Renart aperçoit Ysengrin, ce qui l'inquiète beaucoup. Il est là en train de chercher une aubaine, car il a extrêmement faim. Renart se dit alors : « Je vais mourir maintenant, car Ysengrin est gros, gras, grand et fort, et moi je suis maigre et épuisé par la faim, qui me fait souffrir un grand tourment. Mais je ne pense pas qu'il me reconnaisse, excepté quand je parle, où je crois bien qu'il me reconnaîtra entre tous. Je vais aller vers lui quoi qu'il arrive, j'entendrai ainsi les nouvelles de la cour. » Avec conviction, il se dit en lui-même qu'il va changer sa manière de parler. Ysengrin regarde alors de ce côté, et voit Renart venir vers lui. Il lève la patte, puis se signe, avant que l'autre ne parvienne à lui, plus de cent fois, ainsi que je le crois. Il a une telle peur, peu s'en faut qu'il ne s'enfuit. Après avoir fait cela, il s'arrête et se dit que jamais il n'a vu de telle bête, qui vient certainement d'une terre étrangère. Voici Renart qui le salue : « God helps you, fait-il, cher seigneur ! je ne saurai rien dire dans ta langue. — Que Dieu vous garde, très cher ami ! d'où êtes-vous donc ? de quel pays ? Vous ne semblez pas être né en France, ni être d'un pays de notre connaissance. — Non, ma seigneur, mais de Bretagne, moi tellement ignorant, tout perdu mon gain, j'ai cherché partout ma compagnon, je ne trouvera personne qui me renseigne. Toute la France et toute l'Angleterre j'aura cherché pour trouver ma compagnon. Je voudrai maintenant retourner pour rester, je ne sais plus où je puisse chercher. J'aurai tant demeuré dans ce pays que j'aurai bien connu toute la France. Mais avant, moi j'ira à Paris, puis j'aurai appris tout le français. — Et, connaissez-vous quand même un métier ? — Oui, je serai bon jongleur, mais hier je m'a fait voler et battu, et me suis fait prendre mon vielle. Si je pourra avoir un vielle, je vous dirai un rotruenge, ou un beau lai ou un beau chant, parce que vous me semblez un homme de bien. Je n'ai pas mangé un jour entier, je mangerai bien volontiers maintenant. — Qu'avez-vous donc comme nom, très cher ami ? — Je serai appelé Galopin. — Savez-vous raconter des histoires ? Et pourquoi n'avez-vous plus de vielle déjà ? — Non, un individu de mon métier me l'a pris avant-hier. Mais je saurais dire un bon lai breton, de Merlin ou de Foucon, d'Arthur ou de Tristan, du Chèvrefeuille ou de saint Brandan. — Savez-vous le lai de dame Iseut ? — Ya, ya, God knows, je saurai bien tous les dire. » Ysengrin dit : « Vous êtes un brave, et vous en savez aussi beaucoup, comme je le crois. Mais par la foi que l'on doit au roi, avez-vous déjà vu, Dieu vous en garde, un misérable rouquin de vile engeance, un flatteur, un traître qui n'a jamais aimé personne, qui trompe et roule tout le monde ? Que Dieu me donne de le tenir encore ! Il a échappé au roi avant-hier par ruse, et dans la confusion. Le roi l'a fait prendre pour avoir poussé la reine à la renverse sous lui, et pour beaucoup d'autres méfaits dont il ne semble jamais se lasser. Il m'a tant fait de tort que je voudrais qu'il lui arrive un mauvais tour. Si je peux le tenir entre mes mains, il lui faudra mourir très vite, car le roi en a donné la permission, le commandement, et même réclamé justice. » Renart tient la tête inclinée : « Ahi ! dit-il, seigneur Ysengrin, quel sale débauché, quel fou furieux, comment était-il pelé déjà ? — Quoi il a nom, vous voulez dire ? — Il était appelé Anon alors ? » Ysengrin rit quand il entend ça, le nom d'Anon le réjouit, ça lui fait plaisir plus que tout autre chose. « Vous voulez, dit-il, savoir son nom ? — Ya, fait-il, comment était-il appelé ? — Il a pour nom Renart, le maudit. Il nous trompe et nous roule tous, si Dieu me donnait de le tenir, la terre serait alors débarrassée de lui, car il en resterait peu de chose. — Il lui arrivera donc beaucoup de mal, seigneur, quand vous l'aurez trouvé. Par la foi que je dois au Saint Martyr né saint Thomas de Cantorbéry, pour tous les biens que Dieu avoir je ne voudrais pas lui ressembler. — Vous avez raison, dit Ysengrin, rien de vous aiderait, ni Apollon, ni tout l'or qui est sur terre, car vous ne nous feriez plus jamais la guerre. Mais dites-moi donc, mon cher ami, le métier que vous pratiquez, sauriez-vous en faire usage à la cour de sorte qu'aucun jongleur ne vous porte ombrage ? — Par ma seigneur Jérusalem, il n'en a pas été trouvé de tel cette année. — Venez donc avec moi, et je vous présenterai au roi et à madame la reine, qui est une jeune personne fort distinguée. Comme je vous trouve élégant et aimable, je vous ferai connaître de tout le monde. Si vous voulez venir avec moi, je ferai de vous quelqu'un de très estimé. — Fôtre merci, dit Galopin. je saurai faire de bons tours, et je sais aussi bien fait le chevalier pour que moi je suis estimé à la cour. Et si j'aura mon vielle, je vous dirai un rotruenge, et je vous chanterai aussi un tel air, pour vous qui me semblez homme de bien. » Ysengrin répond : « Vous savez ce que vous allez faire ? Venez donc, j'ai connaissance d'une vielle chez un paysan qui se divertit avec, et aussi tous ses voisins avec lui. Il en donne grande joie à ses enfants, il n'est guère de nuit où je ne l'entende pas. Par la foi que je dois au Saint-Père, la vielle est bonne et belle, et si vous venez avec moi à la cour, vous l'aurez pour vous, quoi qu'il advienne. » | 7984 7988 7992 7996 8000 8004 8008 8012 8016 8020 8024 8028 8032 8036 8040 8044 8048 8052 8056 8060 8064 8068 8072 8076 8080 8084 8088 8092 8096 8100 8104 8108 8112 8116 8120 8124 8128 | Vit Ysengrin, mout s'en esmaie, Ou il atendoit aventure, Qar fain avoit a desmesure. Lors dist Renart : « Or sui je morz, Qar Ysengrin est cras et gros ; Ysengrin est et gros et cras Et je de fain et megre et las, Mout en ai soufert grant angoisse. Ne cuit que ja mes me connoisse, Fors au parler, ce croi je bien, Me connoistra sor toute rien. G'irai vers lui, a quoi que tort, S'orrai noveles de la cort. » Mout pense bien en son corage Que il muera son langage. Ysengrin garde cele part Et voit venir vers lui Renart ; Drece la poue, si se saigne, Ançois que il a lui parviengne, Plus de .C. foiz, si con je cuit ; Tel peor a, poi ne s'en fuit. Quant ce ot fet, lors si s'areste Et dist c'onques ne vit tel beste ; D'estrange terre est venue. Es vos Renart qui le salue : « Godehelpe, fet il, biau sire ! Ne savré rien ton reson dire. — Et Diex vos saut, biax doz amis ! Dont estes vos ? de quel païs ? Vos n'estes mie nez de France Ne de la nostre connoissance. — Non, ma seignor, mes de Bretaing, Si fou tout perdu mon gaaing, Tout fu cerchié por ma compaing, Ne trovera rien qui m'ensaing. Trestot Franc n'en tot Engleter Avra quis por ma compaing quer. Or vodrai torner por rester, Ne sai