et s'est fait moine, avait tendu deux collets dans le trou pour prendre Renart le goupil. Que Dieu protège son fils au prêtre, qui connaît déjà si bien la ruse pour attraper goupil ou chat ! « Tibert, saute de l'autre côté, dit Renart. Pouah ! merde alors, comme tu es peureux ! Je t'attendrai ici dehors devant le trou. » Tibert s'avance alors de tout son long, mais il peut d'ors et déjà se prendre pour un sot car le collet lui serre le cou. Tibert le chat tire et retire, mais plus il tire, plus le collet lui rentre dedans. Il croit pouvoir s'échapper, mais ça ne sert à rien, car le petit Martin du clerc bondit : « Allez debout, debout, fait-il, cher père ! À l'aide, à l'aide, chère mère ! Allumez puis courrez au trou, le goupil s'est fait prendre comme un idiot. » La mère du petit Martin se réveille, saute debout, allume la chandelle, et prend sa quenouille à la main. Le prêtre se redresse sur ses deux mains et bondit aussitôt du lit. Tibert est alors tellement assailli qu'il prend une volée de cent coups avant de pouvoir se sauver de la maison. Le prêtre frappe, sa concubine frappe, et Tibert montre les dents. Ainsi que nous le trouvons dans l'histoire, il lorgne les couilles du prêtre, et avec ses dents et ses griffes tranchantes, lui sectionne l'une des pendantes. Quand la femme voit cette grande perte pour elle, elle laisse tout d'abord éclater sa douleur, se traite par trois fois de malheureuse, et s'évanouit à la quatrième. Suite au tourment que le petit Martin manifeste pour sa mère qui a défailli, Tibert le chat s'échappe après avoir rongé les liens avec ses dents. Il s'est fait salement amocher, mais à la fin il s'est bien vengé du prêtre qui le battait tant. Il se vengerait aussi très volontiers de Renart, s'il avait le dessus, mais la canaille n'est pas restée. Quand le petit Martin a dit : « Levez-vous ! », l'autre n'a pas voulu attendre plus longtemps et s'est enfui aussitôt dans son repaire. Et lui est resté pour endurer tout le mal : « Ah ! dit-il, Renart, Renart, que Dieu ne s'intéresse jamais à votre âme ! J'aurais pourtant dû être avisé moi qui tant de fois me suis fait avoir par la ruse de Renart le roux. Quant au prêtre, ce méchant cocu, que Dieu lui donne un mauvais gîte et peu de pain à lui et sa sale putain qui m'ont agressé aujourd'hui ! Mais il a une des pendantes en moins, dans sa paroisse en tout cas, il ne pourra plus sonner que d'une cloche. Quant à son fils, le petit Martin d'Orléans, qu'il ne lui arrive jamais rien de bien, lui qui m'a tant battu tout à l'heure. Qu'il ne meure pas avant d'avoir été un moine bien reclus et ensuite défroqué pour un larcin ! » Il s'abandonne tant à sa plainte qu'il finit par rentrer aux pays et arrive à la cour où siège le roi. Quand il le voit, il tombe à ses pieds, puis lui raconte son étonnante aventure : « Dieu ! dit Noble, conseille-moi donc alors que j'entends là une nouvelle diablerie de Renart qui se moque encore de moi. Je ne puis trouver personne qui me venge de cet affront. Seigneur Grimbert, je me demande vraiment si ce n'est pas sur vos conseils que Renart me prend pour si peu. — Je vous promets que non, sire ! — Partez donc sur-le-champ, et ramenez le moi. Mais gardez-vous de revenir sans lui. — Sire, je ne puis faire cela. Renart est de si mauvaise disposition que je sais bien que je ne pourrai pas le ramener, à moins d'avoir une lettre de vous. Car s'il voyait votre sceau, par la foi que je dois