samedi 29 juin 2013

Tibert et les deux prêtres - Diable de chat




Quand Tibert le voit dressé vers lui,
Q


uant Tybert vit qu'il est drecié,
il se hérisse de colère,
et lui crache au visage.
Puis il lui saute dessus, le frappe, le griffe,
lui égratigne tout le visage,
et le renverse la tête en arrière.
L'autre tombe dans le chemin
en plein sur sa nuque,
à s'en briser la cervelle,
il s'évanouit à deux reprises.
Alors que le prêtre gît inconscient,
Tibert bondit sur les arçons
vides de leur cavalier,
et le cheval effrayé
se retourne vivement,
puis s'enfuit à travers les champs en labour.
Il court d'une traite jusqu'à
la maison d'où il était parti.
La femme du prêtre se trouve justement
au milieu de la cour en train de couper du bois,
et ne voit pas le cheval venir.
Il lui rentre dedans à toute allure,
et la projette à la renverse
au point de lui briser le dos.
Elle est blessée, et elle a très peur.
Alors qu'elle s'attend à voir son mari
assis sur la selle comme d'habitude,
elle découvre seigneur Tibert accroupi,
et croit alors qu'il s'agit du diable.
Le cheval bondit dans l'étable,
avec seigneur Tibert toujours dessus,
qui d'ailleurs connaît bien la maison.
Il est très content
de ne pas s'être fait capturé ou tué.
Il abandonne alors le cheval
et se remet en chasse.
Le prêtre qui gît par terre,
ne sait où trouver son palefroi.
Il appelle son compagnon à lui :
« Amenez-moi mon palefroi,
cher compagnon, ou montrez-le-moi.
— Vous êtes blessé, demande Turgis ?
— Blessé ? dit-il, dites plutôt que je suis mort.
Ce n'était pas un chat mais le malin en personne
pour nous attaquer de la sorte,
c'était le diable, n'en doutez point.
Je crois en vérité
que nous avons été ensorcelés.
Nous ne sortirons jamais de ce combat
sans rien y perdre, sachez le bien.
Je ne suis vraiment pas rassuré
maintenant que j'ai perdu mon palefroi. »
Il entame alors un Kyrie,
un Credo, un Miserere,
un Pater Noster, des litanies,
et seigneur Turgis lui vient en aide.
Puis ils regardent partout
avant de se remettre en route,
des fois qu'ils voient Tibert et le cheval.
Mais, autant que je sache,
ils ne les voient pas, alors ils s'en vont
après avoir fait un signe de croix sur leur front.
Le synode sera donc pour plus tard,
car Rufrengiers est bien blessé.
Il rentre chez lui,
il a très mal, et il est en colère.
Sa femme lui demande :
« Quel vent vous amène ? ou plutôt quelle tempête ?
— Le malheur, dit-il, les ennuis !
J'ai rencontré un démon aujourd'hui,
moi et mon compagnon
seigneur Turgis de Long-Buisson,
qui nous a complètement possédés,
j'ai eu de la peine à m'en échapper vivant. »


10464



10468



10472



10476



10480



10484



10488



10492



10496



10500



10504



10508



10512



10516



10520



10524



10528



10532

Par mautalent est hericié ;
Escopi li en mi le vis.
Il donne .I. saut, sel fiert des gris,
La face a esgratinee ;
Jus l'abati teste versee,
Si que le haterel derriere
Li est chaü en la chariere :
Par pou que n'est escervelé ;
.II. foiees s'estoit pasmé.
Le prestre jut en pamoisons,
Et Tybert sailli es arçons
Qui vuidié furent du provoire,
Et li chevax s'en torne en oire
Qui avoit esté esfreez.
Tant fuit par chans et par arez,
S'a tant erré qu'il vint tot droit
A l'ostel dont torné estoit.
Et la fame au provoire estoit
En mi sa cort ou buschetoit ;
Ne vit pas le cheval venir
Et il vint enz de grant aïr,
Que il l'a jetee souvine
Et si ot brisie l'eschine :
Bleciee fu, si ot peor,
Quant el va veoir son seignor.
En la sele ou il seut seïr
Vit dant Tybert desus croupir :
Bien cuida ce fussent deable.
Le cheval sailli en l'estable
Et dant Tybert toz jors en son,
Qui bien connoissoit la meson.
Mout li estoit bien avenu
Que ne l'ot mort ne retenu ;
Le cheval lessa estraier,
Puis s'en est alez otoier.
Li prestres qui jut contre terre
Ne sot son palefroi ou querre.
Son compaignon apele o soi :
« Amenez moi mon palefroi,
Biau compains, quar le m'ensaingniez.
— Estes vos, dist Turgis, bleciez ?
— Bleciez ? dist il, ainz sui tuez.
Ne fu pas chaz, ainz fu maufez
Qui nos a fait ceste envaïe ;
Deables fu, n'en doutez mie.
Ice sai ge de verité
Que nos somes enfantosmé,
Ne ja de cest ost n'en istron,
Ce sachiez, que nos n'i perdon.
Ne sui pas asseür de moi,
Qant perdu ai mon parlefroi. »
Lors conmence une quiriele,
Sa credo et sa miserele,
Paternoster, sa leternie,
Et sire Turgis li aïe.
Sovent gardaient s'il veïssent,
Ainz qu'a la voie se meïssent,
Tybert et le cheval ensemble ;
Mes nel virent pas, ce me semble.
Quant il nel voient, si s'en vont ;
Chascun fet croiz en mi son front.
Ore est li sanes respitiez,
Que Rufrengiers est mout bleciez.
A son ostel en est venuz,
Mout fu dolent et irascuz.
Sa fame li a demandé :
« Quel vent vos mene et quel oré ?
— Pechié, dist il, et encombrier,
J'encontrai hui .I. aversier,
Entre moi et mon compaingnon,
Seignor Turgis de Lonc Buison,
Qui nos a toz enfantosmez ;
A paine sui vis eschapez. »
Tibert le chat et les deux prêtres C'est de Tybert le chat et des .II. prestres (15)
Notes de traduction (afficher)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire