ceux qui m'auraient vu me retourner contre eux sans retenue, les griffer et les mordre avec force, les cogner, les battre et les mettre en déroute, auraient pu dire en toute vérité que jamais on n'avait vu bête faire un tel carnage parmi des chiens. J'aurais très bien pu me défendre contre eux, lorsque je vis les traits tomber, et les flèches barbelées longues et larges dégringoler autour de moi. Quand je les ai vues arriver, je suis parti. J'ai choisi l'autre côté que celui des chiens, et je me suis élancé vers les paysans. Ils m'ont aussitôt laissé le champ libre; il n'y en avait pas un assez hardi ou courageux dès que j'ai piqué une pointe vers eux, qui ne soit pas retourné en fuyant. Je suis arrivé à rattraper l'un d'eux, et je l'ai écrasé par terre avec mes pieds. Un autre s'en allait en fuyant, qui portait une grosse massue. Celui que je tenais se mit à crier et à me huer, l'autre s'est retourné puis m'a fait mal. Il a levé sa massue à deux mains, et m'a frappé d'un tel coup vers l'oreille, qu'il me fit tomber, que je le veuille ou non. Comme je me suis senti bien abasourdi, j'ai lui laissé son compagnon, puis j'ai bondi sur mes pattes et ils ont crié. Les chiens se sont alors ralliés contre moi, puis ils m'ont pourchassé et tiraillé. Quand les paysans tous ensemble ont vu cela, les voilà qui étaient tout excités, ils se sont alors mis à me piquer avec leurs épées, à jeter des pierres, à tirer des flèches, et les mâtins criaient et aboyaient. Quand je pouvais saisir l'un d'eux, je me voyais attaqué de toutes parts. J'ai vu que j'étais couvert de plaies, alors je me suis alors quelque peu inquiété. J'ai commencé à me diriger vers le bois du côté où la mêlée était moindre, puis je m'en suis extorqué du mieux que j'ai pu. Un peu plus et j'étais pris ! Mais, en fuyant et en me défendant à la fois, à travers les broussailles sur une pente, malgré tous mes ennemis, je fis tant et si bien que je pénétrais dans le bois. Voilà comment seigneur Renart m'a possédé pour attaquer les poules. Je ne dis pas cela pour porter plainte, mais pour donner un exemple. Seigneur Ysengrin s'est plaint tantôt, l'autre jour Tiécelin s'est plaint aussi car il l'a plumé par traîtrise; il a voulu aussi emprisonner Tibert le chat dans un piège où il aurait dû y laisser la peau; puis il s'est si bien comporté en fripouille aux dépens de la mésange sa commère, qu'en lui donnant un baiser, il l'attaqua comme Judas qui trahit Dieu. Une décision doit bien être prise puisqu'il a recommencé maintes fois, aussi, nous avons grandement péché pour l'avoir autant encouragé. » | 4700 4704 4708 4712 4716 4720 4724 4728 4732 4736 4740 4744 4748 4752 4756 4760 4764 | Qui lors me veïst trestorner Vers les vilains tot abandon, Et fouir et mordre de randon, Hurter et batre et desconfire, Bien peüst por verité dire Que ainz ne fu veüe beste Qui de chiens feïst tel tempeste. Bien me peüsse d'eus desfendre, Quant je vi les pilez descendre Et les saietes barbelees Chaoir entor moi granz et lees, Quant les vi venir, si m'en part. Les chiens choisi de l'autre part, Vers les vilains ving eslessiez. A tant me fu li chans lessiez ; N'i ot si hardi ne si cointe, Des que je fis vers euls ma pointe, Qui lors ne s'en tornast fuiant. Je ving l'un d'eus aconsuiant, A terre a mes piez le cravent. .I. autre s'en aloit fuiant Qui portoit une grant maçue. Cil que je ting s'escrie et hue, L'autre retorne, si me grieve. A .II. mains la maçue lieve, Tel coup me feri lez l'oreille, Chaoir me fist, voille ou ne voille. Quant je me senti si coisié, Son compaingnon li ai lessié, Si sailli sus et il s'escrient, Et li chien a moi se ralient, Si me chacent et me detirent. Quant li vilain entre eus ce virent, Estes les vos toz apoingnant, De lor glaives me vont poingnant, Pierres jetent, saietes traient, Et li mastin crïent et braient. La ou je poi .I. d'els ataindre, De toutes parz me vi ataindre. Je vi que g'iere mout plaiez, Adonc fui auques esmaiez. Vers le bois conmencé a tendre Par la ou la presse estoit mendre, Si m'en estors au miex que poi. Retenuz fusse a bien poi, Mes que fuiant, que desfendant, Par une broce, en .I. pendant, Mau gré trestoz mes anemis, Fis ge tant que el bois me mis. Einssi dant Renart m'a bailli Par les gelines q'asailli. Mes ne le di por clamor fere, Mes por essample de lui trere. Or s'est clamez dant Ysengrin, L'autrier se clama Tiecelin Qu'il le pluma en traïson ; Si le voloit metre em prison Tybert li chas en .I. chepel Ou il redut lessier la pel ; Et puis refist il bien que lerre De la mesenge sa conmere, Quant il en besant l'asailli Conme Judas qui Dieu traï ; S'en doit bien estre conseil pris, Quant il si sovent est repris, Que nos i avons grant pechié Qui tant li avons alechié. » |
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