droit à Maucreux dans le repaire de Renart. Il le trouve, puis lui raconte comment les barons et les comtes l'ont assigné à se rendre au procès, dont Ronel sera le président. Et qu'il prenne garde d'y être, le roi le lui ordonne. Renart dit qu'il ne demande pas mieux, il y sera très précisément et fera absolument tout ce que la cour décidera. Grimbert s'en va, Renart reste. Il va donc falloir qu'il se conduise plus prudemment qu'il ne le voudrait. Mais il est très instinctif et orgueilleux, il ne s'inquiète pas, ni ne cherche à revendiquer, il ne lui importe guère qu'on le haïsse, pourvu que ses affaires réussissent. Par contre Ysengrin, son adversaire, ne prend pas les choses avec un tel mépris. Car au troisième jour avant le délai fixé, il va au-devant de Ronel. Celui-ci s'amuse en aboyant, et se couche dans la paille tout à son aise, sur le fumier à côté de la barrière. Ysengrin le voit, mais l'autre l'esquive, alors il le rappelle en invoquant la trêve, puis lui déclare très simplement : « Je tiens à vous dire tout de suite que je suis venu vous solliciter. Moi et Renart sommes en guerre, car il a très mal agi envers moi. Je m'en suis plaint, le jour du procès a été fixé dimanche après la messe. Il n'y aura en outre ni tour ni détour, Renart y sera de telle sorte que vous pourrez rendre jugement sur cette affaire. Et l'on m'a dit que par décision de justice, Renart doit sous serment se justifier envers moi de tout ce que je pourrai lui dire. Je vous prie donc, comme étant mon ami, que vous soyez de mon côté dans cette affaire, jusqu'à ce que nous l'ayons confondu. J'ai déjà tout déclaré et expliqué, il n'y a plus rien d'autre à faire que de chercher la relique, mais je suis très embarrassé sur ce point. — Ma foi, fait-il, vous trouverez assez de saints et de saintes dans cette ville ; vous en faites telle complainte à tort. Vous serez néanmoins très bien assisté, car je me tiendrai prêt dans un fossé hors de la ville. Vous prétendrez que je me suis étranglé, et direz que je suis impotent. Je serai allongé, la gueule entre-ouverte, le cou replié, la langue tirée. Votre assemblée se tiendra là-bas, Renart y sera, et vous lui direz qu'il sera assurément quitte envers vous, s'il peut jurer sur ma dent qu'il n'a pas mal agi envers Hersent. S'il s'approche assez de ma gueule que je puisse l'avoir à portée de main, il pourra bien dire avant qu'il ne m'échappe qu'il n'a encore jamais vu de saint qui morde ainsi. Et s'il veut s'en retourner ou qu'il ne parvienne pas à la relique, il ne pourra pas aller là où il serait en sécurité, car j'aurai mis aux aguets bien plus de quarante mâtins, parmi les meilleurs de nos compagnons, des plus rapides, et des plus capables. Renart serait alors un vrai diable, si grâce aux reliques et aux chiens il ne devait pas tomber dans nos filets. Que Dieu vous aide, prenez soin de bien faire ! » Ysengrin se met sur le chemin du retour, à travers la forêt puis une lande. Il se demande, puis cherche avec détermination là où il y aurait quiconque de ses amis. Il n'a envoyé aucun messager, mais va lui-même les chercher, à travers plaines, bois et champs, il n'oublie ni jeunes ni vieux. Seigneur Brichemer le sénéchal arrive la tête droite, seigneur Brun l'ours s'y emploie, Baucent le sanglier se dirige vers la cour, et Musard le chameau y accourt. | 4956 4960 4964 4968 4972 4976 4980 4984 4988 4992 4996 5000 5004 5008 5012 5016 5020 5024 5028 5032 5036 5040 | Droit a Malcrues en son repere, Trouve Renart et si li conte Conment li baron et li conte L'ont atorné del plet a fere : Si en sera Roonel maire, Gart qu'il i soit, li rois li mande. Renart dist que miex ne demande, Tres bien i ert et bien fera Qanque la cort esgardera. Grimbert s'en va, Renart remaint. Or li covient qu'il se demaint Plus sagement que il ne voille. Mes mout est fox et mout s'orgueille Ne se porquert ne ne porchace, Ne li chaut gueres qui le hace : Con puet, si praigne ses aferes. Mes Ysengrin, ses aversaires, N'a pas la chose en tel despit, C'au tierz jor devant son respit Vindroit a Roonel devant, Qui se deduit en abaiant, Et gist el paillier a grant aise, Sor le fumier delez la haise. Ysengrin le voit, si l'eschive, Mes il le rapele par trive, Si li a dit mout sinplement : « Je vos dirai tot erroment Que je sui venuz a vos querre. Moi et Renart si avons guerre, Car il a mout vers moi mespris. Je m'en clamai, jor en ai pris Aprés la messe diemenche. Ci outre n'a ne tor ne guanche, Renart i ert par tel devise Que vos ferez du plet justice. Et l'en m'a dit par jugement Que Renart par .I. serement Se doit envers moi escondire De qanque je li savré dire. Or vos proi ge, con mon ami, Que vos soiez du plet a mi Tant que nos l'aions confondu. Tout ai clamé et respondu ; N'i a mes autre chose a fere Que porchacier le saintuere, Mes de ce sui mout esgarez. — Par foi, fet il, assez avrez En ceste vile sains et saintes, Ja mar en ferez tiex complaintes. Tres bien en serez conseilliez, Car je serai apareilliez Fors de la vile en .I. fossé, Vos me tendrez por enossé, Direz que je sui mehaingniez. Je me guerai denz rechingniez, Le col plaié, la langue traite. La ert vostre assemblee faite, Renart i ert, et vos li dites Qu'il sera bien envers vos quites, S'il puet jurer desor mon dent Qu'il n'a mespris envers Hersent. S'il tant s'aproche de mon groing Que jel puisse tenir au poing, Bien porra dire ainz qu'il m'estorde : Ainz ne vit mes saint qui si morde. Et s'il de ce se velt retraire, Qu'il ne parviengne au saintuaire, Ne puet aler la ou bien ait, Que je avré mis en agait Bien plus de .XL. gaingnons De touz nos meillors compaingnons, Des plus igniax, des plus aidables. Dont i ert Renart que deables, Se par reliques ou par chiens Ne puet chaoir en nos lïens. Diex vos saut, pensez de bien fere. » Ysengrin se met el repere, En la forest en une lande. Mout se porquert et molt demande La ou a nul de ses amis. N'i a nul mesage tramis, Mes il meïsmes le va querre A plain et a bois et a terre, Ne remest ne chanuz ne chauz. Dont Brichemer li seneschauz I est venuz la teste droite, Et dant Bruns li ors s'i esploite, Baucens li sengliers vint a cort, Musarz li chamex i acort. |
Au v. 4983, "il a très mal agi", sans T. Au v. 5007, je pense que "souffrant" est un peu faible, puisque Roonel doit paraître mort; "meshaignier", d'après le dictionnaire de D. Godefroy, peut être traduit par "mutilé", "impotent". Au v. 5022, "j'aurai mis", sans S.
RépondreSupprimerMerci d'avoir signalé les fautes, c'est corrigé.
Supprimer« souffrant » est remplacé par « impotent » comme proposé, conformément à la définition de « meshaignier ».