votre compagnie me serait chère, mais je ne peux ni marcher ni courir, alors je préfère rester ici à brouter. C'est à cause de ma patte arrière droite. Je passais hier par une chemin, quand une épine s'est enfoncée dedans. Si vous pouviez me la retirer avec les dents, j'accepterai pour toujours l'amitié que vous éprouvée pour moi. Elle pourra vous être très utile, car je ferai tout ce que vous voudrez. Si par exemple on veut lancer un mâtin sur vous, je saurai très bien le repousser, le mordre à belles dents, le frapper avec les pieds. Je le poursuivrai jusqu'à ce qu'il soit jugé, et quand je l'aurai asséner de coups, il n'aura plus envie de se regimber. » Ysengrin répond : « Montrez-moi votre pied, celui où vous sentez l'épine, j'aurai vite fait de vous l'arracher, vous n'aurez jamais meilleur médecin. » Elle lève la patte, et il s'accroupit, puis lui retire tout grâce à ses griffes. Alors qu'Ysengrin est penché en train de nettoyer et curer le sabot, Rainsant détend violemment la patte, frappe Ysengrin très fort entre le poitrail et le museau, et le projette à travers le pré sans qu'il ne dise mot. Ensuite, elle fait une ruade, et s'enfuit la queue levée. Ysengrin gît sans bouger pendant un long moment, et finit par dire : « Ah ! pauvre malheureux ! Si j'avais déjà mal hier, c'est encore pire aujourd'hui. Je ne sais plus à qui me fier, je ne peux avoir confiance en personne. » Ainsi se lamente Ysengrin, et voici la fin de cette branche. | 11140 11144 11148 11152 11156 11160 11164 11168 11172 11176 | Vo compaingnie chierre eüsse, Mes je ne puis corre n'aler, Por ce voil je ci pasturer ; De mon pié destre par deriere Passai hier en une chariere, Une espine me feri enz. Se la me traiïez as denz, A nul jor ne seroit partie De vos a moi la druerie. Grant mestier vos porré avoir, Qar je feré tot vo voloir, Qar s'en vos velt gainon huer, Je savré tres bien rejeter, Mordre des denz, ferir des piez. Qui consuivré toz ert jugiez ; Cui ge porré bien asener N'avra talent de regiber. » Dist Ysengrin : « Le pié mostrez, Celui ou l'espine sentez, Tost la vos avré esrachie, Ja mar i avrez autre mire. » Le pié li lieve et il s'acrot, O ses ongles li vuide tout. Que qu'Isengrin a vuidier brunche Et il le pié nestoie et furche, Rainsant le pié a destendu Et Ysengrin a si feru Entre le pis et le musel, Tout coi le jeta el prael. Rainsant s'en torne regibant, Queue levee va fuiant, Et Ysengrin tot coi se gist Grant piece aprés, et puis si dist : « Haï ! maleürez chaitis ! Si j'oi hier mal, or ai hui pis. Ne me sai mes en qui fïer, Ne puis en nului foi trover. » Issi se demente Ysengrin. Ici prent ceste branche fin. |
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