ainsi qu'il est écrit dans un parchemin : qui a mauvais voisin près de chez lui, a souvent mauvais matin. Je vous dis cela par rapport à Ysengrin et un prêtre, le seigneur Martin. Celui-ci est déjà vieux, il n'a jamais eu la maîtrise des lettres, et s'y connaît plus à tuer le cochon qu'à lire au pied levé. Le prêtre Martin sait toutefois très bien nourrir ses brebis dans les pâturages, avec lesquelles il fait beaucoup de fromage. Mais le loup fait beaucoup de dégâts, malheur à toute sa lignée ! Il vit dans les bois aux alentours, et lui cause toujours du tort, car il traîne bien trop près d'ici. Il rectifie souvent le compte de ses brebis, en le passant d'un nombre pair à impair, et le corrige pareillement quand il les trouve en nombre impair. Le prêtre Martin est très contrarié de voir Ysengrin aussi content. Le prêtre Martin se dit alors qu'il va creuser une grande fosse. Lorsqu'elle est faite comme il l'entend, il met une perche par-dessus, place une claie sur la perche, l'ajuste en équilibre, la fixe bien à la perche, puis recouvre toute la fosse. Ensuite, il attache un agneau sur la perche. Si Ysengrin se dirige par ici, et veut emporter l'agneau, il tombera forcément par la claie, et ne remontra pas de si tôt une fois au fond de la fosse. Quand tout est prêt, il n'y touche plus et s'en va. Ysengrin, qui souffre d'une grande faim, se lève au milieu de la nuit noire, quand tout le monde dort fermement, et va à grande allure là où il a l'habitude de prendre sa nourriture. Il découvre l'agneau par hasard, et se fait une grande joie d'avoir déjà trouvé une proie. Comme il n'a pas peur d'être vu il s'en approche en toute sûreté. Dès qu'il monte sur la claie, elle cède, et il tombe dedans. Ysengrin voit qu'il est pris au piège, et n'est pas sûr de pouvoir s'échapper : « Ah ! malheureux, dit-il, pauvre de moi, comme la convoitise m'a trompé ! Mais je peux bien parler et jurer car je ne peux plus sortir de là. Je vais devoir payer cher la brebis qu'il m'a vu emporter. Comme le dit si bien l'adage, on finit toujours par renverser le pot. » | 10952 10956 10960 10964 10968 10972 10976 10980 10984 10988 10992 10996 11000 11004 11008 11012 | Si est escrit en parchemin Que cil a sovent mau matin Qui pres de lui a mal voisin. Je le vos di por Ysengrin Et por .I. prestre, dant Martin : Viellars estoit auques li prestres, Ne fu onques de letres mestres, Plus savoit de truie en fondue Que de letre desporveüe. Prestre Martin estoit mout sages De bien norir, par ces boscages, Brebiz dont il ot mout fromage. Mes mout li fist plusors donmage Li leus, mal ait toz ses lingnages ! Pres de lui estoit es boscages, Si li a fait souvent anui, Qar il manoit mout pres de lui ; Sovent li fesoit ses oeilles Non per s'eles erent pareilles, Et sovent les rapareilloit Se non pareilles les trovoit. Mout ert dolent prestre Martin De ce dont ert liez Ysengrin. Prestre Martin se porpensa C'une grant fosse chevera. Quant fete fu a sa devise, Une perche a par desus mise ; Sor la perche met une cloie, Tot a compas la contremoie, A la perche l'a bien fremee, La fosse a toute acovetee. .I. aignel lia sor la perche ; Se Ysengrin par la s'adrece Et l'aignel en voille porter, De la cloie l'estuet tumber Et ja si tost n'i montera Con il en la fosse cherra. Quant il l'ot bien apareillié Alé s'en est, si l'a lessié. Ysengrin qui grant fain endure Se lieve a mie nuit oscure, Quant toute gent se dort segure, Et est venuz grant aleüre La ou seut prandre sa pasture. L'aignel trove par aventure ; Quant vit l'aignel, si fist grant joie De ce qu'il a encontré proie. Or n'a peür que nus le voie, Seürement s'en va sa voie. Si tost con monta sor la cloie, Chaüz est enz, car ele ploie. Ysengrin voit que il est pris, De l'eschaper n'est il pas fis, « Ha ! las, dist il, dolent chaitis, Con covoitise m'a sorpris ! Or puis je bien dire et jurer Que de ci ne puis eschaper. Or m'estovra chier comparer La brebiz que m'en vit porter ; Cil dit mout bien qui set conter C'une foiz doit le pot verser. » |
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