samedi 15 janvier 2011

À la cour du roi Noble - La plainte de Brun




— Seigneurs, lui dit Plateau le daim,
S


eignors, ce dist Platiaus li dains,
la plainte porte aussi sur d'autres choses,
car messire Ysengrin demande
instamment réparation pour sa nourriture
que Renart a pris dans sa maison
par force et sans bonne raison,
et parce qu'il a pissé sans aucune considération
sur ses enfants avec tout son mépris,
puis les a battus, leur a arraché les poils,
et les a traités de bâtards.
Il faut une sérieuse compensation à tout cela.
Si seigneur Renart ne le dédommage pas,
et s'il peut en réchapper ainsi,
il voudra à nouveau y goûter. »
Alors, Brun dit : « C'est la vérité.
Qu'il soit honni et déshonoré
celui qui consentira à ce que Renart
vilipende un homme honnête,
lui enlève son bien,
et que ce dernier ne puisse avoir justice;
Renart aurait donc trouvé le filon.
Ce serait une véritable folie
si le roi ne vengeait pas ses barons
que Renart bafoue et outrage.
Mais à tel morceau telle saveur,
un chat sait bien quelles moustaches il lèche.
Je ne pense pas, sauf le respect que je lui dois,
que messire le roi y trouve son honneur,
quand il s'est mis à rire tantôt,
puis à contrarier Ysengrin
au profit d'un goujat et d'un trompeur.
Que Dieu me permette de me venger de lui !
Par Dieu, fait-il, que cela ne vous porte pas préjudice,
mais je vais vous raconter une brève histoire
sur ce traître, félon et criminel,
et comment il s'est joué de moi-même.
Renart, qui est fort détesté,
avait épié à côté d'un enclos
une ferme prospère
construite récemment.
Il y avait un manoir près du bois,
où un paysan demeurait,
il avait beaucoup de coqs et de poules.
Renart fit un tel massacre,
qu'il en mangea bien plus de trente.
Il y avait mis toute son attention.
Le paysan fit alors guetter Renart,
et dresser ses chiens.
Le bois n'avait ni sente ni croisement,
où il n'avait tendu une embûche ou un piège,
un trébuchet ou un collet,
ou déployé un filet ou un réseau.
Il empêcha Renart autant qu'il pu,
si bien que celui-ci ne pouvait plus aller à la ferme.
Ce diable s'imagina donc
comme j'étais grand et bien visible,
et lui petit et menu,
que je serais d'abord saisi.
Que ce soit dans un bois ou dans une plaine,
on mettrait la main sur moi plus vite;
où que nous soyons tous les deux,
on se dirigerait plutôt vers moi que lui,
je serais plus facilement attrapé,
et lui s'échapperait plus rapidement.
Il sait bien que j'aime le miel
plus que tout autre chose sous nos cieux.
Il est venu chez moi cette été,
avant la fête de la Saint-Jean.
“Hé, dit-il, cher seigneur Brun,
je connais un sacré pot de miel !
— Et où est-il ? — Chez Constant des Noues.
— Est-ce que je pourrais y mettre la patte dessus ?
— Oui, j'ai tout bien observé.”
Les blés étaient en épis,
nous avons trouvé le portillon ouvert,
alors nous sommes entrés à l'intérieur,
à côté d'une grange dans un verger.
Nous avons dû séjourner là
et nous allonger tout tranquille
jusqu'au soir, au milieu des choux.
À la tombée de la nuit,
nous devions briser le pot,
récupérer le miel et le manger.
Mais ce glouton n'a pas pu se retenir
quand il a vu les poules dans le pailler,
il a commencé à bâiller d'envie.
Puis il les a attaquées, et elles ont crié.
Alors, les paysans qui étaient à l'intérieur
ont donné l'alarme à travers la ferme.
Il y en avait plus de deux mille en tout.
Ils arrivaient en courant vers le jardin,
en criant violemment après Renart,
ils étaient plus de quarante sur la route.
Il ne faut pas s'étonner si j'ai eu peur;
je m'en suis retourné au grand galop.
Renart s'était vite éloigné,
car il connaissait tous les passages dont les plus étroits.
Toute cette agitation se retourna alors contre moi.
4576