à saint Daniel, je sais bien alors qu'il viendrait et qu'il ne chercherait aucune excuse. — Vous dites vrai », lui répond l'empereur. Il énonce alors le contenu et Baucent le sanglier écrit, puis scelle tout ce qui a été dit. Il donne ensuite la lettre scellée à Grimbert, et celui-ci se met en route par un petit pré puis pénètre dans un bois. Il a la peau trempée de sueur bien avant d'arriver à la porte de Renart. Le soir, il trouve dans un essart un sentier qui le conduit droit à la porte de Renart avant la nuit. Les murs sont hauts ainsi que les défilés. Grimbert passe tout droit par une poterne, et entre dans la première enceinte. Seigneur Renart craint qu'on ne l'attaque quand il entend l'autre arriver. Il décide de se tenir près de la maison jusqu'à ce qu'il sache ce qui se passe. Et voici Grimbert dans la citadelle. À sa façon de descendre le pont tournant, de marcher à petits pas et de tourner, avant même qu'il n'entre dans sa tanière le cul devant et la tête derrière, Renart le reconnaît bien sans avoir à le voir de plus près. Il en ressent grande joie et réconfort, et lui met les deux bras autour du cou. Il place sous lui deux coussins parce qu'il est son cousin. Je considère Grimbert comme un sage car il n'a pas voulu dire le fond de sa pensée avant d'avoir mangé suffisamment et que le repas soit terminé. « Seigneur Renart, lui dit Grimbert, vos fourberies sont trop évidentes. Savez-vous ce que le roi vous fait dire ? Il ne vous demande pas, mais vous ordonne, de venir lui faire réparation dans son palais, où qu'il soit. Que reprochez-vous à Ysengrin ? Votre guerre ne prendra-t-elle jamais fin ? À cause de Brun l'ours et de Tibert le chat à qui vous avez fait du mal par vos tromperies, je ne puis vous apporter aucun secours. Vous n'y gagnerez rien d'autre que la mort, pour vous et pour tous vos petits. Prenez donc ce pli scellé et regardez bien ce que la lettre vous dit. » Le vaurien frémit et tremble, il a grand-peur de briser le sceau. Il voit de quoi la lettre parle et soupire dès le premier mot, car il sait bien ce qui va être dit. | 6508 6512 6516 6520 6524 6528 6532 6536 6540 6544 6548 6552 6556 6560 6564 6568 6572 6576 6580 6584 6588 6592 6596 6600 6604 6608 6612 6616 6620 6624 6628 6632 6636 6640 6644 6648 6652 | Et qui fu puis moines renduz, Avoit au trou .II. laz tenduz Por Renart prendre, le gorpil. Diex garisse au prestre cel fil Qui ja aprent si bien barat Con de prandre gorpil ou chat ! « Tybert, sail outre, dist Renart, Fi ! merde, con tu es coart ! Je t'atendré au trou la fors. » Et Tybert passe avant son cors, Mes or se puet tenir por fol ; Qar li laz li manse le col. Tret et retret Tybert li chaz ; Con plus tret, plus entre li laz. Eschaper cuide ; rien ne vaut, Qar Martinet le clerc li saut : « Or sus, or sus, fet il, biau pere ! Aÿde, aÿde, bele mere ! Alumez, si courez au trou : Le gorpil est tenu por fou. » La mere Martinet s'esveille, Saut sus, s'alume la chandoille, A une main tint sa quenoille. Et li prestre a .II. poins s'acoille, S'est erroment du lit sailliz. Or fu Tybert mout asailliz, Qu'il prist .C. coux de livroison Ainz qu'il tornast de la meson. Fiert le prestre, fiert la soingnanz, Et Tybert giete avant les denz ; Si con nos trovons en l'estoire, Regarde la coille au provoire, As dens et as ongles tranchanz Li a tranchié .I. des pendanz. Quant la fame vit sa grant perte, Lors primes ot dolor aperte, Trois foiz s'est chaitive