dimanche 15 août 2010

Primaut et les harengs - Renart se régale




Laissons donc l'histoire de Primaut,
O


r lairon de Primaut le conte
à qui Mouflard a collé une telle honte,
et parlons plutôt
de ce qui arrive à Renart,
qui s'en va à travers les sentiers.
Certes, il prendrait très volontiers
quelque chose à manger,
s'il pouvait la dérober.
Il marche en fouillant péniblement,
mais il ne trouve rien,
et ça le met fortement en colère.
Il se dirige sur un chemin
tout droit en direction de la foire.
Il ne sait quoi dire ni que faire.
Puis il se dit qu'il va attendre,
pour voir s'il viendra quelqu'un
dont il pourrait avoir à manger,
car il en a grand besoin.
Il est aux aguets de tous les côtés,
et après avoir beaucoup cherché,
il voit par hasard des charretiers
qui arrivent à grande allure.
Ils sont chargés de poissons
qu'ils emmènent à la foire,
notamment des harengs et des plies.
Renart n'est pas effrayé
du tout quand il les voit venir.
Il ne cherche pas à fuir du chemin,
il réfléchit plutôt comment il pourra en avoir,
sans que les marchands ne le sachent.
Il se cache alors dans les sureaux
afin de ne pas être vu.
Puis il se met en travers du chemin
et se couche sur le dos.
Il montre les dents en grimaçant
pour tromper les gens plus vite.
Il retrousse aussi la lèvre inférieure,
ferme les yeux et tire la langue.
Il s'est vautré dans la glaise
jusqu'à ce qu'il soit tout sale.
Il fait le mort à merveille.
Les autres arrivent dans un grand élan
avec leur chargement de poissons à vendre.
Ils regardent devant eux, puis voient
Renart le nain, complètement étendu.
Celui qui l'a vu le premier dit :
« Holà ! fait-il, regardez Renart là-bas.
Je crois qu'il nous acquittera
de nos frais avec sa peau aujourd'hui.
Elle sera bonne à mettre en surcot.
Je vous en donnerai volontiers
trois ou quatre sous en deniers.
— Ma foi, dit l'autre, c'est vrai.
Je crois que ça serait raisonnable.
Regardez comme il a une petite gorge blanche.
Mettez le donc dans la charrette
puisqu'elle n'est pas trop chargée,
elle supportera très bien le poids
— Ma foi, compagnon, vous l'avez dit.
Je le charge maintenant. Que Dieu vous entende !
Nous ôterons la peau après
avec la pointe de mon couteau
quand nous serons arrivés.
Alors, le charretier le charge,
le recouvre d'une banne,
et ils se remettent aussitôt en route. »
Il y a un panier
où il y a bien deux milliers
de harengs frais, quelle chance !
Il en mange une douzaine
jusqu'à ce qu'il ait le ventre tout plein.
Il n'y a aucun marchand ni aucun paysan
qui s'en soit aperçu.
Quand Renart a bien repris ses forces,
il se met à réfléchir
comment il pourra s'échapper.
Mais avant de le faire, il imagine
aussi comment il va se venger
de Primaut qui l'a trompé.
Il empoigne un hareng frais
qu'il va emporter, se dit-il.
Il n'attend pas un moment de plus,
et fait un saut à pieds joints.
Il dit aux charretiers : « Que Dieu vous protège !
Je ne fais que passer mon chemin aujourd'hui,
car j'ai trouvé ce que je cherchais.
J'étais malmené par la faim,
mais je me suis bien régalé
de vos harengs, quel beau cadeau !
J'en ai mangé une douzaine,
j'ai vu qu'ils sont de grande qualité,
ils valent bien ce qu'ils m'ont coûté.
Je vous laisse tout le reste,
puis je m'en vais, je vous recommanderai à Dieu
qui m'a conduit à cet endroit.
J'emporte seulement un hareng,
ni plus ni moins, sachez le bien. »
Alors, Renart s'en va d'un élan,
il n'a plus besoin de leur compagnie.
Et ceux qui croyaient avoir gagné leur part,
quand ils entendent ça,
sont éperdus et ébahis.
Il voient bien qu'ils ont été trompés,
et quand ils s'en rendent compte
ils se mettent ensemble à le huer.
Mais l'autre part en fuyant,
et ne se soucie guère de leurs propos.
Il s'en va au trot ou à l'amble,
par monts et par vaux,
puis à travers bois et plaines,
jusqu'à ce qu'il arrive au lieu
où il a laissé Primaut le loup.


