dents que si jamais il lui causait du tort, il s'en voudrait de ne pas le faire pendre. Il voit venir Liétart avec ses chiens tenus en laisse par le valet. Renart l'appelle à haute voix : « Ne fais pas approcher tes chiens de moi, mais tue-les tous immédiatement. » Liétart tient une grosse massue qu'il a ramassée dans le bois, il attache les mâtins à un chêne, et les assomme avec la massue. Renart le considère comme loyal en voyant les chiens mourir, il n'a plus besoin de fuir, maintenant qu'ils sont bien morts. « Liétart, fait-il, vous êtes très fort pour donner d'aussi bons coups. Je vais donc vous récompenser, je vous pardonne pour ce que vous m'avez fait, et je vous accorde toute mon amitié pour ce très beau cadeau. — Seigneur, fait-il, je vous remercie de me donner votre amitié. Je mets à votre disposition toute la nourriture que j'ai. Cher seigneur, prenez ce que j'ai, jamais plus je n'agirai mal envers vous. » Sans tarder davantage, Renart se saisit de Blanchart, qui craque sous ses dents, sans prendre soin de le plumer ni de le cuire, il le trouve gros et moelleux à souhait. Il charge les dix poulets sur son dos, et recommande le paysan à Dieu. | 18636 18640 18644 18648 18652 18656 18660 18664 18668 18672 18676 18680 18684 18688 18692 18696 18700 18704 | Lietart qui mout fu adoulez. A sa fame dit : « Se voulez Et vos cuidiez que ce soit biens, A tuer covient ces .III. chiens, S'avoir volons pes a Renart. Et si li rendré ja Blanchart, Et les poucins avec touz dis Li rendré orendroit li dis, En la forest est ou m'atent. Il ne nos costera ja tant Conme il nos porroit plus coster, Se au conte l'aloit conter Qu'el bois ai sa venoison prise. Tantost feroit de moi justise Si seraie ars ou penduz, N'en porroie estre desfenduz Por avoir ne por riens qui soit, Que tout essillier nos feroit, Mort serïens et confondu. » Brunmatin li a respondu Qui contredire ne li ose : « A fere l'estuet a grant chose. Du tout fetes sa volenté, Se vos amez vostre santé Et vostre bien et vostre vie. Avoir devez grainnor envie De vostre vie que d'avoir. — Bele suer, vos dites savoir. — Blanchart et les poucins prenez Et les .III. mastins li menez. » Lietart enz el retor s'est mis. Les chiens, le coc et les poucins En mainne li garçon lïez. Et Renart conme vezïez Vers l'ostel au vilain se tret, Que mout redoute son aguet Q'assaillir as chiens ne le face. Entre ses denz fort le menace Que se ja mes vers lui mesprent, Mout sera irez s'il ne pent. Lietart et les chiens voit venir Qu'il faisoit au garçon tenir. Renart li conmence a huchier : « Nes fai pas a moi aprauchier, Les chiens, mes orendroit les tue. » Lietart une pesant maçue Tenoit que el bois ot coillie. Les mastins a un chesne lie, De la maçue les asonme. Or le tient Renart a preudonme, Puis que il vit les chiens morir. Il n'ot talent plus de foïr, Quant les mastins a veü morz. « Lietart, fet il, mout estes fors Qui si bons coux savez ferir. Jel vos voudré mout bien merir. Ce que m'avez fet vos pardon, Toute m'amor vos abandon, Que mout par a biaus present ci. — Sire, fait il, vostre merci, Quant vostre amor m'avez donee, Toute vos soit abandonee Ma norreture que je ai. Prenez, biau sire, quant que j'ai, Que ja vers vos ne mesprandroie. » A tant prent Renart, n'i delaie. De Blanchart fist ses grenons bruire, Onques nel fist plumer ne cuire, Si le trova molet et gros. Les .X. poucins trosse en son dos Et a Dieu le vilain conmande. |
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