quand il entend son âne, et voit Hermeline prostrée et silencieuse, qu'il traîne par terre, Il court aussitôt chercher son épée, rouillée et abîmée, qu'il retire avec peine de son fourreau, persuadé que c'était Renart. L'épée levée, il va droit dessus avec la ferme intention de se venger de lui. Il veut lui trancher la tête d'un coup, mais rate. Hermeline, qui n'est plus fermement attachée, bondit si haut que le coup passe à côté. Elle a eu grand-peur, mais c'est Timer qui reçoit le coup, et sa cuisse est tranchée nette. Liétart l'aura donc lui-même vengée de son ennemi mortel, et sans attendre. Elle repart aussitôt chez elle en traînant la cuisse de l'âne, toute joyeuse. Elle retrouve Renart, interloqué de la voir arriver, il ne peut se retenir de rire à la vue de la cuisse qu'elle traîne derrière elle. « Alors, Renart, n'ai-je donc pas du mérite ? Timer peut toujours se vanter, car je lui ai fait cher payer. Avec sa cuisse que nous avons là, Timer n'est pas prêt à tirer du fumier. Liétart avait l'intention de me tuer, mais j'ai eu vite fait de me remuer, de prendre mon élan et de sauter si haut que je l'ai fait rater. Il n'aura pas eu l'occasion de me saisir. — En voilà une bonne nouvelle, fait Renart, personne n'aurait imaginé ça. Ni oiseaux, ni bêtes ne doivent autant de reconnaissance que toi au Seigneur Dieu, le Très-Haut, pour t'avoir préservée ainsi de la mort. Ce sale traître de Liétart s'imagine être quitte envers moi après ça, mais il ne perd rien pour attendre. J'ai l'intention de l'attendre le temps qu'il faut pour le rendre plus en colère qu'il ne l'a jamais été. — Gros trouillard, qu'attends-tu donc pour le faire ? J'ai bien peur que tu manques de courage. — Crois-tu vraiment que c'est le moment d'aller l'attaquer dans sa maison ? J'aurais vite fait d'être rattrapé dans ma course par ses trois mâtins, s'il me les lançait après, car ce ne sont pas de bons camarades de jeu ! Je vais devoir attendre encore un peu, qu'il se retrouve seul dans le bois, sans ses chiens pour l'aider. Je m'attaquerai à lui en lui proférant de telles menaces qu'il ne voudra plus jamais nous causer des ennuis. — Renart, fait-elle, je le souhaite, mais ne te fie jamais à ce paysan quoi qu'il te promette ou te jure, quoi qu'il te garantisse au nom de Dieu ou par serment, car ce paysan est de la pire race. » Là-dessus, ils arrête leur conversation. | 18448 18452 18456 18460 18464 18468 18472 18476 18480 18484 18488 18492 18496 18500 18504 18508 18512 | Lietart, quant il son asne oï, Si a Hermeline veüe Qui mout estoit et mate et mue, Et venoit traïnant par terre. Maintenant cort s'espee querre Q'ert esroilliee et frotee. A paine l'a du fuerre ostee, Que il cuide que Renart soit. S'espee trete va tot droit, Bien se cuide de lui vengier. A .I. coup li cuida tranchier La teste, mes il a failli. Hermeline si haut sailli Qui n'ert mie trop anrestee, Que le coup ne l'a adesee Dont ele a grant peor eüe. Mes la colee a receüe Tymer qui la cuisse a tranchie. Lietart meïsmes l'a venchie Tost de son anemi mortel. Traïnant s'en va a l'ostel La cuisse et grant joie fesant, Renart trova mu et taisant. Quant il l'a veüe venir, De rire ne se pot tenir, Quant la cuisse vit traïnant. « Renart, dont ne sui je vaillant ? Or se puet bien Tymer vanter Que chier li ai fait comparer. La cuisse en avon de ça, Ja mes Tymer fiens ne menra. Bien me cuida Lietart tuer, Mes je me soi tost remuer Et trespeter et tressaillir Tant que a moi le fis faillir. Ne m'a baillie ne tenue. — Bele aventure m'est venue, Fet Renart, que nus ne cuidoit. Ne oisel ne beste ne doit, Con tu fez, ne tel guerredon A Damedieu, le tres haus hon, Qui si t'a de mort garantie. Lietart, le pugnés foimentie, De moi cuide estre quite a tant, Mes bien atent qui soratent. Je atendrai mout bien lonc tens Que j'en feré, ce que je pens, Corrouciez plus qu'il ne fu onques. — Mauvez coart, que atens donques ? Je dout mout que cuer ne te faille. — Et cuides tu donc que je l'aille Dedenz sa meson asaillir ? Tost porroie au cor faillir, S'il me huioit ses .III. gainnons ; J'aroie en eus max compaingnons. Mes encor .I. poi souferrai Que el bois seul le troverrai Ou n'avra ja de chiens aïe. Lors li feré une envaïe Par parole et par menace, Que ja mes n'ert tiex que il face Chose qui anuier nos doie. — Renart, fet ele, jel voudroie. Mes ja el vilain ne te fie Por ce s'il te jure et afie, Ne por nul asseürement Par sa foi ne par serement. Trop est vilain de male escole. » A tant lessierent la parole. |
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