mais l'ermite le redresse : « Mon ami, dit-il, assieds-toi donc là devant moi, et révèle-moi toutes tes mauvaises actions du début à la fin. — Volontiers, seigneur, dit Renart. Quand j'étais jeune et frivole, je mangeais avec plaisir les poules et les oies quand j'en trouvais. Je les tuais par traîtrise, puis je les dévorais gloutonnement. J'ai fait équipe avec Ysengrin à qui j'ai donné ma parole de toujours me conduire loyalement avec lui. Par amitié, je lui ai fait épouser la belle Hersent ma sœur. Trois jours n'étaient pas encore passés, quand je lui ai joué un mauvais tour, en le faisant devenir moine, puis prêtre dans une église. Au moment de partir, il aurait préféré être ailleurs même pour une tête de sanglier : quand je lui ai fait sonner les cloches, le prêtre du village est arrivé avec des paysans, deux mille je crois, ils l'ont battu à coups de bâton, et ont bien failli le tuer. Puis je l'ai fait pêcher toute une nuit des poissons dans un étang, jusqu'au petit matin quand un paysan est arrivé, massue à la main, pour lui refaire sa pelisse. Il avait un chien avec lui qui lui a pelé la peau, sachez que ça m'a fait grand plaisir. Ensuite, je l'ai fait tomber dans un autre piège, où il a dû garder le siège pendant sept jours, avant d'en partir en y laissant un pied. Dieu ! c'est ma faute, j'ai péché ! J'ai aussi attaché dame Hersent à la queue d'une jument, puis je l'ai si bien mordu qu'elle s'est regimbée, et lui délivra un terrible coup. J'ai commis tant de tricheries, de larcins et d'escroqueries, que je sais que je serai excommunié. Certes je ne vous ai dit là que la moitié de mes péchés, mais accablez-moi comme vous voudrez car je vous ai dit l'essentiel. — Renart, il te faut aller à Rome, tu parleras au pape, et tu lui raconteras ton histoire, et tu te confesseras à lui. — Ma foi, dit Renart, c'est un lourd fardeau à porter. » L'ermite dit : « Il faut savoir souffrir quand on doit faire pénitence. » Renart voit ce qui lui reste à faire, alors il prend la bourse et le bourdon, puis s'en va, le voilà parti sur le chemin. Il ressemble fort à un pèlerin, avec la bourse autour du cou qui lui va bien, mais se trouve insensé d'être parti sans compagnie. | 13520 13524 13528 13532 13536 13540 13544 13548 13552 13556 13560 13564 13568 13572 13576 | Mes l'ermite l'a redrecié : « Biax amis, dist il, or t'asié Ci devant moi, si me descovre Tot de chief en chief la male ovre. — Sire, dist Renart, volentiers, Quant g'iere bacheler legiers, Volentiers gelines menjoie Et les oues quant les trouvoie. Je les tuoie en traïson, Ses menjoie conme glouton. A Ysengrin pris compaingnie, Con je li oi ma foi plevie De liaument vers lui ovrer. Par amors li fis espouser Hersent la bele ma seror ; Mes ainz que passast le tierz jor, L'en rendi ge mauvés loier, Car jel fis moine a .I. mostier Et si le fis devenir prestre ; Mes au partir n'i vosist estre Por une teste de sengler ; Qar je li fis les sains sonner, Si vint le prestre de la vile Et des vilains, ce cuit, .II. mile Qui le batirent et fusterent : Par .I. petit qu'il nel tuerent, Et puis le fis en .I. vivier Tote une nuit poissons peschier Jusque au matin que .I. vilain I vint, sa maçue en sa main, Qui li refist son peliçon ; Qar avec lui ot .I. gaingnon Qui li repeleiça sa pel : Sachiez que il m'en fu mout bel. Et puis le refis prandre au piege Ou il garda .VII. jors le siege ; Au partir i laissa le pié. Dieu ! moie coupe du pechié ! Puis liai ma dame Hersent A la queue d'une jument ; Tant la mors et fis repesner Qu'a grant honte la fis livrer. Mout ai fetes de tricheries, De larrecins, de roberies : Bien sai qu'escumenïé sui. Certes je ne vos aroie hui Dist la moitié de mes pechiez. Ce que vodrez, si m'en chargiez : Je vos en ai dite la some. — Renart, aler t'estuet a Ronme : Si parleras a l'apostoire, Si li conteras ceste estoire, Si te feras a lui confés. — Par foi, dist Renart, c'est grant fes. » Dist l'ermite : « Mal estuet trere A cui penitance estuet fere. » Or voit Renart fere l'estuet : Escherpe et bourdon prant, si muet ; Si est entrez en son chemin. Mout resemble bien pelerin Et bien li sist l'escherpe au col. Mes de ce se tint il por fol Qu'il est meüz sanz compaingnie. |
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