vendredi 24 août 2012

Le siège de Maupertuis - Le cadeau de la reine




Madame Fière l'orgueilleuse,
M


adame Fiere l'orgueilleuse,
qui est si digne et magnifique,
sort enfin de sa tente.
Elle est encore toute frémissante et moite de douleur,
tant à cause de Renart, que par la peine
de voir ce qu'ils lui ont tous fait subir aujourd'hui.
Elle se repend du don de l'anneau,
car elle sait très bien ce qui lui pend au nez.
Elle pense à son tour avoir beaucoup d'ennuis
quand cette affaire sera passée,
mais elle n'en peut rien laisser paraître.
Elle s'en va de son petit pas rapide,
s'arrête devant Grimbert,
et lui parle avec sérénité :
« Seigneur Grimbert, dit la reine,
Renart fait pour son malheur l'expérience de sa mauvaise conduite,
de sa folie et de son outrage,
il en reçoit aujourd'hui une bien grosse punition.
Je vous apporte ici un talisman :
nul n'a peur de la mort, si pénible soit-elle,
s'il le porte en toute confiance,
car il n'aura jamais plus à redouter la mort.
Si seigneur Renart l'avait sur lui,
désormais il ne recevrait plus la mort
ni à tort ni à raison,
il n'aurait plus jamais à craindre de mourir.
Dites lui de ma part qu'il l'accepte,
mais à voix basse, que personne ne l'aperçoive,
car il me prend une grande pitié pour lui.
Prenez soin de ne le dire à personne.
Je ne dis pas cela par lubricité,
que Dieu me réserve un bon sort,
mais parce qu'il est bien élevé.
Il me peine de le voir affligé,
sa contrariété me pèse beaucoup,
car il est noble et bienveillant. »
Grimbert répond : « Noble dame
et reine couronnée,
que celui qui voit loin, qui observe tout,
qui est roi et maître de tout bien,
et qui vous a donné un tel honneur,
vous préserve du déshonneur.
Car si Renart peut s'en échapper vivant,
il sera encore plus votre ami. »
À ces mots, elle lui tend le talisman,
et Grimbert le prend volontiers.
La reine lui demande alors
à l'oreille, en secret, de dire
à Renart, quand il se sera échappé
de là où il s'est fait attraper,
qu'il ne renonce en aucune manière,
pour tout l'amour qu'il lui a promis,
de venir lui parler
dans l'intimité mais surtout sans tapage.
Sur ces mots, ils se séparent.
Les ennemis de Renart l'auront croisé pour leur malheur,
ils lui ont déjà mis la corde au cou,
jamais Renart n'a été si près du châtiment.
Quand Grimbert, son cousin, arrive,
il voit Ysengrin qui tient Renart
et s'apprête à le tirer fort vers le haut.
Les autres se sont retirés un peu plus loin.
Seigneur Grimbert parle alors à haute voix,
tous l'écoutent sagement :
« Renart, il n'y a aucune autre issue,
vous êtes arrivé à l'heure de votre exécution,
il vous faut en passer par là.
Vous devriez maintenant vous confesser,
et faire votre testament pour vos enfants :
vous en avez trois beaux et grands.
— Vous parlez bien, lui dit Renart,
il est de bon droit qu'ils aient leur part.
Mon château, qui ne sera jamais pris par un homme,
sera à mon fils aîné
Toutes mes autres forteresses,
je les lègue à ma femme aux courtes tresses.
À mon autre fils Percehaie,
je laisse l'essart de Robert Fresaie,
et à mon plus jeune fils Roussel,
je donne l'essart de Martin Lovel
et le courtil derrière la grange,
où il y a de nombreuses poules blanches.
Il y trouvera suffisamment de victuailles,
je ne pense pas qu'il lui en manque avant un an,
il pourra fort bien se sustenter avec tout cela.
Je ne sais pas quoi leur donner d'autre,
voilà donc comment je partage leur héritage,
ici même devant tous ces barons.
— Votre fin est tout près, dit Grimbert,
et je suis votre proche cousin,
donnez-moi donc quelque chose de vos biens,
ce serait bien agir,
et vous feriez preuve d'une très grande sagesse. »
Renart répond : « Vous dites vrai,
si ma femme se marie,
par la foi que je dois à Sainte Marie,
retirez-lui tout ce que je lui ai légué,
et maintenez mes terres en paix.
Avant que Thibaut ne soit chrétien,
elle aura vite fait d'en prendre un dans ses liens.
Car, quand l'homme gît en bière,
sa femme regarde par-derrière,
et si elle voit un homme qui lui plaît,
elle ne peut s'empêcher de dissimuler son désir,
mieux encore, elle va tremblante, s'évanouissant presque,
et ne fait nullement semblant.
La mienne fera autant que tout autre,
et dans trois jours elle retrouvera sa joie.
S'il plaisait à monseigneur le roi
de me faire une faveur,
qu'il accepte que je devienne moine,
ermite, reclus ou chanoine,
et me laisse revêtir la haire.
Pour sûr, si cela peut lui plaire,
je souhaite renoncer à ce monde cruel,
car de cette vie, je n'en ai plus envie. »


