Ils passent un ruisseau qui court par là, par des passages étroits dans la montagne, puis chevauchent dans la plaine. Tandis que Renart se lamente, ils perdent leur chemin dans le bois : il n'y a plus ni sentier ni grande route. Néanmoins, après avoir beaucoup erré ils se dirigent à travers la plaine du côté d'une grange de nonnes. La maison est fort bien garnie de tous les biens que la terre peut produire : du lait, des fromages, des œufs, des brebis, des vaches et des bœufs, avec les petits des unes et des autres. Renart dit : « Dirigeons-nous donc du côté de ces buissons d'épines, vers ce chemin où il y a des poules, c'est la route que nous avons quittée. — Renart, Renart, dit le blaireau, Dieu sait bien pourquoi vous dites ça, fils de pute, sale hérétique, mauvais glouton invétéré ! Ne vous-êtes vous donc pas confessé à moi et n'avez-vous pas demandé pardon ? — Messire, je l'avais oublié. Allons-nous-en, me voici tout prêt. — Renart, Renart, ça ne compte pas. Parjure à Dieu ! faux-témoin ! votre gourmandise durera-t-elle toujours ? Comme vous être fou, vous qui êtes en danger de mort, et qui juste après votre confession veut déjà faire une folie ! Tous vos péchés finiront pas vous accabler. Allons donc, maudite soit l'heure où vous êtes tombé sur terre, de votre mère ! — Voilà qui est bonnement dit, mon cher frère, allons-nous-en tranquillement à l'amble. » Il n'ose laisser transparaître quoi que ce soit, à cause de son cousin qui le réprimande, pourtant il tend souvent le cou de l'autre côté en direction des poules. Il est bien malheureux alors qu'il s'éloigne. Sans le risque qu'on lui coupe la tête, il irait bien vite vers les poules. Les barons s'en vont donc ensemble. Dieu ! comme la mule de Grimbert amble bien, mais le cheval de Renart trébuche, et le sang lui bat fort sous la croupe : il craint et redoute tellement son seigneur, qu'il n'a jamais eu une telle peur. Ils ont tant parcouru plaines et bois à l'amble et au galop, et tant sillonné la montagne, qu'ils arrivent dans la vallée qui descend vers la cour du roi. Ils mettent pied à terre devant la grande salle. | 6804 6808 6812 6816 6820 6824 6828 6832 6836 6840 6844 6848 6852 6856 | Passerent l'eve qui la cort Et les destroiz et la montaingne, Et puis chevauchent par la plaingne. En ce que Renart se demente, Du bois ont perdue la sente, La voie et le chemin ferré, Et nequedent tant ont erré Qu'il s'avoient par mi les plains Delez une granche a nonnains. La meson est mout bien garnie De toz les biens que terre crie, De let, de fromaches et d'ues, De brebis, de vaches, de bues, D'unes et d'autres norriçons. Dist Renart : « Car nos adreçons Par encoste de ces espines, Vers cele voie a tiex gelines : La est la voie que lessons. — Renart, Renart, dist li tessons, Diex set bien por qoi vos le dites. Filz au putain, puanz herites, Mauvés lechierres et engrés N'estïez vos a moi confés Et avïez merci crïé ? — Sire, je l'avoie oublïé. Alon nos ent ; vez moi tot prest. — Renart, Renart, por noient est. Dieu, parjuré ! Dieu, foimentie ! Tout jors durra ta lecherie. Con tu es fole creature, Qui es de mort en aventure, Et aprés ta confession, Et ja vels fere desraison ! Et tes granz pechiez te vont sore ; Vien t'en, que maudite soit l'eure Que chaïs seur terre de mere ! — Belement le dites, biau frere, Alon nos ent en pes amblant. » N'en ose fere autre semblant Por son cousin qui le chastie, Et nequedent sovent colie Vers les gelines cele part. Mout est dolent, quant il s'en part ; Et qui la teste li coupast, As gelines tantost alast. Or s'en vont li baron ensemble. Diex ! con la mule Grimbert amble ; Mes li chevax Renart açoupe, Le sanc li bat desus la croupe : Tant crient et doute son seignor, Que onques mes n'ot tel peor. Tant ont alé et plains et bos, Et l'ambleüre et les galos, Et tant ont la montaingne alee Qu'il sont venuz en la valee Qui en la cort le roi avale ; Descenduz sont devant la sale. |
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