lui dit seigneur Poncet, si vous acceptez de venir aux noces, il ne nous manquera plus que le prêtre. Je vous donnerai un bon salaire quand tout sera terminé. — Fôtre merci, dit-il, cher seigneur, je ne saura vous refuser. Je saurai dire des chansons d'Ogier, de Roland, d'Olivier, et du baron Charlemagne le vieux. — Vous tombez vraiment à point. » Ce diable de Renart lui répond entre ses dents : « Je suis votre malheur tout trouvé. » Sur-ce, ils se mettent en route. Renart joue de la vielle pour leur plus grande joie, jusqu'à ce qu'ils parviennent à la tanière. Celle-ci est vaste et bien pourvue. Aussitôt arrivés, ils entrent dedans. Renart regarde son château, et descend à l'intérieur. Il ne veut rien laisser paraître mais il a le cœur triste. Il se dit en lui-même, qu'aussi vrai qu'il vit, celui qui rit maintenant va bientôt en pleurer. À travers le pays, dans tout le royaume, Poncet envoie chercher ses amis. Il vient tellement de bêtes, si vous voyiez ça, que vous n'auriez pas pu en faire le compte. Elles se rassemblent toutes au loin, et passent dans le village à grand bruit. Dame Hersent est venue, mais Ysengrin est resté caché. Elle l'a quitté récemment par dépit envers lui, et jure par le saint chapelet que plus jamais elle n'ira à ses côtés. Que peut-on faire d'un homme dans une chambre, s'il n'a pas tous ses membres ? Qu'il aille donc dans les bois, et se débrouille tout seul. C'est normal que tout le monde le haïsse, elle s'en est donc détournée. Elle arrive aux noces bien apprêtée, avec tout un cortège d'autres personnes. Renart leur chante un air qu'ils écoutent avec beaucoup de plaisir. Tibert le chat et Brun font le service. Les cuisines sont pleines de coqs, de poules, et de viandes grasses. Il y a aussi d'autres victuailles, selon ce que chacun veut. Et le jongleur continue de chanter pour le plus grand plaisir de chacun. Jamais personne n'a entendu d'aussi grand bagou que celui de Renart dans son anglais. Après manger, ils se séparent tous dès qu'il n'y a plus rien d'autre à faire. Il ne reste alors ni bons, ni mauvais, ni chauves, ni chevelus, à part Poncet et les siens. Chacun retourne à son repaire, Renart reste faire son métier de jongleur. Dame Hersent entre avec la mariée dans la chambre. Elle fait un lit à Poncet, où celui-ci espère prendre du plaisir. | 8504 8508 8512 8516 8520 8524 8528 8532 8536 8540 8544 8548 8552 8556 8560 8564 | Ce li a dit sire Poinciax, Se vos as noces volez estre, Dont ne nos faut il que le prestre ; Je vos donré du mien assez, Quant cist aferes ert passez. — Foutre merciz, dist il, biau sir, Je ne vos savra escondir. Je savrai dir chançon d'Ogier Et de Rollant et d'Olivier Et de Challon le ber chanu. — Dont vos est il bien avenu. » Entre ses denz dist li maufez : « Je sui a vos li mal trovez. » A tant se metent a la voie, Renart vïele et fet grant joie, Tant qu'il vindrent a la tesniere, Qui mout estoit large et pleniere. Quant vindrent la, si entra enz, Son chastel vit et il descent. Il n'en volt fere autre semblant, Mes mout en a le cuer dolent ; En son cuer pense, se il vit, Que tiex en plorra qui en rit. Par le païs et par la terre Envoie cil ses amis querre. Tant veïssiez bestes venir, N'en pouissiez conte tenir ; De mout loing si assemblent tuit, Par la vile mainnent grant bruit. Dame Hersent i est venue, Et Ysengrin remest en mue. Novelement lessié l'avoit Por mautalent c'a lui avoit, Et jure sainte Patenostre Que ja mes n'ira lez sa coste. Qu'a l'en d'onme a fere en chambre, Puis que il n'a trestoz ses membres ? Mes voist au bois, si se porchace, Droit est que tot le mont le hace ; A tant s'en est de li tornee. A noces vint bien atornee, Et d'autres une mout grant rote. Renart lor chantoit une note Que il a mout grant joie oïrent. Tybert li chaz et Brun servirent ; Toutes sont plaines les cuisines De cos, de gras et de gelines ; D'autres vitailles i avoit Selonc ce que chascun voloit. Et li jougleres lor chantoit Et a chascun forment plesoit : Onc n'oï nul si grant jenglois Con Renart mainne en son englois. Aprés mengier se departirent Tot maintenant que plus ne firent ; Onc n'i remest ne bons ne maux, For eulz, ne cheveluz ne chauz ; Chascun s'en va a son repere, Renart remest son mestier fere. Dame Hersent o l'espousee S'en est dedenz la chambre entree, Et a Poincet a fet .I. lit Ou cuide mener son delit. |
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