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Qui mout est fiere et merveilleuse,
S'en est hors de sa tente issue.
De duel fremist tote et tressue,
Que por Renart, que por l'anui
Que voiant touz li a fait hui.
Du don de l'anel se repent,
Qar mout set bien qu'a l'ueil li pent ;
Qar il recuide avoir assez,
Quant li afaires ert passez ;
Mes n'en puet fere autre semblant.
Son petit pas s'en vet amblant,
Devant Grimbert s'est arestee,
A lui parla conme senee :
« Sire Grimbert, dist la roïne,
Mar vit Renart son mal covine
Et sa folie et son outrage :
Hui en reçoit mout grant donmage.
Je vos aport ici .I. brief ;
Nus n'a peor de mort si grief,
S'il l'avoit par bonne creance,
Que ja de mort eüst doutance.
Se dant Renart l'avoit sor lui,
Il ne recevroit mort mes hui ;
Ne par droiture ne par tort
N'aroit il ja peor de mort.
Dites de ma part le reçoive,
Basset, que nus ne l'aparçoive,
Qar grant pitié me prent de lui.
Gardez nel dites a nului.
Je nel di pas por lecherie,
Si me doint Dex bone escherie,
Mes por ce qu'est bien afaitiez,
Me poise qu'il est deshaitiez ;
Mout me poise de son contraire,
Qar mout est frans et debonaire. »
Grimbert respont : « Dame honoree,
Dame roïne coronnee,
Cil qui loing voit et qui loing mire
Et de toz biens est rois et sire
Et qui t'as mis en tele honor,
Icil te gart de deshonor ;
Car s'il em puet eschaper vis,
Encor sera mout vos amis. »
A icest mot le brief li tent
Et Grimbert volentiers le prent,
Et la roïne li conseille
Priveement dedenz l'oreille
Que quant Renart ert eschapez
De ce dont il ert atrapez,
Que il ne lest en nule guise,
Par l'amor qu'il li a pramise,
Que il a lui parler ne voise
Priveement et toz sanz noise.
A icest mot se departirent.
Si anemi Renart mar virent ;
La hart li ont ja el col mise,
Ja fust Renart pres de jouise,
Quant Grimbert, ses cosins, i vint ;
Voit Ysengrin qui Renart tint,
Traire le volt a force sus,
Li autre sont bien trait en sus.
Dant Grimbert parla hautement
Oiant trestoz et sagement :
« Renart, sanz nul autre devise,
Estes venuz a vo juïse,
Par ci vos en covient passier.
Or vos deüssiez confessier
Et fere lez a vos enfanz
Dont vos avez .III. biax et granz.
— Vos dites bien, ce dist Renart,
Bien est droiz qu'il aient lor part.
Mon chastel ert mon filz l'ainz né,
Que ja n'ert pris par honme né.
Toutes mes autres fortereces
Lez a ma fame as cortes treces.
Et mon filz l'autre, Percehaie,
Lairoi l'essart Robert Fresaie,
Et a mon petit filz Rousel
Lairé l'essart Martin Lovel
Et le cortil derier la granche
Ou a mainte geline blanche ;
Assez i trouvera vitaille,
Ne cuit jusqu'a .I. an li faille ;
De ce se puet il bien garir.
Ne lor sai plus que departir.
Issi lor devis ge lor les,
Ici devant trestoz ces bers.
— Pres est, dist Grimbert, vostre fins
Et je sui pres vostre cosins ;
De vostre avoir aucune rien
Me redonnez, si ferez bien
Et si ferez mout grant savoir. »
Renart respont : « Vos dites voir ;
Et se ma fame se marie,
Foi que je doi sainte Marie,
Tolez li quant que je li les
Et si tenez ma terre en pes.
Ainz que Tibaut soit crestïens,
En metra un en ses lïens.
Qar quant li hons gist en la biere,
Sa fame garde par deriere
S'ele voit honme a son plaisir ;
Ne puet pas son voloir taisir,
Con plus se pasme et vet tremblant,
Que ne li face aucun semblant.
Tout autre tant fera la moie,
Dedenz .III. jors ravra sa joie.
S'a mon seignor le roi plaisoit
Et une chose me faisoit
Qu'il vosist que je fusse moinnes,
Hermites, reclus ou chanoinnes,
Et me lessast vestir la haire,
Certes, se ce li voloit plaire,
Cest mortel siecle, ceste vie
Voil lessier ; plus n'en ai envie. »
Comment Renart trompa Brun l'ours avec le miel Si conme Renart conchia Brun li ours du miel (10)
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