comme tous ceux que je vois ici. Si je ne redoutais que toi, foi que je dois à dame Hersent, il en irait tout autrement. Je vais faire apparaître ta trahison au grand jour comme tu vas le voir. — Par ma tête, seigneur Ysengrin, veuillez changer de ton. Avant de vous échapper d'ici, je crois que vous allez nous laisser en gage cette tête poilue que vous portez là. — Renart, cela me serait fort dommageable si je devais y laisser les poils de la tête, je n'oserais plus parler à Hersent, car je vous assure qu'elle me prendrait pour un repris de justice. — Seigneur Ysengrin, votre honte m'importe peu, corbleu ! Même si on vous écorchait des oreilles aux pieds, ça ne serait pas assez pour me venger, tellement vous m'avez causé de peine et de souffrance. Je ne connais aucune bête, excepté Brun l'ours, que je haïsse autant que vous, et je vous souhaite la pire des morts. — Eh là, Renart, comme vous avez tort. Ai-je donc mal agi envers vous ? je croyais être de vos amis. — Mon ami ! Dieu ! et pourquoi vous ? À cause de vous, j'ai perdu un quart du froment qui me revenait. Mais par ma barbe, j'aurais justice aujourd'hui même quoi qu'il vous en coûte. — Par saint Remacle, plutôt que de fuir, Renart, si vous me causez des ennuis, et si je peux vous attraper ailleurs, je me vengerai si fort sur vous que ceux qui vous aiment en souffriront aussi. — Quelle outrecuidance, Ysengrin, à me menacer ainsi devant le roi et sa cour ! je crois que vous encourez tout autre chose. — Parfaitement, dit le roi, par saint Samson, avant qu'il parte de ma maison, il va payer pour son bavardage. Ce n'est pas la première fois qu'il se vente, et s'en prend à mes amis pour leur faire honte. » À ces mots, le roi saute sur ses pattes, fonce tout furieux sur Ysengrin, puis le tire par les oreilles qui deviennent rouge vif. Il frappe, tire, enfonce et retire, à lui en faire perdre toute couleur. Puis il le prend par le museau, et lui arrache de la tête, la peau avec tous les poils. Il plante le tout autour du con si bien qu'on n'a jamais pu l'ôter depuis malgré tous les moyens utilisés. La glu, la chaux et l'épile-con ne valent pas un clou, et les meilleurs dépilatoires utilisés par les putains, ne valent pas mieux, car ça repousse toujours plus dru après qu'avant. Messieurs, voici comment le con a été arrangé, comme vous venez de m'entendre le raconter, grâce aux conseils de Renart le sage. Il s'est bien vengé des dommages que ses métayers lui ont faits. Il leur a causé de graves ennuis à tous trois, Brichemer, Chantecler et Ysengrin, pour arranger le con. Brichemer y a laissé la nuque, le coq, sa crête, quant à la barbe qui pousse à l'extérieur, elle a été prise en dernier, à ce sauvage d'Ysengrin, qui ainsi dépouillé se retrouve déshonoré à jamais. Le roi regarde son ouvrage qui lui procure un immense plaisir, car il n'y a rien mis d'autre que la raison ne lui ait pas dicté. Après n'avoir rien ajouté, ni omis, je peux maintenant conclure, avant de mettre un terme au conte du con. Personne ne doit en dire autre chose que du bien, car il n'est rien de si doux en ce bas-monde que le con, et ça, on le sait bien. Ainsi, se termine l'histoire de Renart qui a parachevé le con. | 16348 16352 16356 16360 16364 16368 16372 16376 16380 16384 16388 16392 16396 16400 16404 16408 16412 16416 16420 16424 16428 16432 16436 16440 | Et toz ces autres que ci voi. Se ne doutasse autre de toi, Foi que je doi dame Hersent, Il alast ja tout autrement ; Ta traïson ferai paroir, Ce vos leré je bien savoir. — Par ma teste, dant Ysengrin, Vos parlerez d'autre Martin. Ançois que vos nos eschapez, Cele hure que vos portez Nos lairez vos, ce cuit, en gages. — Renart, j'avroie grant donmage, Se ja la hure i lessoie, Mes a Hersent ne parleroie ; Bien cuideroit, je vos plevis, Q'a larrecin fusse repris. — Sire Ysengrin, de vostre honte, Por le cuer bieu, a moi que monte ? Se vos estïez escorchiez Des oreilles desi as piez, Ne seroit mie assez venjance ; Tant m'avez fet duel et pesance. Ne sai beste fors que Brun l'ors Que je tant hee conme vos, Mes vos hé je de fine mort. — Avoi, Renart, vos avez tort. Ai ge dont riens vers vos mespris ? Je cuidoie estre vostre amis. — Mes amis ! Diex ! et vos conment ? Par vos perdi ge mon froment Ou j'avoie la quarte jarbe ; Mes par iceste moie barbe, J'en aroi encore hui tot droit Ou mal vos sache, ou bien vos poit. — Par saint Romacle ou ainz ne fui, Renart, se j'ai par vos anui Et je vos puis tenir ça fors, Je prenderé de vostre cors Tel venjance qui grevera Celui qui miez vos amera. — Mout par estes outrecuidiez, Ysengrin, qui me menaciez Devant le roi enz en sa cort ; Je cuit q'autre bien vos acort. — Non, dist li rois, par saint Sanson, Ainz qu'il parte de ma meson Laira il mout de son jenglois ; Ce n'est pas la premiere fois Qu'il s'est vantez et aatis De fere honte a mes amis. » A cest mot saut li rois en piez, Vers Ysengrin vint touz iriez, Si le sacha par les oreilles Que il les fist toutes vremeilles ; Empaint et sache, tire et boute, La color li fuit tantost toute ; Puis le prent par le tribunel, La hure atout tote la pel Li a de la teste sevree, Et entor le con si plantee Q'ainz puis ne la pot nus oster Por engin qu'en peüst trover. Ne gluz, ne chauz, ne poilecon N'i valent mie .III. bouton ; Melleüre n'autre pelains Que metre i volent ces putains Ne lor vaut riens, quar tot jors croist Plus dru aprés qu'avant n'estoit, Seignors, ainssi fu atorné Le con, con vos dire m'oez, Par le conseil Renart le sage. Bien se venja du grant donmage Que li firent si moitoier ; Mout lor en fist grant encombrier A tout .III., premier Brichemer Et Ysengrin et Chantecler, Renart au restorer le con. Brichemer mist le chaaingnon Et la landie i mist li cos ; La barbe qui croist par defors, Qui i fu mise au derreains, I mist Ysengrin li pharains Qui touz en fu desaornez ; Ja ne sera mes henorez. Li rois esgarde son ovrage, Qui mout plesoit en son corage ; Onques nule chose n'i mist Que par raison n'i covenist. Sanz plus metre, ne riens oster, Ici puis ge bien oposer Et lessier le conte du con. Nus n'en doit dire se bien non, Qu'el monde n'a si douce rien Con est li cons, ce set l'en bien. Ici parfine la raison Conme Renart parfist le con. |
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