il regarde devant lui, et voit arriver Ysengrin, qui ne l'aime pas. Celui-ci l'aperçoit aussi : « Renart, dit-il, ramenez-vous par ici ! Je jure sur ma tête que vous allez avoir tout de suite ce que vous méritez pour tout le mal que vous m'avez fait. Vous m'avez causé une terrible honte et une grande peine quand vous avez baisé ma femme Hersent, et pissé sur tous mes louveteaux, après les avoir traités de fils de pute. Savez-vous, Renart, ce que je vais faire, et combien je vais vous faire payer pour ça ? Parce que vous disiez être mon neveu, que vous m'aimiez par hypocrisie alors que je vous aimais de bon cœur, je vous réserve ma plus haute considération, et vous mettrai dans une telle tour, dans un tel endroit, qu'il n'y aura pas de lignée assez puissante pour vous causer des ennuis, et vous-même ne ferez rien de mal à personne, et ne pourrez déshonorer quiconque. C'est ainsi que je veux vous récompenser, en vous mettant dans un tel château, où vous n'aurez à redouter ni guet-apens, ni embuscade, ni ruse, ni baliste, ni beffroi, ni prince, ni roi. » Renart entend ce qu'il lui promet, et met sa queue entre les pattes, car il voit bien qu'il ne peut s'échapper ni fuir nulle part. Alors il s'humilie devant son oncle, et lui demande grâce doucement : « Mon oncle, fait-il, on dit au tribunal du roi que nul ne doit réparation s'il n'est pas coupable, mais si je dois faire amende honorable, je le ferai pour votre bon plaisir, si Dieu m'en donne l'honneur et la joie. » L'autre répond : « Aussi vrai que Dieu me guide, je suis très content de vous voir. Par Dieu le père en qui je crois, je n'accepterai d'autre réparation que de vous mettre dans mon ventre, ce sera là votre nouvelle demeure dont jamais vous n'échapperez. Il vous faudra un cheval très rapide pour m'empêcher de livrer bataille jusqu'à ce que je vous engloutisse et vous fasse disparaître dans mon ventre. Grâce à vous mes flancs se soulèveront, et mon sang s'activera, ce qui augmentera ma hardiesse, dont les gens ne pourront plus douter. Mais que faites-vous, pourquoi n'entrez-vous pas dans ma gueule ? Qu'attendez-vous donc ? » Après avoir dit cela, il s'élance, fonce sur Renart, le prend, le renverse entre ses pattes, et Renart comprend qu'il est condamné. Jamais aucun homme n'a subi autant de misère, fût-il prisonnier en terre sarrasine, ni été aussi bien houspillé, ni injurié comme Renart l'est en ce moment. Il a beau crier merci à son oncle, mais Ysengrin ne l'écoute pas, il le saisit plutôt par la nuque, et le maltraite comme un chien, puis le secoue par le cou autant qu'il peut, et lui déchire la peau. Ysengrin prend tout son plaisir à lui faire la peau. Renart est maté, il ne fait pas semblant, il ne remue plus, ni même ne se plaint. | 11476 11480 11484 11488 11492 11496 11500 11504 11508 11512 11516 11520 11524 11528 11532 11536 11540 11544 | Devant lui garde et voit venir Ysengrin qui pas ne l'amoit. Ysengrin garde, sel parçoit : « Renart, dist il, par ça trairez, Par le mien chief, ore avrez La merite tout entresait De quant que vos m'avez mesfet ; Grant honte et grant duel me feïstes, Quant Hersent ma fame foutistes Et mes loviax toz compissastes, Et filz a putain les clamastes. Sez tu, Renart, que je feré Et quel louer je t'en rendré ? Por ce que tu mes niez estoies Et que par fausseté m'amoies Et ge t'amoie de bon cuer, Te metroi je en si haut fuer, En tel tor et en tel estage, Que n'ert de si haut parentage Qui mes te puisse fere anui, Ne tu ne feras riens nului, Ne te porra mes nul laidir. Issi le te voudrai merir, Si te metré en tel chastel Ou mauvez agait ne cembel, Enging, perriere ne berfroi, Ne douteras prince ne roi. » Renart entent qu'il li pramet ; La queue entre les jambes met, Renart voit bien ne puet guenchir, Ne nule part ne puet foïr ; Vers son oncle mout s'umelie, Et doucement merci li prie : « Oncles, dist il, l'en dit en plait : Nus n'amende s'il n'est mesfait ; S'a amende m'en lait venir, Je la feré a vo plaisir, Se Diex me doint anor et joie. » Et cil respont : « Se Diex me voie, J'ai grant joie quant je te voi. Par Dieu le pere en qui je croi, Ja autre amende n'en prendrai ; Dedenz mon ventre te metrai Illeques seras a ostel ; Que ja n'en passeras par el. Mout avroies isnel cheval, Se ne te puis livrer estal, Tant que je t'avré trangloti Et de mon ventre enseveli. De toi s'eleveront mi flanc, De toi acuisera mon sanc ; Si acroistrai mon hardement, Mout m'en douteront plus la gent. Que fetes vos, que vos n'entrez En ma geule ? Que demorez ? » Quant ce ot dit, adonc destent, Cort a Renart et si le prent ; Renart enverse entre ses piez, Or set il bien qu'il est jugiez ; C'onques nus hons, tant fust chaitis N'en terre de Sarrazins pris, Ne fu si bien houcepingniez Com Renart fu et laidengiez. Son oncle sovent merci crie, Ysengrin ne l'escoute mie, Ainz l'a saisi par le chaon, Sel mastine com .I. gainon Par mi le col quant que il puet : La pel li deront et esquet. Ysengrin en fait son revel, Renart a pelee la pel ; Si fu matez, pas ne se faint, Ne se remue, ançois se plaint. |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire