que cela dérange ou déplaise, il veut prouver son bon droit sans recourir au mensonge. Noble lui ordonne de parler, il n'y a personne pour le contredire : « Renart, dit Ysengrin, écoute ! C'est moi qui attends que justice soit faite pour tous les ennuis que tu as causés, et que nous avons relatés ici-même. Je n'ai toujours pas eu réparation alors que le roi te l'avait ordonné. Tu as fait souffrir trop de bêtes avant de pouvoir te faire comparaître, tu nous as tous rendu fous, les jeunes comme les vieux. Au nom de ceux qui ont porté plainte contre toi ici présents, et pour moi-même que tu as couvert de honte, je veux que ce procès soit expédié aujourd'hui. Je m'en tiendrai à la stricte vérité, à Dieu ne plaise que je mente, je ne dirai que ce qui est vrai comme j'ai pu le constater. Je n'ai pas besoin de faire de longs discours, ni d'inventer des mensonges, nous te convaincrons de trahison grâce aux témoins que nous trouverons, et je prouverai de droit ta perfidie et ta trahison. Je saurais en expliquer les circonstances, si jamais tu voulais te disculper. » Renart répond : « Fort bien, dites-nous donc ce que vous savez. » Ysengrin répond : « Je le dirai, parfaitement, je ne vous mentirai en aucune façon. Vous êtes mon compère selon la loi, pourtant vous m'avez fait des injustices plus de cent fois, sans mentir. Tu as rendu maintes bêtes malheureuses, nombreux sont ceux qui ont vu toutes les fois où tu m'as trompé. Sache donc bien, si la cour ne me fait pas défaut, que nous sommes venus pour l'assaut final. J'ai trop souffert à cause de toi, tu t'es parjuré maintes fois, et tu m'as causé du tort au sujet de ma femme. » Renart lui rétorque : « Tu mens, je n'ai jamais fait de mal à ta femme, ni commis la moindre faute envers toi. » Ysengrin dit : « Bien sûr, Renart, je vais démontrer quant à moi, que vous l'avez assaillie de force. Vous n'avez pas raté le trou, je vous ai pris sur le fait, que vous le vouliez ou non, vous lui avez battu la croupe, je vous ai vu pousser, enfoncer, et lui serrer fortement la queue. L'avez-vous prise pour une sotte ? Vous n'aviez pas l'air de jouer à la balle ! Vous ne pourrez pas vous en défendre, car je vous ai vu descendre, puis remonter votre pantalon. Je n'ai pas honte de le raconter, mais si j'avais pu le cacher, je ne l'aurais raconté à personne. » Renart lui répond : « À Dieu ne plaise d'avoir ainsi mal agi un jour, d'avoir causé un tel désagrément en caressant ma commère plus bas que l'œil, comme vous le dites, je ne serai alors qu'un hérétique. Mais on sait maintenant de source sûr, que vous n'avez honte de rien, puisque vous évoquez ce que les autres ont tu. Vous n'auriez pas dû en faire un conte qui vous couvre de la plus grande honte. S'il est une chose que vous avez bien apprise, c'est de ne pas faire preuve de pudeur. Vous avez donc bien soulagé votre vergogne en déshonorant ainsi votre épouse. Je l'ai effectivement poussée et soulevée, j'ai fait tout ce que j'ai pu pour l'aider. Vous m'avez vu pousser et enfoncer, mais je vois que vous n'avez rien compris. Je ne l'ai fait que pour son bien, c'est bien mal me remercier. Je l'ai fait en toute honnêteté, mais vous me le rendez bien mal, j'ai été fou de l'avoir entrepris, et maintenant vous êtes devenu mon ennemi. | 14636 14640 14644 14648 14652 14656 14660 14664 14668 14672 14676 14680 14684 14688 14692 14696 14700 14704 14708 14712 14716 14720 14724 | Qui que il poïst ne qui que place, Sa droiture voudra prover, Tot sanz mençonge controver. Noble conmande que il die, N'i a celui qui contredie : « Renart, dit Ysengrin, entent ! Je sui cil qui son droit atent Des granz anuiz que tu as fez, Que nos avon ceanz retrez ; Ne me sont encor amendé, Si l'avoit le roi conmandé. Mout as or fet bestes grever, Ainz que te poïst amener, Et des jones et des chanuz En as assez por fox tenuz. Por ceus qui de toi clamor font Et qui ci en present s'estont, Par moi qui par toi sui honniz, Voil que li plez soit hui feniz. Par la verité m'en irai, Ja se Dex plait, n'en mentirai Que je n'en die tout le voir Se je le puis aparcevoir. Je n'ai mestier de fere alonge Ne de ci controver mençonge ; De traïson te prouverons Si que garant en trouverons, Et mosterrai tout par raison Et felonnie et traïson ; Bien te savré l'achaison dire, Se t'en voloies escondire. » Renart respont : « Bien dit avez ; Or dites conment le savez. » Dist Ysengrin : « Bien le dirai ; Ja voir ne vos en mentirai. Mes comperes estes en loi, Si m'avez mené en belloi Plus de .C. foiz, que je ne mente ; Mainte beste as tu fet dolente, Bien l'ont plusors aparceü Que mainte foiz m'as deceü. Or sai bien, se cort ne me faut, Nos sonmes venu a l'asaut. Mout ai par toi mal endurez, Mainte foiz t'en es parjurez, De ma fame m'as maubailli. » Ce dist Renart : « Tu as menti ; Onc mal a ta fame ne fis, Ne vers toi de riens ne mespris. » Dist Ysengrin : « Certes, Renart, Jel mosterrai de moie part Que vos a force l'assaillistes, Au trou trover pas ne faillistes ; Voiant moi, ou vosist ou non, Li batistes vos le crepon. Mout vos vi bouter et empaindre Et durement la queue estraindre. Illuec la tenis tu por sote, Ne sembloit pas gieu de pelote ; Ce ne porroies pas desfendre Que ne vos veisse descendre, Et vos braies sus remonter ; Ne m'est honte de raconter, Mes se je celer le peüsse, A nului dire nel deüsse. » Ce dist Renart : « Ja Diex ne place Que ja tant a nul jor mesface C'aie fet tel descovenue Que ma conmere aie foutue Plus bas de l'ueil, si con vos dites ; Donques seroie jeu herites. Or puet on bien de fi savoir Que vos ne savez honte avoir, Que ce avez amenteü Dont li autre se sont teü. Mes n'en deüssiez tenir conte Qu'il vos torne a trop grant honte. Mes bien avez tel chose aprise Que honte avez ariere mise. Bien avez vergoingne abessie Qui honiz ainssi t'espousee. Le bouter et le soufachier, Fis ge tout por lui aïdier ; Bouter, empaindre me veïstes, Bien sai que mal i entendistes ; Mes je nel fis se por bien non, Or m'en rendez mal guerredon. Jel fis por bien et por franchise ; Mes or m'en rendez mal servise, Que fox fis quant m'en entremis, Or en estes mes anemis. |
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