samedi 12 octobre 2013

Ysengrin et la jument - La proposition du loup




Je vais vous raconter ce qui est arrivé
O


r vos dirai conment avint
à Ysengrin après cette nuit-là.
Alors qu'il s'en va en courant à travers bois,
il se dit
que l'homme est bien fou, tout comme le loup,
de partir seul n'importe où,
quand il pourrait avoir de la compagnie,
car il a souvent besoin d'aide.
Il faut toujours être accompagné
au cas où on aurait de gros ennuis.
Il y réfléchit avec gravité
jusqu'à ce qu'il arrive à l'orée du bois.
Il voit alors une jument dans un pré,
en train de paître près des blés.
Le loup part à toute allure
vers la jument à travers un champ en labour.
Quand il arrive à elle, il la salue :
« Que Dieu vous garde, fait-il, Rainsant mon amie.
— Vous aussi, seigneur Ysengrin,
d'où venez-vous donc de si bon matin ?
— Dame, dit-il, je me suis échappé
cette nuit des sales mains
du prêtre Martin, qui a fait un piège
pour me prendre, et d'ailleurs m'a pris.
Je suis resté emprisonné toute la nuit,
pourtant si j'avais eu un compagnon
je m'en serais bien vite sorti.
Je vous raconte tout cela,
car si vous vouliez devenir ma compagne,
nous pourrions en tirer grand profit.
Je vous donnerais à manger de tout
ce qui vous est le plus cher,
du bon froment, de la bonne avoine,
du bon orge, et tout cela à peu de peine.
Je vous serais très utile
car j'irais chercher tout cela moi-même.
Notre alliance serait parfaite.
Pensez donc, mademoiselle,
à ce paysan qui vous tue
à vous faire tirer sa charrue.
Vous labourez tous ses champs,
mais vous n'aurez jamais rien de lui,
sinon le pire qu'il puisse vous donner,
ce qui ne le dérangera pas.
Ah ! Rainsant, ma douce amie,
acceptez donc ma compagnie,
et vous serez libérée du pouvoir d'autrui.
Vous n'aurez plus à charrier
ou porter de fardeau çà et là,
et vous vivrez dans la sérénité pour toujours.


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A Ysengrin, quant la nuit vint.
Par mi le bos s'en va corant
Et si aloit ce porpensant
Que fox est li hons et li leus
Qui onques va nule part seus,
Por qu'il puist avoir compaingnie,
Que mestier a souvent d'aïe :
Et tiex puet on acompaingnier
Dont l'en a puis grant encombrier.
Quant ce pensoit en son corage,
A tant issi de cel boscage ;
Une jument vit en .I. pré
Ou ele pessoit pres d'un blé.
Li leus s'en va grant aleüre
Droit au jument par la costure.
Quant a lui vint, si la salue :
« Diex saut, fait il, Rainsant ma drue.
— Et Diex vos saut, sire Ysengrin,
Dont venez vos issi matin ?
— Dame, dist il, eschapez sui
De males mains ou anuit fui :
Prestre Martin .I. engin fist
Por prendre moi et si me prist ;
Toute une nuit fui en prison.
Se j'eüsse .I. compaingnon
D'iluec m'eüst bien tost jeté ;
Por ce le vos ai raconté,
Se volez estre ma compaingne
Nos ferion mout grant gaaingne ;
Assez vos donré a mengier
Duquel que avrïez plus chier,
Ou bon froment, ou bone avainne,
Ou bone orge, a quel que painne ;
Vos m'avrïez mout grant mestier,
Car je iroie porchacier ;
No compaingnie seroit bele.
Qar vos porpensez, damoisele,
De cel vilain qui si vos tue
Et vos fet trere a la charrue ;
Vos gaaingniez trestot son bien,
Ne vos n'en averoiz ja rien
Fors le nouax que il porra,
Et ce dont il cure n'avra.
Haï ! Rainsent, ma douce amie,
Qar venez en ma compaingnie,
Si serez fors d'autrui dangier ;
Ne vos estovra charroier
Ne ça ne la porter nul fais ;
A tot jors mes vivrez en pais.
La jument et Ysengrin C'est de la jumant et de Ysangrin (20)
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