4580



4584



4588



4592



4596



4600



4604



4608



4612



4616



4620



4624



4628



4632



4636



4640



4644



4648



4652



4656



4660



4664



4668



4672
D'autre chose est ore li clains,
Que mesire Ysengrin demande
Estroitement de sa viande
Que Renart prist en sa meson
A force par male raison,
Et qu'il pissa par mal respit
Sor ses enfanz en son despit,
Si les bati et chevela,
Et avoutres les apela ;
Et a ce afiert grant amende.
Se dant Renart ne li amende,
Et il s'em puet a tant estordre,
Encor s'i voudra il amordre. »
Et lors dist Bruns : « C'est veritez.
Honniz soit et deshennorez
Qui ja Renart consentira
Que .I. preudonme honnira
Et si li toudra son avoir,
Si n'en porra nul droit avoir,
Dont aroit il borse trovee.
Ce seroit folie provee,
Se li rois ses barons ne venge
Que Renart honist et laidenge.
Mes a tel morsel itel teche,
Chaz set bien quel barbes il leche.
Je ne cuit pas, sauve sa grace,
Que mesire s'onor i face,
Qui s'en aloit ore riant,
Et Ysengrin contraliant
Por .I. garçon, .I. losengier.
Diex me dont de son cors vengier !
Por Dieu, fait il, ne vos soit grief ;
Je vos feré .I. conte brief
Du traïtor felon encrime
Con il conchia moi meïsme.
Renart qui mout estoit haïz
Avoit dejoste .I. plaiseïz
Une riche vile espïee
Novelement edefïee.
Lez le bois avoit .I. manoir
Ou .I. vilain soloit manoir
Qui mout avoit cos et gelines.
Renart en fist tiex deceplines
Que bien en menja plus de .XXX.,
Toute i avoit mise s'entente.
Li vilain fait Renart guetier,
Ses chiens avoit fait afaitier.
El bois n'avoit sente ne triege
Ou il n'eüst coupel ou piege,
Ou trebuchet ou laz tendu,
Ou laz ou roisel estendu.
Renart greva qanque il pot,
Car a la vile aler ne sot.
Dont se porpensa li deables
Que g'iere grant et bien veables,
Et il ert petiz et menuz,
Si i seroie ainz retenuz.
Ou fust a bois ou fust a plain,
Plus tost meïst on en moi main ;
Ou que nos fusomes nos dui,
L'en tendroit ains a moi qu'a li,
Et ge miex i fusse atrapez,
Et il plus tost fust eschapez.
Il savoit bien que je aim miel
Plus que chose qui soit soz ciel.
A moi vint en esté ouen
Devant la feste saint Jehen.
“Ahi ! dist il, biau sire Brun,
“Quel vessel de miel je sai un !
“— Et ou est ? — Chiés Costant des Noes.
“— Porroie i ge metre les poes ?
“— Ouil, je l'ai tout espïé.”
Li blé estoient espïé.
Le postis trovames ouvert,
S'entrames enz par l'uis ouvert,
Lez une granche en .I. vergier.
La nos deümes herbergier
Et gesir trestout en repos
Desi au vespre entre les cos.
Cele nuit a l'aserisier,
Devion le vessel brisier,
Le miel mengier et retenir.
Mes li gloz ne se pot tenir,
Vit les gelines el paillier,
Si conmença a baaillier.
Il les asaut, eles crïerent.
Et li vilain qui laiens erent
Lievent la noise par la vile.
Tost en i ot plus de .II. mile,
Vers le cortil vindrent corant,
Et Renart durement huiant,
Plus de .XL. en une route.
Ne fu merveille se j'oi doute ;
Les granz galoz en sui tornez.
Renart se fu tost destornez
Qui sot les pas et les destroiz,
Sor moi torna toz li esfroiz.
Comment Ysengrin alla se plaindre de Renart à la cour du roi Si conme Ysangrin s'ala plaindre de Renart a la cort le roi (9)
Notes de traduction (afficher)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire