dimanche 23 novembre 2014

Le pèlerinage de Renart - La bourse et le bourdon




Il tombe à ses pieds en oraison,
A


s piez li chiet a oroison,
mais l'ermite le redresse :
« Mon ami, dit-il, assieds-toi donc
là devant moi, et révèle-moi
toutes tes mauvaises actions du début à la fin.
— Volontiers, seigneur, dit Renart.
Quand j'étais jeune et frivole,
je mangeais avec plaisir les poules
et les oies quand j'en trouvais.
Je les tuais par traîtrise,
puis je les dévorais gloutonnement.
J'ai fait équipe avec Ysengrin
à qui j'ai donné ma parole
de toujours me conduire loyalement avec lui.
Par amitié, je lui ai fait épouser
la belle Hersent ma sœur.
Trois jours n'étaient pas encore passés,
quand je lui ai joué un mauvais tour,
en le faisant devenir moine,
puis prêtre dans une église.
Au moment de partir, il aurait préféré être ailleurs
même pour une tête de sanglier :
quand je lui ai fait sonner les cloches,
le prêtre du village est arrivé
avec des paysans, deux mille je crois,
ils l'ont battu à coups de bâton,
et ont bien failli le tuer.
Puis je l'ai fait pêcher toute une nuit
des poissons dans un étang,
jusqu'au petit matin quand un paysan
est arrivé, massue à la main,
pour lui refaire sa pelisse.
Il avait un chien avec lui
qui lui a pelé la peau,
sachez que ça m'a fait grand plaisir.
Ensuite, je l'ai fait tomber dans un autre piège,
où il a dû garder le siège pendant sept jours,
avant d'en partir en y laissant un pied.
Dieu ! c'est ma faute, j'ai péché !
J'ai aussi attaché dame Hersent
à la queue d'une jument,
puis je l'ai si bien mordu qu'elle s'est regimbée,
et lui délivra un terrible coup.
J'ai commis tant de tricheries,
de larcins et d'escroqueries,
que je sais que je serai excommunié.
Certes je ne vous ai dit là
que la moitié de mes péchés,
mais accablez-moi comme vous voudrez
car je vous ai dit l'essentiel.
— Renart, il te faut aller à Rome,
tu parleras au pape,
et tu lui raconteras ton histoire,
et tu te confesseras à lui.
— Ma foi, dit Renart, c'est un lourd fardeau à porter. »
L'ermite dit : « Il faut savoir souffrir
quand on doit faire pénitence. »
Renart voit ce qui lui reste à faire,
alors il prend la bourse et le bourdon, puis s'en va,
le voilà parti sur le chemin.
Il ressemble fort à un pèlerin,
avec la bourse autour du cou qui lui va bien,
mais se trouve insensé
d'être parti sans compagnie.



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Mes l'ermite l'a redrecié :
« Biax amis, dist il, or t'asié
Ci devant moi, si me descovre
Tot de chief en chief la male ovre.
 — Sire, dist Renart, volentiers,
Quant g'iere bacheler legiers,
Volentiers gelines menjoie
Et les oues quant les trouvoie.
Je les tuoie en traïson,
Ses menjoie conme glouton.
A Ysengrin pris compaingnie,
Con je li oi ma foi plevie
De liaument vers lui ovrer.
Par amors li fis espouser
Hersent la bele ma seror ;
Mes ainz que passast le tierz jor,
L'en rendi ge mauvés loier,
Car jel fis moine a .I. mostier
Et si le fis devenir prestre ;
Mes au partir n'i vosist estre
Por une teste de sengler ;
Qar je li fis les sains sonner,
Si vint le prestre de la vile
Et des vilains, ce cuit, .II. mile
Qui le batirent et fusterent :
Par .I. petit qu'il nel tuerent,
Et puis le fis en .I. vivier
Tote une nuit poissons peschier
Jusque au matin que .I. vilain
I vint, sa maçue en sa main,
Qui li refist son peliçon ;
Qar avec lui ot .I. gaingnon
Qui li repeleiça sa pel :
Sachiez que il m'en fu mout bel.
Et puis le refis prandre au piege
Ou il garda .VII. jors le siege ;
Au partir i laissa le pié.
Dieu ! moie coupe du pechié !
Puis liai ma dame Hersent
A la queue d'une jument ;
Tant la mors et fis repesner
Qu'a grant honte la fis livrer.
Mout ai fetes de tricheries,
De larrecins, de roberies :
Bien sai qu'escumenïé sui.
Certes je ne vos aroie hui
Dist la moitié de mes pechiez.
Ce que vodrez, si m'en chargiez :
Je vos en ai dite la some.
— Renart, aler t'estuet a Ronme :
Si parleras a l'apostoire,
Si li conteras ceste estoire,
Si te feras a lui confés.
— Par foi, dist Renart, c'est grant fes. »
Dist l'ermite : « Mal estuet trere
A cui penitance estuet fere. »
Or voit Renart fere l'estuet :
Escherpe et bourdon prant, si muet ;
Si est entrez en son chemin.
Mout resemble bien pelerin
Et bien li sist l'escherpe au col.
Mes de ce se tint il por fol
Qu'il est meüz sanz compaingnie.
Le pèlerinage de Renart quand il alla à Rome Ci conmance le pelerinage Renart con il ala a Rome (25)
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