mais il a grand-peur d'être surpris. Il arrive aux poules, et tend l'oreille, c'est vrai qu'il se méfie beaucoup car il sait bien qu'il fait une folie. Alors il retourne sur ses pas par couardise, il a trop peur qu'on le voie. Il sort de la cour, et reprend la route, puis commence à réfléchir que tout comme le besoin fait trotter la vieille, la faim le tourmente durement, alors pour le meilleur ou pour le pire, il décide de faire marche arrière pour empoigner quelques poules. Renart rebrousse donc chemin, et entre dans la grange par-derrière, en cachette, sans créer d'agitation chez les poules qui ne l'aperçoivent pas. Il y en a trois juchées sur la poutre, elles sont condamnées à mort. Il se met en chasse, et monte sur un tas de paille pour s'approcher des poules. Les poules sentent la paille bouger, elles se mettent à tressaillir, et se tapissent dans un coin. Renart se dirige vers elles, puis les saisit l'une après l'autre, là où elles se sont acculées. Il les étrangle toutes les trois, en croque deux en se léchant les babines, et décide de garder le troisième pour la cuire. Il est bien content d'avoir mangé, et sort de la grange par une haie, en emportant la troisième poule. Mais quand il arrive à la porte, il est pris d'une grande envie de boire, lui qui sait si bien tromper les gens. Il y a un puits au milieu de la cour, Renart le voit, et court de ce côté pour étancher sa soif, mais il ne peut pas atteindre l'eau. Renart a beau avoir découvert ce puits, il le trouve trop large et profond, et ne veut pas sauter dedans. Il a peur de se faire mal, et ne voit pas du tout comment s'y prendre pour avoir de l'eau. Messieurs, écoutez donc ce prodige ! Il y a deux seaux dans ce puits, quand l'un monte, l'autre descend. Renart, qui a déjà fait tant de mal, s'accoude sur le puits, fâché, chagriné et soucieux. Il se met à regarder dedans, et remarque son ombre. Voilà comment le diable va le tromper : alors qu'il voit son ombre, il s'imagine que c'est Hermeline sa femme, qu'il aime d'un tendre amour, qui se trouve à l'intérieur. Renart est pensif et peiné. Il lui demande : « Qui es-tu ? dis le moi, que fais-tu là-dedans ? » Sa voix remonte du bas du puits, Renart l'entend, et fronce le front. Il la rappelle une autre fois, et sa voix ressort d'en bas. Renart l'entend, très étonné, alors il met ses pattes dans le seau, et se retrouve au fond sans comprendre mot, pour son plus grand malheur, car il tombe dans l'eau. Il réalise qu'il s'est bien fait avoir, n'y trouvant pas sa femme qu'il croyait pourtant avoir vue. | 12100 12104 12108 12112 12116 12120 12124 12128 12132 12136 12140 12144 12148 12152 12156 12160 12164 12168 12172 | Grant peor a d'estre sorpris. Vint as gelines, si escoute : C'est veritez que mout se doute, Il set bien qu'il fet musardie. Retornez est par coardie, Grant peor a qu'en ne le voie ; Ist de la cort, s'entre en la voie Et se conmence a porpenser Que besoing fet vielle troter, Et la fain tant le partormente, Ou biau li soit ou se repente, Qui le fait arieres fichier Por les gelines acrochier, Or retorne Renart ariere ; En la granche entre par deriere Priveement que ne se murent Les gelines, ne n'aparçurent. Sor le tref en ot .III. juchies Qui estoient a mort jugies. Et cil qui est alez en fuerre S'en monta sor .I. tas de fuerre Por les gelines aprouchier. Les gelines sentent hochier Le fuerre, si en tresaillirent Et en .I. angle se tapirent ; Et Renart aprés eus s'en torne, Si les a prises tout a orne La ou il les vit enanglees ; Toutes .III. les a estranglees : Des .II. en fet ses grenons bruire, La tierce vodra porter cuire. Qant ot mengié, si fu aaise ; De la granche ist par une haise Et la tierce geline enporte. Mes si con il vint a la porte, Si ot mout grant talent de boire Cil qui bien sot la gent deçoivre. .I. puis avoit en mi la cort ; Renart le vit, cele part cort Por sa soif que il volt estaindre, Mes il ne pot a l'eve ataindre. Or a Renart cel puis trové ; Mout par le vit parfont et lé, Dedenz ne volt il pas saillir. Peor ot de soi maubaillir, Ne il ne puet engin savoir Conment il puist de l'eve avoir. Seignors, or escoutez merveilles : En cel puis si avoit .II. seilles ; Quant l'une vient et l'autre vet. Et Renart, qui tant a mal fet, Desus le puis s'est acoutez, Grains et marriz et trespensez. Dedenz conmence a esgarder Et son ombre a aboeter. Or l'ont deable deceü : De son ombre qu'il a veü Cuida que ce fust Hermeline, Sa fame q'aime d'amor fine, Qui herbergie fust laiens. Renart fu pensis et dolens ; Il li demande : « Qui es tu ? Di moi, la dedenz que fes tu ? » La voiz du puis vint contre mont ; Renart l'oï, drece le front. Il la rapele une autre foiz : Contre mont resorti la voiz. Renart l'oï, mout se merveille ; Ses piez a mis en une seille, Onc n'en sot mot, si vint a val. Or li est encontré mout mal, Car il fu en l'eve chaüz ; Bien voit que il est deceüz, Quant sa fame n'i a tenue Que il cuidoit avoir veüe. |
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