3464



3468



3472



3476



3480



3484



3488



3492



3496



3500



3504



3508



3512



3516



3520



3524



3528



3532



3536



3540



3544



3548



3552



3556



3560



3564



3568



3572
A qui Moflart a fet tel honte,
Si vos diron de l'autre part
La contenance de Renart
Qui s'en va par mi ces sentiers.
Certes mout preïst volentiers
Chose que il peüst mengier,
S'il la pouist escobichier,
Et si aloit fort coloiant.
Mes il n'i a trouvé noient,
Si en est forment corociez.
Par .I. sentier s'est adreciez
Tout droit au chemin de la foire
Ne set que dire ne que fere.
Illeques, ce dist, atendra
Savoir se aucun hons vendra
Dont peüst avoir a mengier,
Car il en aroit grant mestier.
De toutes parz va agaitant,
Et quant il ot agaitié tant,
Vit charretiers par aventure
Qui venoient grant aleüre.
De poisson chargies estoient
Que il a la foire menoient,
Si conme harenz et plaïz.
Renart ne fu pas esbahiz,
Certes, quant il les voit venir.
Du chemin ne se volt foïr,
Ainz se porpense qu'il avra.
Ja li marcheant nel savra.
Lors se muce par ces seüz,
Qu'il ne volt pas estre veüz.
El chemin se met de travers,
Si s'estoit couchiez a envers,
Et prant les dens a rechinier
Por plus tost la gent enginier.
Si a son balevre retret,
Les eulz clot et la lange tret,
En l'ardille s'est tooilliez
Tant que il estoit toz soilliez.
A merveille resemble mort,
Et cil viennent a grant esfort
Qui le poisson vendre menoient.
Devant eus gardent et si voient
Renart le nain tout estendu,
Et cil qui primes l'a veü :
« Esta, fet il, Renart voi ça.
Je cuit qu'il nos aquitera
Sa pel enquenuit nostre escot.
Ele est bone a metre en sorcot,
Si vos en donré volentiers
.III. sols ou .IIII. de deniers.
— Par foi, dist l'autre, ce est voir.
Je cuit que ce sera savoir.
Vez con a blanche la gorgete,
Or le metez en la charrete,
Car ele n'est pas trop chargie,
Mout bien souferra la hachie.
— Par foi, compains, bien avez dit.
Or le charge, se Diex t'aït,
Nos osterons sempres la pel
A la pointe de mon coutel,
Quant nos seromes herbergié. »
Et li charretier l'a chargié,
Si l'a covert d'une banastre,
Et tantost se mist a la frape.
Et si i avoit .I. panier
Ou il avoit bien .II. millier
De harens fres : a bone estraine
Mengié en a une dozaine
Tant que tot ot le ventre plain.
N'i a marcheant ne vilain
Qui s'en soit point aparceüz.
Et quant Renart fu bien peüz,
Si se conmence a porpenser
Conment il porra eschaper.
Mes ainz se pense qu'il fera
Et conment il se vengera
De Primaut qui l'ot enginié.
.I. harenc fres a empoingnié
Que il en portera, ce dit.
Lors n'i atent plus de respit,
Il joint les piez et fet .I. saut,
Au charretier dist : « Diex te saut !
Bien puis huimés tenir ma voie,
Que j'é fet ce que je queroie.
De fain estoie sormenez,
Et bien me sui desjeünez
De voz harenz a bone estraine,
Mengié en ai une douzaine,
Bien sai qu'il sont de grant bonté,
Bien valent ce qu'il m'ont costé.
Je vos lez tot le remanant,
Si m'en vois, a Dieu vos conmant
Qui m'a arrivé a cest port.
.I. harenc solement enport,
Ne plus ne mains, bien le sachiez. »
Lors s'en va Renart eslessiez,
N'a plus cure de leur acost.
Et cil qui avoir leur escot
Cuiderent, quant ce ont oï,
Esperdu sont et esbahi.
Bien voient que sont deceü,
Et quant se sont aparceü,
Tuit ensemble le vont huiant.
Et celui qui s'en va fuiant,
N'avoit de lor parole cure,
Vet s'en le trot et l'ambleüre
Par valees et par montaingnes
Et puis par bois et puis par plaingnes,
Tant que il est venuz au leu
Ou il lessa Primaut le leu.
Comment Renart et Primaut vendirent les vêtements au prêtre contre un oison Si conme Renart et Primaut vendirent les vestemenz au prestre por un oyson (8)
Notes de traduction (afficher)

1 commentaire:

  1. Je n'aime pas roman de renart mais j'apprécie le blog bon courage

    RépondreSupprimer