eux qui ne se sont jamais aimés, et ne sont pas prêts de s'aimer un jour. Ils peuvent dire ce qu'ils veulent, mais ça ne changera rien. Quoi qu'il en soit, ils ont fait la paix, et ont juré devant le roi. Mais elle sera de courte durée, car cela ne se peut à aucun prix que l'un n'ait plus de rancœur contre l'autre, et que chacun soit sans rancune. Je ne donnerais pas une obole pour cette paix, que Dieu m'en garde. C'est vraiment une paix à la Renart, qui n'a jamais cessé de tricher, et qui n'est pas prêt d'arrêter. C'est donc ainsi que Renart et Ysengrin se sont réconciliés, comme il semblerait. Ensuite, ils se sont mis en route, Noble devant avec Ysengrin, puis derrière seigneur Renart, avec les plus mauvaises intentions. « Renart, dit Noble, que fait-on maintenant ? Suivons donc tes conseils. À partir de maintenant, tu seras notre guide, car je sais que tu connais bien les habitants de ce bois ainsi que tous ses sentiers. Mais garde-toi de me mentir ! Si tu connais un endroit dans les alentours, un pré ou un pâturage à l'écart, où nous pourrions trouver quelque proie, emmène-nous-y donc directement. Et si tu le sais, que Dieu t'octroie ce que ton cœur désire le plus, car tu m'auras servi à souhait. » Renart dit alors : « Par saint Rémi, je ne sais pas avec certitude ni comment ni dans quel pâturage trouver une proie qui vaille le coup, mais je crois bien me rappeler, qu'il y a par là-bas une vallée entre deux collines, avec un pré où l'on emmène souvent paître le bétail de cette ferme qui est près d'ici. Allons de ce côté, si vous le voulez bien, afin de découvrir si nous pourrions trouver quelque chose à manger pour tous les trois. — Par Dieu, fait Noble, je suis d'accord. » Ils partent alors dans cette direction, tous ensemble, seigneur Noble, Renart et Ysengrin son bon ami. Mais s'il plaît à Dieu et à saint Rémi, l'amitié sera de courte durée. Ils s'en vont par une voie empierrée, et continuent sur ce chemin jusqu'à ce qu'ils arrivent au pré, dont seigneur Renart leur a parlé. Ysengrin le parcourt du regard, et voit une très belle proie tout au bout. Sachez alors, qu'il en saute de joie, tellement il est accablé par la faim. Il s'imagine être bel et bien arrivé, là où il va pouvoir se remplir la panse. Mais ce n'est là qu'un vain désir, car si l'histoire ne nous ment pas, je pense qu'il en ira tout autrement. Il s'adresse alors au roi : « Sire, fait-il, par la foi que je vous dois, nous avons pris le bon chemin. Je crois bien que nous sommes arrivés, car je vois là, il me semble, un taureau, et une vache qui a son veau avec elle, là-bas au bout de ce petit pré. Ils seront à nous, n'en déplaise à quiconque, je vous conseille toutefois, s'il vous sied, avant d'aller de ce côté, d'y envoyer Renart pour y épier, et écouter s'il n'y a pas un mâtin, un bouvier, ou autre chose qui puisse nous nuire. Nous pourrions bien avoir des ennuis si nous tombions sur eux à l'improviste. Mais comme il est grêle et menu, il ne sera pas vu aussi vite que nous le serions. — Vous dites vrai, fait le lion, il est habile et rusé, et aura vite fait de les repérer. » Il s'adresse alors à Renart : « Renart, fait-il, que Dieu vous garde, vous êtes intelligent et fourbe et devinez tous les dangers. Allez donc épier là-bas pour voir s'il n'y a pas un paysan ou un sale bouvier qui pourrait nous porter préjudice. Car ça serait nous déplacer pour rien si nous n'en rapportions pas quelque profit. — Volontiers, sire, fait Renart. » | 9704 9708 9712 9716 9720 9724 9728 9732 9736 9740 9744 9748 9752 9756 9760 9764 9768 9772 9776 9780 9784 9788 9792 9796 9800 9804 | Cil qui onques ne s'entramerent, Ne ja jor ne s'entrameront. Dire pueent ce qu'il voudront, Mes por ce ne remue droit. Pes ont fete quele que soit ; Devant le roi l'ont fianciee, Mes mout avra corte duree, Que ne puet estre a nul fuer Li .I. n'ait l'autre contre cuer, Ne ja ne seront sanz rancune. Ne donroie pas une prune En cele pes, se Diex me gart, Voirs est que c'est la pes Renart Qui onc ne fina de trichier, Encor ne le velt pas lessier. Einssi ont fete pes ensemble, Renart, Ysengrin, ce me semble. Aprés se sont mis au chemin Nobles avant et Ysengrin, Et puis en aprés dant Renart Qui mout par est de male part. « Renart, dist Noble, que feron ? A ton conseil nos maintendron. A cest point seras nostre mestres, Que bien sai que tu sez les estres De cest bois et toutes les sentes. Mes or gar que tu ne me mentes ! Se tu sez nulieu ci entor, Pré ne pasture en destor, Ou nos peüssons trover proie, Qar nos i mainne droite voie ; Se tu le sez, se Diex t'avoit Chose que li ton cuer covoit, Lors m'avras a mon gré servi. » Et dist Renart : « Par saint Remi, Je nel sai pas certainement En quel pasture ne conment Nos truisson proie qui riens vaille. Mes de tant me recort sanz faille Que il a ça une valee Entre .II. mons en une pree, Ou l'en amainne sovent pestre L'aumaille de cele champestre Vile qui est ici delez. Alons cele part, se voulez, Por savoir et por esprover, Se porrions chose trover Que peüssons mengier tuit troi. — Par Dieu, fet Noble, je l'otroi. » A itant s'en vont cele part Entre seignor Noble et Renart Et Ysengrin son bon ami. Mes se Diex plest et saint Remi, L'amor avra corte duree ; Si s'en vont la voie ferree Et tant ont le chemin tenu Qu'il sont dedenz le pré venu Que dant Renart lor avoit dit ; Ysengrin regarde, si vit El chief del pré mout bele proie. Or sachiez que il ot grant joie, Que mout estoit de fain grevez. Or cuide bien estre arivez En lieu ou il emplist sa pance. Mes ja n'en soit il en beance, Que se l'estoire ne nos ment, Je cuit qu'il ira autrement. Lors a aresonné le roi : « Sire, fet il, foi que vos doi, Nos avon bien chemin tenu. Je cuit bien nos est avenu, Qar je voi ici, ce me semble, .I. tor et une vache ensemble Qui a avec lui son veel, Laïs el chief de cest prael. Ceste avron nos, que que il griet, Mes je vos lo, se il vos siet, Ainz que nos aillons cele part, Que vos i envoiez Renart Por oïr et por espïer, S'il i a mastin ne bovier, Ne chose qui nos puist mal fere. Bien portions avoir contrere, Se nos issi desporveü Estions sor eus embatu. Mes il est grelles et menuz, Si n'ert mie si tost veüz Conme nos i esserions. — Vos dites bien, fet li lions, Il est sages et vezïez, Si les avra tost espïez. » A tant en aresne Renart : « Renart, fet il, se Diex vos gart, Sages estes et decevant Et de toz max aparcevant. Qar alez et si espïez Savoir se la jus verrïez Vilain ne bovier deputaire Dont nos peüst venir contraire ; Qar por noient i erion, Se nostre preu n'i fesion. — Sire, fet Renart, volentiers. » |
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