mes ou puisse querer. Tant avré moré cest païs Que j'avré ja tout France pris. Mes Paris ira moi ançois, Si avré pris trestout françois. — Et savez vos nisun mestier ? — Ouil, je serai bon jugler, Mes je fot eir rober, batu Et mon vïel me fu tolu. Se je voudra avoir vïel, Je vos diré .I. rotruel, Ou .I. biau lai ou .I. biaus son Por ce vos me semblez preudon ; Je ne menjai .I. jors entiers, Or mengeré mout volentiers. — Com as tu non, biax doz amis ? — Je seré pelé Galopins. — Et sez tu dire point novel ? Por qoi tu n'as point de vïel ? — Non, un vassal de mon mestier Si l'a me tolez avant eir. Je savré dir bon lai breton Ou de Mellin ou de Foucon, Et de Artur et de Tristan, Et du Chievrefueil saint Brandan. — Sez tu le lai de dame Yseut ? — Ia, ia, goditoueut, Bien les savré fere trestouz. » Dist Ysengrin : « Tu es mout prouz Et si sez mout, si con je croi. Mes par la foi que doi le roi, Veïs tu onc, se Diex te gart, .I. rous garçon de pute part, .I. losengier, .I. traïtor Qui onc n'ot vers honme amor, Qui tot deçoit et tot engingne ? Diex dont que encore le tingne ! Avant ier eschapa le roi Par son enging, par son desroi, Qui pris l'avoit por la roïne Que desoz lui geta souvine Et por autres mesfez assez Dont onc ne pot estre lassez. Tant m'a forfet que je voudroie Que il tornast a male voie. Se jel pouoie as poins tenir, Mout tost le covendroit morir : Li rois en a donné congié Et conmandé et chalangié. » Renart tenoit le chief enclin : « Haï !, dist il, sire Ysengrin, Mauvés lechierres, fox desvez, Conment fu il onques pelez ? — Conment vodra avoir a non ? — Fout il donques pelez Asnon ? » Ysengrin rit, quant ce oï, Por le non d'Asnon s'esjoï, Mout l'ama miex que nul avoir. « Volez, fet il, son non savoir ? — Ia, fait il, con fu pelez ? — Renart a non li desfaez. Toz nos deçoit, toz nos engingne ; Se Diex donne que je le tiengne, De lui seroit la terre quite, La seue part seroit petite. — Donques sera mout mal torné, Sire, se tu l'avras trové. Par la foi que doi saint Martir Ne saint Thomas de Cantorbir, Que por l'avoir que Diex aver Nel voudroie pas resembler. — Vos avez droit, dist Ysengrin, Ne vos i vaudroit Apolin Ne tot li or qui soit en terre, Que ja mes nos meüssiez guerre. Mes or me di, biax douz amis, Del mestier dont t'es entremis, Se tu en sez servir a cort Que nul jougleor ne t'en tort. — Par ma seignor Jerusalem, Ne fot il tel trouvé ouen. — Donques t'en vien aveques moi Et je t'atorneré au roi Et a ma dame la roïne Qui mout est cortoise meschine, Et je vos voi et bel et gent, Acointeré vos de la gent. Et se tu vels a moi venir, Je te feré mout chier tenir. — Foutre merci, dist Galopins ; Je savré bien fere chopins, Et si sez bien fez chevalier Dont moi sui a cort tenu chier. Et se je avra mon vïel, Je vos dirai .I. rotruel, Et si vos dirai .I. tel son Por vos qui me semblez preudon. » Dist Ysengrin : « Sez tu que fai ? Vien t'en : une vïele sai Chiés .I. vilain qui s'en deduit Et avec lui si voisin tuit ; A ses enfanz en fet grant joie, N'est gueres nuit que je ne l'oie. Par la foi que je doi saint Pere, La vïele est bone et bele ; Si venez avec moi a cort, Cele avrez vos a qoi qu'il tort. » |
C tres bien fait BRAVO, car c gratuit et que c bien fait mais je ne l'ai pas lu c trop seul petit probleme
RépondreSupprimeril est bien mais complique
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