comme Renart sait très bien, la tombe d'une martyre dont vous m'avez déjà entendue parler, c'est celle où gît Coupée. Car tout le monde sait qu'elle fait manifestement de vrais miracles pour tous. Aucun homme n'en revient, aussi infirme soit-il, qu'il soit prêtre, laïc, ou clerc, sans que tous les maux qu'il a, ne soient guéris sur-le-champ. Renart le roux y avait vu la veille, deux collets tendus, et un piège enfoui dans la terre. Il l'a bien consolidé avec quatre clous qu'il avait dérobés à un paysan. Il l'a enfoncé et caché là, sachant bien qu'il en aurait besoin un jour, car il s'y connaît en maintes choses. Au moment d'aller se coucher, il fait venir le marié à lui, et lui dit dans son jargon : « Seigneur Bosé, si vous êtes raisonnable et vous voudras croire mon conseil, je vous dirai une parole toute vraie, et vous savez ce que je veux dire. Un très bon martyr gît là-bas, et Dieu fera de grands miracles pour lui. Si vous voulez aller pieds nus, porter une chandelle dans votre main, veiller là-bas jusque à demain, et faire brûler votre chandelle, vous pourrez bien avoir vos enfants. » Poncet lui répond : « Très volontiers. » Là-dessus, ils partent par les sentiers, il porte une chandelle dans sa main qui brûle plus clairement qu'une étoile. Sur un monticule, sous un pin, ils trouvent un tombeau. Renart s'arrête, l'autre passe devant : « Allez, dit Renart, que Dieu vous aide à avancer ! » L'autre avance, mais il hésite, quand Renart le pousse par-derrière. Il le pousse tellement fort qu'il tombe net, le cou pris dans un des collets. Il tombe en plein dans le piège qui est chevillé au fossé. Il tire fort et se brise le bras. Le collet le fait terriblement souffrir. Il fait beaucoup d'efforts, et tire encore plus fort. Il invoque Dieu et le martyr pour qu'ils lui viennent en aide pour de vrai, car il n'a aucun de ses parents ici. Il tire et retire, mais ça ne sert à rien, et Renart se moque de lui d'en haut : « Poncet, nous en avons assez entendu, et nous sommes trop restés ici. Vous semblez beaucoup aimer ce martyr, puisque vous ne voulez pas vous en séparer. Vous voulez devenir ermite, moine ou prêtre ? Dites moi. Vous ne pouvez plus revenir ? Le martyr veut vous retenir ? Ça va sembler très étonnant si vous ne voulez plus veiller cette nuit, puisque vous êtes jeune marié. Votre femme vous a déjà beaucoup attendu. » Il fait déjà nuit noire quand voici qu'arrivent à grande allure quatre garçons et un paysan, un ennemi du frère Gilain. Ils connaissent très bien les bois. Ils trouvent Poncet prisonnier, ils le tirent et le retirent tellement qu'ils le brisent complètement et le tue. | 8568 8572 8576 8580 8584 8588 8592 8596 8600 8604 8608 8612 8616 8620 8624 8628 8632 8636 8640 | Si que Renart mout bien le sot, Une tombe d'une martire Don vos m'avez bien oï dire ; Ce est Coupee qui gesoit. Car tout le monde le savoit Qu'ele fesoit apertement Vertuz a trestoz vraiement ; Nus hons n'i vient, tant soit enfers, Ou soit prestres ou lais ou clers, De touz les max que il eüst Enelepas guariz ne fust. Renart le rous i ot veüz Le jor devant .II. laz tenduz Et .I. broion en terre enclos ; Bien le ferma a .IIII. clos Qu'a un vilain avoit emblé. Illuec l'ot repost et enté ; Bien sot qu'il en aroit a fere, Qar il savoit de maint afere. Quant il durent aler gesir, L'espousé fet a lui venir, Si li a dit en son langage : « Sire Bosé, se vos fu sage Et tu voudré mon conseil croir, .I. parol vos diré tout voir Et savez que je vos voil dir. Laïs gist .I. mout bon martir, Por li fera Diex grant vertuz. Se volez aler a piez nuz Et porter chandoil en ton main, Et veillier la jusque a demain, Et ferez ton chandoil ardoir, Bien porrez vos enfanz avoir. » Ce dist Poincet : « Mout volentiers. » A tant s'en entrent es sentiers ; En sa main porte une chandoile Qui plus cler art que une estoile. Desoz .I. pin en .I. moncel, Illuec troverent .I. tombel. Renart s'estut, cil vet avant : « Oz vos, dist Renart, Diex t'avant ! » Cil vet avant et il se doute ; Renart aprés et si le boute, Tant fort le boute qu'il chiet plat Par mi le col en .I. des laz ; Il est chaüz enz el broion Qui chevilliez est el roion. Cil tire fort et li brois froisse ; Li laz li a fait grant angoisse, Forment s'esforce et forment tire. Reclainme Dieu et le martire Que il li soit verai aidant, Que ci n'a nul de si parent ; Tire et retire, ne li vaut, Et Renart le rampone en haut : « Poncés, assez avon oré, Nos avon ci trop demoré. Vos amez mout cestui martir Quant de lui ne volez partir. Volez vos devenir hermites, Moinnes ou prestres ? Ce me dites. Vos ne pouez d'ilec venir. Le martir vos velt detenir. Ce sera mout a merveillier, Se vos volez anuit veillier ; Que noviax estes espousez, Vo moillier vos atent assez. » Ja ert il noire nuit oscure ; A tant es vos grant aleüre .IIII. garçons et .I. vilain, .I. anemi frere Gillain ; Le boscage ont mout bien apris. Poincet ont trové entrepris ; Tant l'ont tiré et desachié Que tot l'ont mort et debrisié, |
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