vous m'avez révélé vos péchés et tout le mal que vous avez fait ; si Dieu vous tire de cette affaire, gardez-vous bien de récidiver. — Que Dieu ne m'accorde pas de vivre davantage, lui répond Renart, si jamais je fais quelque chose qui Lui déplaise. » Comme il consent à tout ce que veut Grimbert, celui-ci l'absout aussitôt en s'adressant à lui moitié en français, moitié en latin. Quand le matin arrive, Renart quitte sa femme et ses enfants ; le chagrin est grand au moment de la séparation. Il prend alors congé de sa famille : « Enfants de haut lignage, dit-il, veillez à protéger mes châteaux, quoi qu'il advienne de moi, contre comtes et rois, car pendant des mois, vous ne trouverez pas de comte, de prince, ou de seigneur qui ne cherchent pas à vous faire un mauvais coup. Mais vous ne serez jamais maltraités par eux si vous levez les ponts, car vous avez assez de vivres ; je ne crois pas que vous en manquerez avant sept ans. Que pourrais-je vous dire encore ? Je vous recommande tous à Dieu, puisse-t-il me ramener ainsi que je le souhaite. » Sur ce, il pose le pied sur le seuil en sortant de sa tanière et commence une prière : « Dieu, fait-il, Roi tout puissant, préserve mon savoir et ma raison afin que je ne les perde pas par peur devant mon seigneur le roi quand Ysengrin m'accusera. Et pour tout ce qu'il me reprochera, faites que je puisse lui rendre la pareille en me récusant ou en me défendant. Qu'il me donne de repartir sain et sauf pour que je puisse encore me venger de ceux qui me font une si grande guerre ! » Il se couche alors face contre terre, par trois fois se reconnaît coupable, puis se signe pour se protéger du diable. | 6756 6760 6764 6768 6772 6776 6780 6784 6788 6792 6796 6800 | Vos pechiez m'avez descouvert Et le mal que vos avez fait ; Se Diex vos giete de cest plait, Gardez vos bien du renchaoir. — Ja Dex ne me dont tant veoir, Ce dist Renart, que ja mes face Nule chose qu'a Dieu desplace ! » Il li otroie qanqu'il volt, Cil l'asolt et li dist tantost Moitié romanz, moitié latin. Renart, quant ce vint au matin, Laissa sa fame et ses enfanz ; Au departir fu li dels granz. Congié prist a son mariage : « Enfanz, dist il, de haus parage, Pensez de mes chastiax tenir, Que que de moi doie avenir, Contre contes et contre rois ; Car vos ne troverez des mois Conte, prince, ne chevetainne Qui vos mesface une chastaingne. Ja par euls ne serez grevez, Se vos avez les ponz levez, Car vos avez assez vitaille ; Ne cuit devant .VII. anz vos faille. Que vos iroie je disant ? A Damedieu toz vos conmant, Qui me ramaint si con je voil. » A tant mist le pié sor le soil, A l'issue de sa tesniere A conmencie une proiere : « Diex, fist il, rois omnipotens, Garde mon savoir et mon sens Que je nel perde par peor De devant le roi mon seignor, Qant Ysengrin m'acusera. De quant qu'il me demandera, Que je li puisse reson rendre Ou du lessier ou du desfendre ! Me doint sain et sauf reperier, Qu'encore me puisse vengier De ceus qui me font si grant guerre ! » Lors se coucha adenz a terre Et .III. foiz se rendi corpables, Et se seigna por les deables. |
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