clamee Et a la quarte s'est paumee. Au duel que Martinet menoit Por sa mere qui se paumoit, Tybert s'en eschapa, li chaz Qui mengié ot as denz les laz. Il a esté bien laidengiez, Mes en la fin s'est bien vengiez Du prestre qui si le batoit. Mout volentiers s'en vengeroit De Renart, s'il ert au deseure ; Mes li lechierres ne demore ; Quant Martinet dist : « Levez sus ! » Onques n'i volt atendre plus, Ainz s'en foui a son repaire. Et cil remest por le mal trere : « Haï ! fet il, Renart, Renart, Ja Diex n'ait en vostre ame part ! Bien deüsse estre chastiez, Qui tantes foiz sui engingniez Par le barat Renart li rous. Et li prestre, li mauvés cous, Qui Diex doint mal giste et pou pain Entre lui et s'orde putain, Qui hui me fist une envaïe ! Mes d'un des pendanz n'a il mie ; A tout le mains en sa paroche, Ne puet sonner c'a une cloche. Et ses filz, Martinez d'Orliens, Que ja ne croisse en lui nul biens, Qui hui m'aloit einsi batant ! Ja ne muire il jusque a tant Qu'il ait esté moines si trez Et puis par larrecin desfez ! » Tant a sa plainte demenee Qu'il est venuz en la contree Et en la cort ou li rois siet. Ou qu'il le voit, as piez li chiet, Si li raconte la merveille : « Diex ! dist Noble, quar me conseille, Con oi ore grant deablie De Renart qui si me conchie, Ne je ne puis trover nului Qui me venge de cest anui. Sire Grimbert, mout me merveil Se ce est par vostre conseil Que Renart me tient si por vil. — Je vos pramet, sire, nenil ! — Alez donc tost, si l'amenez ; Gardez que o lui revenez. — Sire, ce ne puis ge pas fere. Renart est de si put afere Bien sai que pas ne l'amerroie, Se je vos letres n'en avoie. Mes s'il veoit vostre seel, Foi que je doi saint Danïel, Lors sai je bien que il vendroit, Ja nule essoigne nel tendroit. — Voire dist », fet soi l'emperere. Lors li devise la matere Et Baucent le sengler escrit Et seela qanque il dit ; Puis bailla Grimbert le seel. Et cil se mist en .I. prael, Et puis s'en entra en .I. bos ; Bien li suoit la piau du dos Ainz qu'il venist a l'uis Renart. Au vespre trove en .I. essart .I. sentier qui bien le conduit A l'uis Renart devant la nuit. Li mur sont haut et li destroit ; Par .I. guichet en ala droit, Entre Grimbert el premier baille. Dant Renart crient que ne l'asaille, Qant il oï celui venir ; Pres de meson se volt tenir Tant que il sache la verté. Es vos Grinbert en la ferté : Au pont torneïz avaler, Au petit pas et au torner, Ainz qu'il entrast en sa tesniere Le cul avant, la teste ariere, L'a bien Renart reconneü Ainz que de plus pres l'ait veü. Grant joie en fet et grant solaz, Au col li met andeus ses braz ; Desoz li proie .II. coisins, Por ce qu'il estoit ses cousins. De ce tien ge Grimbert a sage Qu'il ne volt dire son corage, S'eüst mengié ançois assez Et que li mengiers fust finez. « Sire Renart, ce dist Grimbert, Vostre barat est mout apert. Savez vos que li rois vos mande ? Ne mie mande, mes conmande Que vos li veniez fere droit En son palés ou que il soit. Que demandez vos Ysengrin ? Prendra ja vostre guerre fin ? N'a Brun l'ors n'a Tibert li chaz Mar veïstes vostre baraz ; Ne vos en puis doner confort, Ja n'en avrez el que la mort, Ne vos, ne tuit vostre chael. Tenez ent donc icest seel, Gardez que la letre vos dit. » Li lechierres tremble et fremist, O grant peor le seel bruise, Voit que la letre li devise, Si soupira au premier mot : Bien sot a dire que il ot. |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire