dimanche 20 février 2011

À la cour du roi Noble - Cointereau le singe défend Renart




Cointereau le singe dit ceci :
C


e dist li singes Cointeriaus :
« Malheur à votre tête
si vous ne relatez pas les faits. »
L'ours lui répond alors :
« N'êtes-vous pas complètement fou
à vous ranger du côté de Renart ?
Vous deux réunis en savez assez en ruse.
Il s'est tiré de plus d'un mauvais pas,
et il se tirera encore de celui-là
si l'on veut bien vous croire vous et lui. »
Le singe voit qu'il s'énerve,
peu lui importe qu'il gronde,
il lui fait la grimace pour l'énerver plus :
« Cher maître, fait-il, que Dieu vous aide,
donnez-moi donc votre point de vue :
qu'en dites-vous au nom du droit ?
— Par saint Riquier, il n'y a pas de cour sous nos cieux,
où je n'oserais pas affirmer
si on devait me croire,
que tous ces maux sont arrivés
à cause de seigneur Renart, par sa faute,
et qu'Ysengrin l'inculpe de droit.
Qu'attendez-vous donc de plus
quand la chose est déjà arrivée,
qu'il est pris en flagrant délit d'adultère,
de plus avec sa commère ?
Hersent et Ysengrin, tous les deux,
s'expliquent très bien à son encontre.
Pour cela, il serait convenable
que Renart soit saisi maintenant,
qu'on lui lie les poings et les pieds,
et qu'il soit jeté tout attaché
en prison ou dans une geôle,
puis qu'il n'y ait d'autre discours
que de le fustiger ou de le châtrer,
puisqu'il a violé la femme d'autrui.
Il n'y a pas d'autre sanction pour le viol d'une femme,
même si c'était une femme publique.
On doit rendre justice fermement
pour qu'il n'ose pas y songer une autre fois.
Et qu'en est-il donc d'une femme mariée
qui est malheureuse et honteuse
de ce que son mari le sache ?
Et qui imaginerait Ysengrin si sot
qu'il se plaigne pour ce motif,
s'il ne l'avait pas vu de ses yeux ?
Ysengrin sera d'autant plus couvert de honte
si ce méfait, dont il lui porte témoignage,
n'est pas réparé :
la justice serait alors bien morte. »
Le singe répond : « Voici un récit fort sévère,
à traiter, avec une telle honte, l'honneur
d'un homme honnête pour un tel méfait !
Par Dieu, même si Renart a mal agi,
à tout pécheur miséricorde;
trouvez donc quelque arrangement.
Le loup est plus petit qu'on ne croit,
et grand vent tombe avec un peu de pluie.
Renart n'est pas encore vaincu,
et je pense qu'il en arrivera d'autres d'ici là.
Vous avez parlé pour votre propre plaisir,
et vous avez perdu une belle occasion de vous taire. »


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« Mal dahez ait cil hateriaus,
Se vos ne dites que i a. »
Et li ors respondu li a :
« N'estes mie trop forsenez,
Quant devers Renart vos tenez,
Qu'entre vos .II. savez assez.
Maint mauvés pas a il passez,
Si fera il encor cestui,
Se l'en velt croire vos et lui. »
Le singe voit qu'il se corouce,
Petit li est de ce qu'il grouce,
Moe li fet por plus irestre :
« Se Dex vos saut, fet il, biaus mestre,
Or me dites en vostre endroit :
Que en dirïez vos por droit ?
— Soz ciel n'a cort, par saint Richer,
Que n'osasse bien affichier
Que j'en devroie estre creüz,
Que trestouz cist max est venuz
Par dant Renart et par sa corpe,
Et qu'Isengrin a droit l'encorpe,
Et qu'alez or plus atendant,
Quant la chose est venue avant
Que il est pris en avoutire
Meesmement de sa conmere ?
Bien se desresnent envers lui
Hersent et Ysengrin cil dui.
Por ice seroit avenant
Que Renart fust pris maintenant,
Puis li liast on poins et piez,
Si fust jetez trestoz lïez
En la chartre ou en la jeole,
Puis n'i eüst autre parole
Que de fuster ou d'escoillier,
Des qu'il esforce autrui moillier.
D'esforcier fame n'i a el,
Nis s'ele ert fame conmunel.
L'en en doit fort justice prandre
Que autre foiz n'i ost entendre.
Et qu'est dont d'une fame espouse
Qui dolente en est et hontouse
De ce que son mari le sot ?
Et qui cuide Ysengrin si sot
Qu'il eüst plet de ce meü,
S'il ne l'eüst as eulz veü ?
De tant est il plus vergondez,
Se cist mesfet n'est amendez,
Dont Ysengrin tesmoing li porte :
Dont sera bien justice morte. »
Dist li singes : « Si a dur conte
C'on baillist henor a tel honte
C'un preudonme por tel mesfet !
Por Dieu, se Renart a mesfet,
De pecheor misericorde,
Si en fetes aucune acorde.
Li leus est mendre c'on ne cuide,
Et grant vent chiet a poi de pluie.
Renart n'est pas vaincuz encore ;
Encor vendra, ce cuit, autre ore.
Dist en avez vostre plaisir,
S'avez perdu .I. biau taisir. »
Comment Ysengrin alla se plaindre de Renart à la cour du roi Si conme Ysangrin s'ala plaindre de Renart a la cort le roi (9)
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