c'est le diable qui l'a mis dans cette trappe. Il s'accroche à une pierre, il préférerait être mort et mis en bière. Le malheureux endure un grand supplice, il n'arrête pas de se tremper le poil, il aimerait mieux être attaché ou mis aux fers. Pourtant, c'est à bon droit s'il s'est fait avoir, lui qui fait toujours tout ce qu'il peut pour tromper son monde. Renart ne sait quelle ruse trouver, ni de quelle manière sortir du puits. Le voilà à l'aise pour pêcher, mais ça ne l'amuse pas du tout. Il est envahi d'une grand colère pour s'être fait ainsi tromper, et ne pas avoir eu deux sous de jugeote. Messieurs, il se trouve qu'à ce moment là, cette même nuit à la même heure, Ysengrin, sans aucune hésitation, sort d'une vaste lande, poussé par la quête de nourriture, car la faim l'aiguillonne durement. Il se dirige, fort en colère, vers la maison des moines, et arrive au grand galop. Il trouve l'endroit dévasté : « Le diable doit habiter ici, fait-il, pour qu'on ne puisse y trouver ni nourriture, ni rien de ce que l'on veut. » Il s'en retourne à petits pas, puis court vers le guichet, et arrive devant le couvent au grand trot. Il trouve le puits sur le chemin, là où Renart le roux est en train de se divertir. Il se penche au-dessus du puits, fâché, triste et soucieux, et se met à regarder puis à observer son ombre. Plus il la voit, plus il l'examine, tout comme Renart l'a fait. Il se couche à plat ventre, pour mieux voir son ombre dedans, il croit que c'est dame Hersent qui se trouve ici, et que Renart est avec elle. Sachez que ça ne lui plaît pas du tout, et il dit : « Me voici fort maltraité, avili et déshonoré à cause de ma femme, que Renart le roux m'a enlevée, pour l'entraîner avec lui à l'intérieur. Vraiment, quel traître de voleur pour tromper ainsi sa commère. Je n'ai rien pu faire pour l'éviter, mais si je pouvais l'attraper, je me vengerais si bien de lui que je n'en n'aurais plus rien à craindre. » Alors, il hurle à toute force, et dit à son ombre : « Qui es-tu ? que vas-tu imaginer, putain avérée, maintenant que je t'ai trouvée ici avec Renart ? » Sa voix ressort d'en bas, il croit qu'elle lui répond. Alors il hurle une autre fois, et sa voix remonte aussitôt. | 12176 12180 12184 12188 12192 12196 12200 12204 12208 12212 12216 12220 12224 12228 12232 12236 12240 | Maufez l'ont mis en cele trape. Acostez s'est a une pierre, Bien vosist estre mort en biere ; Li chaitif sueffre grant hachie, Or a sovent la pel moillie. Or est miex qu'en fers ne en ges ; A bon droit est il conchïez, Que tot jors met tot son pooir En tot le monde decevoir. Or ne set Renart trover guile, En quel maniere du puis isse ; Or est aaise du peschier, Nus nel porroit esleescier. De grant ire est esmeüz Con il est issi deceüz ; Ne prise .II. boutons son sens. Seignor, il avint en cel tens, En cele nuit et en cele heure, Qu'Isengrin sanz nule demeure S'en est issuz d'une grant lande, Que querre li covint viande, Que la fain l'argüe forment. Tornez s'en est irieement Devant la meson as renduz, Les granz galoz i est venuz ; Le païs trova mout gasté : « Ci conversent, fet il, maufé, Quant l'en n'i puet trover viande Ne riens nule que l'en demande. » Tornez s'en est tot le passet, Corant en vint vers le guichet ; Par devant la rendacion S'en est venu tot le troton. Le puis trova en mi sa voie Ou Renart le rous s'esbanoie ; Desus le puis s'est aclinez, Grains et marriz et trespensez ; Dedenz conmence a regarder Et son ombre a visiter. Con plus i vit, plus regarda, Tout aussi con Renart ouvra ; Con il se coucha sus adenz, De son ombre qu'il vit dedenz, Cuida ce fust dame Hersent Qui herbergie fust laiens, Et que Renart fust avec li. Sachiez pas ne li abeli, Et dist : « Mout par sui maubailliz De ma fame vil et honniz Que Renart li rous m'a fortraite Et avec lui çaiens a traite. Mout est ore traïtre lerre, Quant il deçoit si sa conmere, Si ne me puis de li garder ; Mes se jel pouoie atraper, Sifaitement m'en vengeroie Que ja mes crieme n'en aroie. » Lors a ullé par grant vertu ; A son ombre dit : « Qui es tu ? Que penses tu, putain provee, Qant o Renart t'ai ci trovee ? » La voiz resorti contre mont ; Si li semble qu'el li respont. Lors a ullé une autre foiz ; Contre mont resorti la voiz. |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire