« Malheur à votre tête si vous ne relatez pas les faits. » L'ours lui répond alors : « N'êtes-vous pas complètement fou à vous ranger du côté de Renart ? Vous deux réunis en savez assez en ruse. Il s'est tiré de plus d'un mauvais pas, et il se tirera encore de celui-là si l'on veut bien vous croire vous et lui. » Le singe voit qu'il s'énerve, peu lui importe qu'il gronde, il lui fait la grimace pour l'énerver plus : « Cher maître, fait-il, que Dieu vous aide, donnez-moi donc votre point de vue : qu'en dites-vous au nom du droit ? — Par saint Riquier, il n'y a pas de cour sous nos cieux, où je n'oserais pas affirmer si on devait me croire, que tous ces maux sont arrivés à cause de seigneur Renart, par sa faute, et qu'Ysengrin l'inculpe de droit. Qu'attendez-vous donc de plus quand la chose est déjà arrivée, qu'il est pris en flagrant délit d'adultère, de plus avec sa commère ? Hersent et Ysengrin, tous les deux, s'expliquent très bien à son encontre. Pour cela, il serait convenable que Renart soit saisi maintenant, qu'on lui lie les poings et les pieds, et qu'il soit jeté tout attaché en prison ou dans une geôle, puis qu'il n'y ait d'autre discours que de le fustiger ou de le châtrer, puisqu'il a violé la femme d'autrui. Il n'y a pas d'autre sanction pour le viol d'une femme, même si c'était une femme publique. On doit rendre justice fermement pour qu'il n'ose pas y songer une autre fois. Et qu'en est-il donc d'une femme mariée qui est malheureuse et honteuse de ce que son mari le sache ? Et qui imaginerait Ysengrin si sot qu'il se plaigne pour ce motif, s'il ne l'avait pas vu de ses yeux ? Ysengrin sera d'autant plus couvert de honte si ce méfait, dont il lui porte témoignage, n'est pas réparé : la justice serait alors bien morte. » Le singe répond : « Voici un récit fort sévère, à traiter, avec une telle honte, l'honneur d'un homme honnête pour un tel méfait ! Par Dieu, même si Renart a mal agi, à tout pécheur miséricorde; trouvez donc quelque arrangement. Le loup est plus petit qu'on ne croit, et grand vent tombe avec un peu de pluie. Renart n'est pas encore vaincu, et je pense qu'il en arrivera d'autres d'ici là. Vous avez parlé pour votre propre plaisir, et vous avez perdu une belle occasion de vous taire. » | 4796 4800 4804 4808 4812 4816 4820 4824 4828 4832 4836 4840 4844 4848 4852 | « Mal dahez ait cil hateriaus, Se vos ne dites que i a. » Et li ors respondu li a : « N'estes mie trop forsenez, Quant devers Renart vos tenez, Qu'entre vos .II. savez assez. Maint mauvés pas a il passez, Si fera il encor cestui, Se l'en velt croire vos et lui. » Le singe voit qu'il se corouce, Petit li est de ce qu'il grouce, Moe li fet por plus irestre : « Se Dex vos saut, fet il, biaus mestre, Or me dites en vostre endroit : Que en dirïez vos por droit ? — Soz ciel n'a cort, par saint Richer, Que n'osasse bien affichier Que j'en devroie estre creüz, Que trestouz cist max est venuz Par dant Renart et par sa corpe, Et qu'Isengrin a droit l'encorpe, Et qu'alez or plus atendant, Quant la chose est venue avant Que il est pris en avoutire Meesmement de sa conmere ? Bien se desresnent envers lui Hersent et Ysengrin cil dui. Por ice seroit avenant Que Renart fust pris maintenant, Puis li liast on poins et piez, Si fust jetez trestoz lïez En la chartre ou en la jeole, Puis n'i eüst autre parole Que de fuster ou d'escoillier, Des qu'il esforce autrui moillier. D'esforcier fame n'i a el, Nis s'ele ert fame conmunel. L'en en doit fort justice prandre Que autre foiz n'i ost entendre. Et qu'est dont d'une fame espouse Qui dolente en est et hontouse De ce que son mari le sot ? Et qui cuide Ysengrin si sot Qu'il eüst plet de ce meü, S'il ne l'eüst as eulz veü ? De tant est il plus vergondez, Se cist mesfet n'est amendez, Dont Ysengrin tesmoing li porte : Dont sera bien justice morte. » Dist li singes : « Si a dur conte C'on baillist henor a tel honte C'un preudonme por tel mesfet ! Por Dieu, se Renart a mesfet, De pecheor misericorde, Si en fetes aucune acorde. Li leus est mendre c'on ne cuide, Et grant vent chiet a poi de pluie. Renart n'est pas vaincuz encore ; Encor vendra, ce cuit, autre ore. Dist en avez vostre plaisir, S'avez perdu .I. biau taisir. » |
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