dimanche 28 octobre 2012

Renart jongleur - La honte d'Ysengrin




Le paysan appelle ses voisins en criant,
L


i vilain huche ses voisins
puis ses parents et ses cousins :
« À l'aide, Dieu du ciel !
un diable vivant est entré à l'intérieur. »
Quand Ysengrin voit la porte ouverte,
et les paysans vils et perfides
avec leurs cognées et leurs massues,
qui arrivent en courant par les rues,
il fait un bond directement
entre la porte et le paysan.
Il le heurte si fort qu'il le renverse
carrément dans un bourbier,
puis retombe les quatre pattes sur le sol.
Ne sachant où chercher son compagnon,
il s'en va en fuyant entre les paysans.
Ceux-ci le poursuivent en le huant,
puis récupèrent celui qui est dans la boue,
si étendue et si profonde qu'il est en train de s'y noyer.
Ils le tirent en dehors à grand-peine,
il mettra plus d'un mois à se rétablir.
Ysengrin n'est pas du tout rassuré,
il s'en va en fuyant à grande allure,
et n'a soin de séjourner plus longtemps.
Il se met alors à dévaler
vers le bois, et continue par une sente.
Il est très malheureux, et se lamente beaucoup
parce qu'il a perdu ses choses.
Mais il n'ose en parler à personne,
car si sa femme l'apprenait,
elle ne ferait plus attention à lui.
Il continue néanmoins en toute hâte,
ne sachant plus dorénavant à qui faire confiance.
Seigneur Ysengrin va et vient
par les sentiers, les voies et les chemins,
hurlant et traînant son cœur,
peu s'en faut qu'il n'enrage de douleur.
Il va tant et si bien qu'il arrive à sa tanière,
il y entre par la porte de derrière,
et retrouve sa famille à l'intérieur :
« Que Dieu soit ici avec vous ! dit-il. »
Il ne parle guère fort,
plutôt à voix basse, et d'un air abattu.
Dame Hersent est toute contente,
elle se jette à son cou et l'embrasse cent fois.
Ses fils sautent partout, puis se serrent contre lui,
tout joyeux, riant et babillant.
Pourtant s'ils connaissaient toute l'affaire,
on les verrait faire une autre tête.


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Et ses parens et ses cousins :
« Aidiez, biax Diex esperitables !
Ceanz sont entré vi deables. »
Quant Ysengrin vit l'uis ouvert,
Et li vilain fel et cuivert
A coingnies et a maçues
Viennent corant par mi les rues,
Entre la porte et le vilain
Fet Ysengrin .I. saut au plain,
Si fort le hurte qu'il l'abat
Enz en .I. fangier trestot plat ;
Des .IIII. piez fiert a la terre,
Ne set ou son compaingnon querre.
Par les vilains s'en va fuiant
Et il le vont trestuit huiant ;
Le vilain trovent en la boue
Grande, parfonde si qu'il noue.
Hors l'en ont tret a mout grant painne ;
D'un mois ne fu aprés sanz painne.
Ysengrin pas ne s'aseüre,
Fuiant s'en va grant aleüre :
N'avoit cure de sejorner.
Quant il conmence a avaler
Au bois, s'en vet par une sente ;
Mout fu dolent, mout se demente
Por ce qu'il a perdu la chose,
Mes a nului parler n'en ose,
Qar se sa fame le savoit,
Ja mes cure de lui n'avroit.
Mes neporquant vet s'en grant erre,
Or ne se set mes en qui croire.
Tant vet et vient dant Ysengrin
Sentiers et voies et chemins
Ullant et menant son corage :
Par .I. petit de duel n'enrage.
Tant fet qu'il vient en la loviere ;
Par l'uis s'en entre par derriere,
Sa mesniee trove laiens :
« Diex soit o vos, fait il, laiens ! »
Ne parla gueres hautement,
Mes coiement et matement.
Dame Hersent estoit a aise,
Au col li vet, .C. foiz la baise,
Et si fil saillent, si l'acolent,
Joent et rient et parolent ;
Mes s'il seüssent tout l'afere,
Autre joie lor veïst fere.
Comment Renart fut teinturier C'est si conme Renart fu tainturiers (11)
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