vendredi 23 novembre 2012

Hermeline et Hersent - La dispute




Quand dame Hermeline entend ces paroles,
D


ame Hermeline ot la parole
elle répond comme une folle,
enflammée de jalousie
parce que son seigneur a baisé l'autre,
et elle lui dit : « N'était-ce pas par putasserie ?
Vous vous êtes livrée à la débauche,
vous m'avez fait un grand déshonneur,
un grave préjudice, un terrible outrage
en laissant mon baron
vous battre cette sale croupe.
Vieille pute, sale traînée,
on devrait vous brûler dans la braise
puis jeter vos cendres au vent,
pour vous être vantée à moi
de ce que mon seigneur vous a fait.
Ah ! ce que vous avez fait là est très grave !
qu'on vous tonde donc cette pelisse
et qu'on vous fasse un lit de charbon ardent,
car vous avez vous-même un mari,
et vous lui avez fait aussi
un pareil déshonneur.
Vos fils sont donc tous des bâtards.
Votre douleur vous est passée bien vite,
puisque vous commettez l'adultère avec les autres.
Et en plus, votre seigneur
à qui vous avez fait une telle honte,
ne sera plus jamais aimé
mais traité de cocu pour toujours. »
Plus elle en dit, et plus elle est en colère,
sachez qu'elle se fâche vraiment très fort.
L'autre lui répond en riant :
« Il y a en vous tout de la pute lubrique,
car vous aviez déjà un seigneur,
puis vous en avez pris un autre.
C'est vraiment un faible et un lâche
de ne pas vous avoir pendue à une corde.
Vous êtes une très mauvaise personne,
vous ne pourriez être pire,
vous êtes plus répugnante que la mouche
qui pique l'enfant à sa naissance.
Qui que ce soit qui vienne ou passe,
votre tanière ne fait jamais défaut,
et vous le faites venir à vos côtés.
Si pour cela mes fils sont des bâtards,
foi que je dois à Sainte Marie,
je ne les rejetterai pas pour autant.
D'ailleurs celui qui voudrait chasser
ou déshériter tous les bâtards ensemble,
devrait être plus puissant
que le meilleur des barons de France.
Mais vous êtes une vraie tenancière de bordel,
vous pratiquez l'adultère, puis telle une meurtrière
vous abandonnez vos enfants, ça, on le sait bien.
Et vous ne vous refusez à personne, je le sais aussi.
— Vous mentez, putain de sorcière,
taisez-vous avant que je ne vous frappe.
— Vous ? me frapper ? pute merdeuse,
pute puante, pute hideuse !
Si vous l'aviez sérieusement envisagé,
vous auriez déjà les paumes ouvertes
et la peau tranchée et déchirée,
car je ne manque pas de dents aiguës. »
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Et respondi con fame fole.
Jalousie l'ot enflambee,
Que ses sires l'avoit frotee,
Et dit : « Ne fu de puterie ?
Vos feïstes grant lecherie,
Grant deshennor et grant donmage
Me feïstes et grant outrage,
Quant vos soufristes mon baron
A batre vos cel ort crepon.
Pute vielle, orde remese,
L'en vos devroit ardoir en brese,
Si que la poudre en fust ventee,
Quant a moi vos estes vantee
De mon seignor qu'il vos a fet.
Haï ! con avez forment fet !
Qu'en vos tondist cel peliçon
Et feïst lit de vif charbon,
Quant vos avez vostre seignor,
Et feïstes tel deshonnor
Et a lui aussi d'autre part.
Or sont tuit vostre filz bastart.
Tost fu a vos li dels passez,
Quant vos les autres avoutrez,
Et meïsmes vostre seignor
Avez fete tel desennor
Que ja mes ne sera amez
Et tot adés ert cox clamez. »
Mout li dist et mout se corouce,
Sachiez mout forment se degroce.
El li respondi en riant :
« Mout a en vos pute fruiant,
Quant vostre seignor avïez
Et puis .I. autre prenïez.
Mout est mauvés, mout est coart,
Qu'il ne vos pent a une hart.
Mout par estes de mauvés estre,
De peor ne pouez vos estre,
Que plus estes pute que moche
Qui au nestre l'enfant atoche.
Qui que vienne ne qui que aut,
Vostre tesniere ne li faut
Que nel tornez a vostre part.
Se por ce sont mi fil bastart,
Foi que je doi sainte Marie,
Por ce nes geteré je mie.
Qui les voudroit trestoz giter
Les bastars et desheriter,
Assez aroit meillor puissance
Que n'a li mieudres bers de France.
Mes vos qui estes bordeliere
Vos avotrez conme murdriere
Les vos enfanz, ce set l'en bien.
Ainz ne veastes, jel sai bien.
— Vos i mentez, pute sorciere,
Tessiez vos que je ne vos fiere.
— Vos me ferrez, pute merdeuse,
Pute puant, pute hideuse ?
Se l'avïez pensé a certes,
Ja i avroit paumes ouvertes
Et piax tranchies et rompues,
Se ne me faillent denz agües. »
La dispute de la femme de Renart et de la femme d'Ysengrin Ci conmance la desputoison de la fame Renart et de la fame Ysengrin (13)
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